Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

mardi 13 janvier 2015

Tchao Pantins !


Louée unanimement, la marche parisienne du 11 janvier recèle plus d'ambiguïtés qu'il n'y paraît. D'une certaine façon, elle consacre l'effondrement de la bien-pensance.

La faillite de la bien-pensance. C’est d’abord ce que m’inspirent ces journées tragiques que nous venons de vivre. Certes, la manifestation monstre de Paris a eu ses thuriféraires émerveillés qui nous ont chanté les lendemains nouveaux avec le refrain obligé « d’un avant et d’un après ». Mais il y avait tellement de motivations et d’arrière-pensées différentes au sein de ce rassemblement hétéroclite !

Pour ma part, je ne suis pas du tout convaincu que tout le monde ait défilé pour la défense des libertés. Sans doute y en a-t-il eu qui se sont montrés à seule fin de se dédouaner à bon compte de ne pas avoir fait le ménage chez eux – ils ne l’ont d’ailleurs toujours pas fait – entre islam et islamisme. Sans doute aussi s'est-il trouvé parmi les marcheurs des gens qui brandissaient leur « je suis Charlie » mais n’auraient jamais brandi un « je suis juif » au lendemain de la tuerie de Toulouse en 2012, pas plus d’ailleurs qu’ils n’ont été émus par le crime antisémite commis en décembre dernier à Créteil. Où étaient alors les fameux "indignés" ? Les juifs, c’est presque normal mais Charlie, c’est tellement  tendance …

Peut-être se sont nichées au passage quelques visées politiciennes destinées à faire la preuve que la gauche n’était pas tout à fait morte. Il est seulement cocasse que l’homme à l’origine de la manifestation ait été François Lamy, un des bras droits de Martine Aubry : vous savez, pas la « dame des 35 heures » mais celle qui a instauré des horaires différenciés dans les piscines de sa bonne ville de Lille afin d’éviter la mixité hommes-femmes …

Il y a eu surtout dans cette marche « historique » un formidable exutoire à la peur. De Gaulle disait en son temps qu’on ne peut faire vraiment bouger les Français que sous l’empire de la peur. Ces Français, ajoutait Richelieu, qui « ne sachant se tenir au bien reviennent si aisément du mal ». Reconnaissons-le sans tergiverser : c’est bien la peur et non la défense de nobles idéaux qui a fait descendre l’écrasante majorité de ces gens dans la rue, dimanche 11 janvier. Défense de la liberté d’expression ? Pardi ! Ceux qui défilaient ce jour-là pour Charlie Hebdo était ceux-là même qui avaient condamné sans sourciller à la mort médiatique un certain Eric Zemmour peu auparavant. 

Faillite de la bien-pensance, donc. Ah ! Ils avaient belle mine, tous ces politiciens qui, hier encore, n’avaient de cesse qu’ils ne renvoient doctement la responsabilité des attentats au conflit israélo-palestinien : ces politiciens qui émargent encore allègrement sur les comptes du Qatar ou des émirats quand ce n'est pas de l'Iran.

Elle a belle mine, cette gauche caviar dont le silence est devenu assourdissant ces temps-ci. Où est-il donc passé notre si sémillant Jack Lang ? On comprend qu’en sa qualité de président de l’Institut du monde arabe, il se soit mis aux abonnés absents. On ne mord pas la main qui vous nourrit. Où est-il notre Yannick Noah national, fraudeur fiscal et donneur de leçons de morale devant l’Eternel ? Muet lui aussi, sans doute pour ne pas avoir à verser de larmes de crocodile devant des victimes juives. Et tant d’autres figures emblématiques de la gauche qui ont brusquement disparu de nos écrans radar, à l’instar des Arditi, Bacri, Jaoui ou encore de Jamel Debbouze qui a sûrement craint, en sortant de son mutisme, de désobliger son grand ami, le « si drôle » Dieudonné. On a du tact ou on n’en a  pas …

Tous ces gens-là avec leurs arrière-pensées ont dû se trouver fracassés par l’intervention brillante et courageuse à l’Assemblée nationale de Manuel Valls qui, pour la première fois, a osé qualifier les attentats : jihadisme, islamisme, sectarisme musulman, intolérance. Pour la première fois également, le premier ministre a soulevé le problème de l’école dans les quartiers, au grand dam de l’Education nationale pour laquelle, comme d'habitude, tout est normal. Que cela faisait du bien d’entendre par sa voix ce que des générations d’hommes de gauche, comme de droite d’ailleurs, s’étaient évertués à nier au nom du politiquement correct !

Il faut être juste. Il est resté des journalistes de gauche - sont-ils encore vraiment des journalistes ? - qui sont montés au créneau en détournant le problème avec une arrogance et une persévérance que ces jours derniers ont rendue proprement ignoble. Il en va ainsi d'Edwy Plenel qui justifie en creux les attentats barbares en y voyant complaisamment "la cruauté du faible". Sans parler de Laurent Joffrin qui dénonce nommément - ce n'est pas la première fois que ce délateur-né se livre à ce genre de dénonciation nominative - les véritables responsable des massacres : Zemmour, Houellebecq et Finkielkraut. Dans leur traîne, les suivistes d'Edgar Morin ou du si regrettable Stéphane Hessel ainsi que tous ceux qui se seront évertués à transformer un défilé contre l'islamisme en défilé contre l'islamophobie.

Tous comptes faits, il y a aussi un humoriste de gauche qu’on aura entendu surabondamment. Un artiste pitoyable, pathétique, au seuil de la sénilité, qui nous aura abreuvés de ses jérémiades auto-justificatrices, fort peu crédibles au demeurant. Qu’allait-il faire dans cette galère, lui qui n’avait jamais aimé les gens de Charlie Hebdo, qui les vomissait même en ne les trouvant pas drôle pour un sou et qui ajoutait même « Qu’ils crèvent !» Certes, étant tout aussi pied noir d’origine que Bedos, je sais que cette expression « Qu’ils crèvent ! » est souvent passe-partout et n'a pas en tout cas la tonalité à laquelle les récents attentats ont donné une dimension tragique. Pour autant, était-ce la place de Bedos de venir se lamenter sur son propre sort en bredouillant non sans indécence qu’il avait été mal compris ? On savait déjà que sa soi-disant drôlerie moralisatrice avait ses limites. On le découvre lâche. 

Lui, Bedos, pensait sûrement avec sincérité que c’était sa place de s’exhiber ainsi avec impudeur devant les médias. Tant il est vrai qu’un artiste ne décroche jamais, « ne se fait jamais piquer son créneau » comme le prétendait naguère le grand Vittorio Gassman. Existe-t-il encore des gens qui se laissent prendre à son jeu ? Très certainement les naïfs, les crédules, tous ceux qui s’accrochent encore désespérément à leurs illusions de naguère. André Gide disait autrefois, en substance, que de toutes les fidélités, celle qu’on porte à soi-même est la plus consternante dès lors qu’elle n’est pas spontanée. Les autres se contenteront de penser, comme moi : Tchao Pantin, quitte à faire se retourner dans sa tombe le grand Coluche.  

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