Tout à la fin de son mandat présidentiel, Barack Obama fait montre d'une agressivité qui est de nature à altérer une image jusque-là peu vulnérable.
On nous l’aurait donc changé ou quoi ?
Nous connaissions Barack Obama, pondéré, mesuré, élégant. C’était son signe
distinctif, sa marque de fabrique et, en tout état de cause, ce qui devrait rester
de lui pour la postérité. Et pourtant, depuis l’élection de Donald Trump à la
Maison Blanche, ce n’est plus le même homme : le président sortant apparaît désormais amer, désabusé voire étonnamment vindicatif. A maints égards, il se lâche. Montre-t-il son vrai visage depuis qu’il est devenu un « lame duck », un canard boiteux sans
pouvoir véritable jusqu’à l’inauguration de son successeur, le 20 janvier
prochain ?
Il n'y a guère de hasard en la matière. Au fond, la défaite
d’Hillary Clinton dans la course à la Maison Blanche est aussi la
sienne. D’abord parce qu’il s’est engagé – et sa famille avec lui - en faveur
de son ancienne adversaire comme peu de présidents se sont engagés dans le
passé. En 2000, Bill Clinton n’avait soutenu que mollement son ancien
vice-président Al Gore lequel, il est vrai, ne le sollicitait guère. De même Ronald
Reagan n’était-il pas venu à la rescousse de George Bush Sr en 1988, pas plus
que George Bush Jr, vingt ans plus tard, avait prêté main forte au candidat
républicain John McCaine. Au demeurant, Obama était d’autant plus stoïque dans son soutien à Hillary Clinton qu’il détestait les Clinton de longue date,
ceux-ci le lui rendant bien de toute évidence.
Mais surtout, Obama se battait pour sa propre
chapelle en souhaitant aussi ardemment la victoire d'Hillary. Avec elle à la Maison
Blanche, en effet, son héritage présidentiel avait toutes les chances de demeurer à peu près intact pour
l’histoire. Ce n'est plus le cas dans la mesure où cet héritage sera bientôt décortiqué en détail et où il n'est pas certain que l'inventaire tourne à son avantage. Il devrait être d'ailleurs détricoté en une large mesure. Regretté ? Voire.
L'opinion commence à se répandre
aujourd'hui ouvertement d’un échec patent de la présidence Obama. Certes, à sa décharge le Congrès
ne s’est pas privé de lui mettre des bâtons dans les roues et de saboter sa
politique. Au-delà, pourtant, son programme social montre déjà ses limites tout
autant que ses aspects pervers envers les grands équilibres budgétaires, tandis
que sa politique extérieure est un échec manifeste sur les deux dossiers
cruciaux que sont le conflit israélo-palestinien et le monde arabe, d’un côté,
et les rapports avec la Russie d’un autre côté. La déstabilisation régionale
résultant des soi-disant « printemps arabes », le président américain en est en grande
partie responsable avec son fameux discours du Caire. Les relations exécrables
avec Moscou, c’est lui également.
Obama est d’ailleurs tellement conscient
de ses échecs qu’il est en train de perdre ses nerfs, vis-à-vis de la Russie et de son leader
Vladimir Poutine précisément. Jusqu’au bombardement d’Alep, il s’était habilement
gardé d’attaquer trop ouvertement le Kremlin sur la Syrie, ce qui serait revenu à souligner
en creux sa propre impéritie sur cette question – cette fameuse « ligne
rouge » de juin 2013 au regard de laquelle il était demeuré impavide lorsque Bachar el Assad l'avait contournée. Mais
Obama croit à présent pouvoir faire coup double en surjouant l’indignation sur les pressions supposées de la Russie lors des dernières élections
présidentielles américaines : il règle ainsi ses comptes avec Poutine tout
en tâchant de remettre implicitement en cause la légitimité de l’élection qui a
porté Donald Trump au pouvoir.
Le problème cependant est que son combat
d’arrière-garde n’est ni élégant, ni crédible. Quoiqu’en aient certains
démocrates, qui trahissent ainsi leur côté de « mauvais perdant », il
est bien trop tard pour contester l’élection de Trump. Quant à Moscou, la charge de
la Maison Blanche sur les cyberattaques – qui auraient favorisé la victoire de
Trump - la laissera sans doute indifférente : de même que le trait venimeux
d’Obama, peu digne de son auteur, par lequel il vient de taxer la Russie de
« petit pays » ; sans parler évidemment des menaces de
représailles qui font l'effet de coup d'épée dans l'eau.
Obama se croit-il revenu au bon vieux temps
de la guerre froide ? En tout cas, il se prendrait presque à le souhaiter
vu sa façon un peu risible d’en appeler aux mânes du président Reagan … un
Républicain dont lui-même devait probablement condamner en son temps
l’agressivité et dont il considère aujourd’hui qu’il doit « se retourner
dans sa tombe ».
En vérité, après toutes les affaires sur les
emails controversés d’Hillary Clinton, qui ne l’ont guère fait sourciller, Obama joue dangereusement vis-à-vis de la Russie. Il en
deviendrait presque irresponsable si sa parole politique avait encore du poids,
ce qui n’est plus le cas. Après janvier, on peut compter sur ses thuriféraires, qui sont en même
temps bien sûr les contempteurs les plus virulents de Trump, pour gloser sur la prétendue irresponsabilité du nouveau président.
Obama, lui, n’en sortira pas grandi.
S’il est vrai que le verdict de l’histoire
est souvent incertain et met du temps à se décanter, Barack Obama a de quoi se
montrer nerveux quitte à altérer son principal atout : son équation
personnelle.
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