Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

vendredi 2 décembre 2016

Légende




Ou comment, par la seule vertu de son retrait, un président narcissique et constamment décalé par rapport à ses fonctions, peut se retrouver magnifié au-delà de toute décence.

Il n’aura pas fallu bien longtemps, après que François Hollande a annoncé sa renonciation à la course présidentielle de 2017, pour que surgisse une de ces légendes dont la gauche reste plus que jamais friande faute de savoir affronter la réalité : celle de la dignité, du courage voire de l’élégance du président sortant.

On en viendrait presque à sourire si quelques responsables de droite, ceux qui ont toujours été tétanisés par la gauche ou pas encore décomplexés par Fillon, n’entonnaient pas le même refrain sur Hollande. Certes, comme chacun sait, il est malsain de tirer sur une ambulance surtout si celle-ci a l’apparence d’un corbillard. Certes encore, que reste-t-il aux pauvres caciques socialistes ainsi cocufiés sinon prononcer l’éloge funèbre de celui qui s’en va rejoindre le cimetière des éléphants aux côtés de ces autres nouveaux retraités que sont Sarkozy et Juppé ? Il est non moins vrai que certains leaders de droite se croient encore et toujours obligés de donner des gages de soumission à la gauche.

Mais enfin, pour le coup, trop c’est trop ! Sauf à admettre que les mots n’ont plus aucun sens, un peu de rigueur dans le choix des qualificatifs et des substantifs n’eut sans doute pas été superflu.

Le « courage » du président pour annoncer son renoncement ? On peut admettre que l’exercice n’ait pas été agréable à l’intéressé. Et alors ? Le courage véritable, surtout après avoir décliné les soi-disant « réussites » de son quinquennat, n’eut-il pas été d’affronter le verdict populaire à commencer par celui de sa propre famille politique à l’occasion de primaires ? Si son bilan avait été aussi éclatant, sa candidature au renouvellement n’eut-elle pas été une simple formalité ? Une fois encore, la gauche donne dans l’imposture en laissant accroire que le bilan de Hollande est formidable. Et que si, l’intéressé renonce au final, c’est simplement en raison de son impopularité. Oui mais, quelle est la cause de cette impopularité ? Là, c’est silence radio.

L’imposture corrélative consiste à assimiler le courage à la renonciation, l’esquive ou l’évitement, des vertus typiquement « hollandaises » on en conviendra. Courage, l’habileté tactique ou le goût immodéré pour la synthèse ? Gageons que ces derniers sont très exactement l’antithèse du courage car ils révèlent une répugnance viscérale à trancher ou à décider, donc à prendre des risques. Courage, cette façon d’annoncer d’une voix blanche, défaite et balbutiante – pour un homme fier de son bilan … - qu’il tire sa révérence ? Le courage, le vrai, aurait été bien plutôt de faire lucidement le bilan critique de son action pour en arriver à la conclusion inéluctable du renoncement.

A l’inverse, tout se passe comme si Hollande désertait le terrain à la veille de la bataille. « Sans moi » a pu en ce sens titrer Libération, soulignant implicitement la part de lâcheté consistant à abandonner son camp ou sa famille en un instant aussi critique. Le prétendu courage de Hollande, au fond, n’est qu’antiphrase, que réalisme sur son impossibilité politique à briguer un second mandat présidentiel : en dépit de tous ses efforts, de toutes ses manœuvres et de toutes ses intrigues. Les carottes étant cuites, il en a tiré la conclusion aveuglante à laquelle beaucoup étaient parvenus avant lui Et il n’y a aucun courage particulier à s’affranchir d’une claque au demeurant amplement méritée.

Quant à la « dignité » du président se sacrifiant au nom de l’intérêt de la patrie, on repassera. Où est, une fois encore, le sacrifice pour un leader tellement impopulaire et démonétisé qu’il ne lui restait plus qu’à se retirer ? Sacrifice pour la patrie, là on rigole franchement et ce, d’autant plus qu’il est fort probable que la popularité de Hollande grimpe en flèche au cours de la période à venir. La raison ? Les Français sont heureux d’être désormais débarrassés de ce boulet insupportable d’autosatisfaction, de cet homme d’ambiguïté passant le plus clair de son temps à mentir sur son action et à travestir la réalité.

Dignité ? Demandons donc à Claude Bartolone, parmi d’autres, ce qu’il pense de la manière plutôt expéditive par laquelle Hollande a déblatéré sur son compte devant des journalistes qui n’en attendaient pas tant. Même au moment de son renoncement, un Hollande lamentablement hésitant n’aura su trouver les mots pour s’élever à la hauteur de la dignité présidentielle. Pouvait-on décemment attendre autre chose de la part d’un énarque classiquement arriviste, mué en politicien madré à l'ancienne ? Telle combinaison improbable ne pouvait qu'être fatale.

A cet égard, la palme advient sans conteste, comme il advient de plus en plus fréquemment ces temps-ci, à l’inénarrable Laurent Joffrin de Libération qui évoque l’« élégance » de Hollande, ce à quoi ne se sont jamais résignés même ses thuriféraires les plus zélés. Il fallait le faire !  Il fallait oser affubler d’élégance un homme en proie à l’obsession de harceler, par justice ou presse interposée, son prédécesseur déjà battu dans les urnes. Il fallait oser parler d’élégance à propos d’un homme qui aura laissé complaisamment ses exécuteurs de basses œuvres accabler un homme de leur haine, l’avilir, lui cracher dessus. Elégance pour un président qui, le jour de son investiture, a infligé à son prédécesseur l’affront aussi mesquin qu’ostensible de ne pas le raccompagner  sur le perron de l’Elysée. Elégance pour un président qui, avec scooter et casque, s’en va minablement en goguette tromper sa compagne du moment. Elégance pour un président narcissique n’hésitant pas de semaine en semaine à cracher son venin en catimini face à des journalistes.  

Il peut arriver que les césures politiques soient difficiles à déchiffrer, surtout lorsqu’elles procèdent du retrait d’une personnalité ou de sa disparition. On se demande alors à bon droit : sera-ce un débarras ou un embarras ? Dans le cas de Hollande, poser une telle question revient à y répondre.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire