Ou comment,
par la seule vertu de son retrait, un président narcissique et constamment décalé par rapport à ses fonctions,
peut se retrouver magnifié au-delà de toute décence.
Il n’aura pas fallu bien longtemps, après que
François Hollande a annoncé sa renonciation à la course présidentielle de 2017,
pour que surgisse une de ces légendes dont la gauche reste plus que jamais
friande faute de savoir affronter la réalité : celle de la dignité, du
courage voire de l’élégance du président sortant.
On en viendrait presque à sourire si quelques
responsables de droite, ceux qui ont toujours été tétanisés par la gauche ou pas
encore décomplexés par Fillon, n’entonnaient pas le même refrain sur Hollande.
Certes, comme chacun sait, il est malsain de tirer sur une ambulance surtout si
celle-ci a l’apparence d’un corbillard. Certes encore, que reste-t-il aux pauvres
caciques socialistes ainsi cocufiés sinon prononcer l’éloge funèbre de celui
qui s’en va rejoindre le cimetière des éléphants aux côtés de ces autres
nouveaux retraités que sont Sarkozy et Juppé ? Il est non moins vrai que
certains leaders de droite se croient encore et toujours obligés de donner des
gages de soumission à la gauche.
Mais enfin, pour le coup, trop c’est trop !
Sauf à admettre que les mots n’ont plus aucun sens, un peu de rigueur dans le choix
des qualificatifs et des substantifs n’eut sans doute pas été superflu.
Le « courage » du président pour
annoncer son renoncement ? On peut admettre que l’exercice n’ait pas été
agréable à l’intéressé. Et alors ? Le courage véritable, surtout après
avoir
décliné les soi-disant « réussites » de son quinquennat, n’eut-il pas
été d’affronter le verdict populaire à commencer par celui de sa propre
famille
politique à l’occasion de primaires ? Si son bilan avait été aussi
éclatant, sa candidature au renouvellement n’eut-elle pas été une simple
formalité ? Une fois encore, la gauche donne dans l’imposture en
laissant
accroire que le bilan de Hollande est formidable. Et que si, l’intéressé
renonce
au final, c’est simplement en raison de son impopularité. Oui mais,
quelle est
la cause de cette impopularité ? Là, c’est silence radio.
L’imposture corrélative consiste à assimiler
le courage à la renonciation, l’esquive ou l’évitement, des vertus typiquement « hollandaises »
on en conviendra. Courage, l’habileté tactique ou le goût immodéré pour la
synthèse ? Gageons que ces derniers sont très exactement l’antithèse du
courage car ils révèlent une répugnance viscérale à trancher ou à décider, donc
à prendre des risques. Courage, cette façon d’annoncer d’une voix blanche, défaite
et balbutiante – pour un homme fier de son bilan … - qu’il tire sa révérence ?
Le courage, le vrai, aurait été bien plutôt de faire lucidement le bilan
critique de son action pour en arriver à la conclusion inéluctable du
renoncement.
A l’inverse, tout se passe comme si Hollande
désertait le terrain à la veille de la bataille. « Sans moi » a pu en
ce sens titrer Libération, soulignant
implicitement la part de lâcheté consistant à abandonner son camp ou sa famille
en un instant aussi critique. Le prétendu courage de Hollande, au fond, n’est qu’antiphrase,
que réalisme sur son impossibilité politique à briguer un second mandat
présidentiel : en dépit de tous ses efforts, de toutes ses manœuvres et de
toutes ses intrigues. Les carottes étant cuites, il en a tiré la conclusion
aveuglante à laquelle beaucoup étaient parvenus avant lui Et il n’y a aucun
courage particulier à s’affranchir d’une claque au demeurant amplement méritée.
Quant à la « dignité » du président
se sacrifiant au nom de l’intérêt de la patrie, on repassera. Où est, une fois
encore, le sacrifice pour un leader tellement impopulaire et démonétisé qu’il
ne lui restait plus qu’à se retirer ? Sacrifice pour la patrie, là on
rigole franchement et ce, d’autant plus qu’il est fort probable que la
popularité de Hollande grimpe en flèche au cours de la période à venir. La
raison ? Les Français sont heureux d’être désormais débarrassés de ce boulet
insupportable d’autosatisfaction, de cet homme d’ambiguïté passant le plus
clair de son temps à mentir sur son action et à travestir la réalité.
Dignité ? Demandons donc à Claude
Bartolone, parmi d’autres, ce qu’il pense de la manière plutôt expéditive par
laquelle Hollande a déblatéré sur son compte devant des journalistes qui n’en
attendaient pas tant. Même au moment de son renoncement, un Hollande lamentablement
hésitant n’aura su trouver les mots pour s’élever à la hauteur de la dignité
présidentielle. Pouvait-on décemment attendre autre chose de la part d’un
énarque classiquement arriviste, mué en politicien madré à l'ancienne ? Telle combinaison improbable ne pouvait qu'être fatale.
A cet égard, la palme advient sans conteste,
comme il advient de plus en plus fréquemment ces temps-ci, à l’inénarrable
Laurent Joffrin de Libération qui
évoque l’« élégance » de Hollande, ce à quoi ne se sont jamais
résignés même ses thuriféraires les plus zélés. Il fallait le faire ! Il
fallait oser affubler d’élégance un homme en proie à l’obsession de harceler,
par justice ou presse interposée, son prédécesseur déjà battu dans les urnes.
Il fallait oser parler d’élégance à propos d’un homme qui aura laissé
complaisamment ses exécuteurs de basses œuvres accabler un homme de leur haine,
l’avilir, lui cracher dessus. Elégance pour un président qui, le jour de son
investiture, a infligé à son prédécesseur l’affront aussi mesquin qu’ostensible
de ne pas le raccompagner sur le
perron
de l’Elysée. Elégance pour un président qui, avec scooter et casque,
s’en va minablement en goguette tromper sa compagne du moment. Elégance
pour un président narcissique
n’hésitant pas de semaine en semaine à cracher son venin en catimini
face à des
journalistes.
Il peut arriver que les césures politiques soient
difficiles à déchiffrer, surtout lorsqu’elles procèdent du retrait d’une
personnalité ou de sa disparition. On se demande alors à bon droit :
sera-ce un débarras ou un embarras ? Dans le cas de Hollande, poser une
telle question revient à y répondre.
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