Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

samedi 26 novembre 2016

Incorrigible, la gauche française




Les grandes orgues sont convoquées par notre gauche française à la gloire du dictateur cubain qui vient de trépasser.  Nostalgie ? Imposture ? Les deux, mon colonel.

La mort de Fidel Castro va sans nul doute donner lieu à un de ces scandales intellectuels dont notre gauche est si friande, par le biais d’une falsification grossière de l’Histoire. Procès d'intention ? Voire.
 
Ne perdons pas de vue, à cet égard, que la France reste le seul pays occidental d’importance où survit un parti communiste. Et il n'y a pas grand monde pour s'en émouvoir ou pour trouver aujourd'hui indécent que ses dirigeants tressent les louanges d'un Castro qui aura bel et bien ruiné son pays. Le communisme ? Oui, encore et toujours malgré l’effondrement du mur de Berlin et la décrépitude pitoyable du bloc communiste est-européen, il y a maintenant vingt-sept ans ; malgré les révélations sur le régime soviétique, sur les purges staliniennes, les procès de Moscou et le goulag ; malgré le fameux « Grand Bond en avant » de Pékin qui ne fut, en réalité, qu’un recul économique effroyable acculant à la famine des dizaines de millions de Chinois ; malgré les crimes en cascade de Mao, le Grand Timonier ; malgré les régimes fantoches d’Albanie et d’Allemagne de l’Est, hier, de Corée du Nord aujourd’hui.
 
Malgré tout cela, le communisme garde encore pignon sur rue chez nous sans que le parti ait jugé bon de reconnaître ses fautes. L’extraordinaire dans cette affaire est qu’il continue à arborer une façade de respectabilité sans avoir dû s’excuser pour ses vilénies en cascade. Traître à la patrie pour désertion, Maurice Thorez est toujours considéré comme une grande figure du prolétariat et fait partie de notre Histoire. On oublie que Jacques Duclos, cette brave figure de grand-père candidat aux présidentielles de 1969, fut un exécuteur de basses œuvres ; qu’Aragon et Césaire furent des staliniens de la plus belle eau, assumés et décomplexés. On n’accorde aucune importance à ce que tel intellectuel de gauche aujourd’hui en vue, et plus que jamais donneur de leçons, ait dénoncé naguère Soljenistyne comme un « imposteur » tout en glorifiant sans réserve la Chine rouge et sa fameuse « révolution culturelle ». La mystification de préférence à la vérité, le fantasme de préférence au réel.
 
Comment la génération soixante-huitarde des maoïstes et des trotskystes serait-elle tentée de faire son autocritique et s'imposer la repentance qu'elle exige sans vergogne des autres ? Elle détient aujourd’hui tous les leviers de commande en France. Bien au contraire, avoir été communiste confère une plus-value inestimable dans notre société et, pour reprendre un titre de film « Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes ». Dans la sphère littéraire, s'être trompé, avec Sartre ou non, représente un titre d’honorabilité incomparable auprès duquel ceux qui n'ont jamais été dupes, avec Raymond Aron ou d’autres, font pâle figure à supposer qu'ils ne se retrouvent pas ringardisés. N’a-t-on pas été jusqu’à prétendre avec légèreté, mais non sans raison, qu’avoir été communiste représentait en soi un « genre littéraire » ?
 
Voici pourquoi, après nous avoir infligé la farce d’un Hugo Chavez érigé en « héros du peuple », avec les conséquences dramatiques pour les Vénézuéliens qu’il est aujourd’hui loisible d’observer, nous aurons droit à l’apothéose avec la disparition du Lider Maximo. L’ultime « héros » historique de cette farce idéologique dont ceux qui ont été les petits soldats ou les compagnons de route, tout comme ceux qui en ont été les instigateurs et sans parler des habituels "idiots utiles" y compris à droite, vont nous rabâcher les mérites ou la dimension hors normes. Vous comprenez, Castro c'est l'histoire du XXe siècle ... comme si faire partie de l'histoire pouvait absoudre de tous les crimes et de toutes les erreurs.
 
Seuls les plus lucides, ou ceux qui ne bradent pas la véracité des faits, savent qu’il fut un dictateur impitoyable de même que "Che" Guevara, autre icône du régime, fut un tortionnaire innommable avant d'être promu en "héros romantique". Non, n'en déplaise au photographe Alberto Korda qui sut si bien mettre en scène le "commandante",  Guevara n'était ni un poète ni un humaniste. Il a d'ailleurs eu la fin qu'il méritait : non pas tant liquidé par les Américains que lâché par les paysans boliviens qu'il tentait de circonvenir ou d'entraîner dans ses chimères démentes.
 
Fidel Castro, lui, aura surtout été un faussaire génial. Il me revient ainsi le souvenir d'un film réalisé par le cinéaste communiste Chris Marker qui n’était en fait que la mise en images d’un discours-fleuve de plus de quatre heures prononcé par le leader cubain à La Havane. Ce discours était celui de la reconnaissance d’un échec économique, à l’occasion d’un pari perdu, celui de la grande zafra (récolte de canne à sucre) de 1970 où l’objectif de production n’avait pas été atteint. Castro avait alors réussi le tour de force de faire d’un pari incontestablement perdu un triomphe de "franchise révolutionnaire". Entre parenthèses, chez nous aussi Hollande perd ses paris mais, et cela n’étonnera personne, avec beaucoup moins de talent ou d'imagination. Castro, lui au moins, n'invoquait pas son "manque de bol" …
 
Bien sûr, à Cuba demeure le folklore, les havanes, le soleil couchant sur le Malecon voire la mystique plus récente qui se rattache au Buena Vista Social Club. Mais peut-être serait-il temps d’en sortir et d’en dissocier le castrisme qui reste une calamité objective.
 
En tout cas, ce n’est pas avec Hollande qu’on en sortira, lui qui s’est déclaré encore récemment fasciné par le castrisme. Tout autant du reste que la gauche française reste fascinée par le communisme. On va donc nous rejouer la geste révolutionnaire ad nauseam ainsi que, corrélativement, la mise au pilori du si méchant impérialiste américain. Il est vrai que, de nos jours, le « méchant » est quasiment venu à récispicence grâce à Obama qui n' pas manqué de se fendre d’un hommage appuyé pour saluer la mémoire de Castro. Qu’en pensent les exilés cubains ou encore les centaines de milliers de victimes de cette dictature qui aura écrasé politiquement et ruiné économiquement l’île de Cuba pendant près de soixante ans ? Le président américain sortant s’en moque sans doute comme d’une guigne. Lui aussi conservera inébranlablement sa mystique et continuera à être vénéré par les élites occidentales, malgré son bilan désastreux de politique internationale et le désaveu peu glorieux que représente l'élection de Trump. Quant à ces élites, germanopratines ou autres, elles continueront de pérorer en occupant bec et ongles le devant de la scène. Pour une fois, elles pourront entonner l'antienne de ces beaufs qu'elles se complaisent à  ridiculiser : "c'était mieux avant" ...
 
Naguère, lors de la célébration du centenaire de la Commune de Paris, et de la mascarade y afférente de la glorification du « peuple à l’assaut du ciel » face aux horribles "versaillais" de Thiers, l’historien Max Gallo avait justement dénoncé le scandale intellectuel d’une héroïsation aussi dérisoire qu’imaginaire par la gauche française. Il se confirme que celle-ci n’est jamais en retard d’une falsification, même s’il est vrai que son refus obstiné du réel ne lui laisse guère d’autre choix.

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