Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

mardi 22 novembre 2016

Il va leur manquer …




Sarkozy jette l’éponge. La France perd un homme d’Etat, quand elle en compte déjà si peu, la classe politique un bouc-émissaire et la presse un « bon client ».


Ainsi donc, la messe est dite et l’histoire retiendra que la carrière politique de Nicolas Sarkozy s’est arrêtée dimanche 20 novembre 2016 sur le coup de 22 heures. Ce qu’elle ne dira pas en revanche, enfin pas tout de suite, c’est à quel point l’intéressé désormais à la retraite va manquer à une foule de gens.

S’est-on vraiment rendu compte à quel point l’anti-sarkozysme aura représenté, au cours de ces dernières années, un fonds de commerce politique et médiatique particulièrement lucratif ? Aura-t-on comptabilisé le nombre de « unes » lapidaires qu’il aura suscitées, le nombre d’articles assassins qu’il aura inspirés ? De belles âmes – c’est, bien sûr, une façon de parler – de Catherine Deneuve à Benjamin Biolay en passant par l’inévitable Jean-Michel Ribes, ont trouvé dernièrement à s’émouvoir du « Hollande bashing ». Mais qui se sera préoccupé d’un « Sarkozy bashing » d’autant plus permanent et convenu, toute une décennie durant, qu’il participait d’un politiquement correct orchestré par les élites dites convenables ? Celles-ci n’eurent jamais d’indignations assez vertueuses pour vitupérer ici le côté « nauséabond » et là, la vulgarité populiste supposée de Sarkozy.


Il n'est pas rare que la vie politique se trouve des bouc-émissaires qui ne sont, au fond, que les révélateurs des insuffisances d'une société. La France se sera ainsi habituée sans barguigner à François Mitterrand, à son cynisme et à ses mensonges en cascade, à sa double vie privée – aux frais de la République, soit dit incidemment – à ses amis collabos, sans parler de sa prédilection pour les écoutes téléphoniques tous azimuts. Choque-t-il la postérité ? Pas exactement puisqu'on célèbre aujourd’hui encore le président socialiste non sans que les bienpensants ne s’émeuvent, au passage, de ses lettres d’amour à sa maîtresse. 


La France s’est résignée sans tapage à Jacques Chirac, à son immobilisme légendaire, à sa trivialité corrézienne genre tête de veau sauce ravigote et bière à toute heure, sans parler de son rapport plutôt opaque – pour rester sur un mode mineur - à l’argent. Nul doute que celui qui est devenu désormais « saint Chirac » aura droit à des obsèques nationales. Au fond, c’est comme pour Johnny Hallyday : toutes les générations de l’hexagone l’auront connu…


Or c’est cette même France qui n’aura jamais vraiment accepté Nicolas Sarkozy, hormis son élection de 2007 à l’Elysée. A cause du « bling-bling » du Fouquet’s et du yacht de Bolloré ? Ou à cause du « casse-toi pauv’ con » voire du « karcher » ? Restons sérieux. Il ne s'agit-là que de broutilles en comparaison des maîtresses plus ou moins voyantes de Chirac, de ses frais de bouche extravagants à la mairie de Paris, de ses séjours dispendieux payés aux frais de la princesse – ou du roi du Maroc, ce qui pour un président ou pour un ancien président français … - à Marrakech ou à l’île Maurice ou de son vrai-faux appartement parisien du quai des Grands Augustins. Broutilles également en comparaison de la façon dont Hollande aura abaissé la présidence en lieu de vaudeville – de son inénarrable scooter aux frasques dérisoires de Madame Trierweiler – voire en tribune journalistique indécente.  

Reconnaissons-le franchement : notre société française n’a jamais accepté Sarkozy parce qu’il est dérangeant et parce qu’elle-même est hypocrite, frileuse et abhorre par-dessus tout qu’on lui assène certaines vérités. La France est définitivement un modèle, qu'on se le dise, et ne peut tolérer qu'on lui fasse impunément la leçon. Quelles vérités ? Sur son conservatisme étriqué, par exemple, ou sur son ambiguïté à jouer de l'égalitarisme alors qu'elle ne renie pas sa prédilection pour les privilèges ; sur sa révérence excessive envers les « héritiers » dénoncés naguère par Bourdieu ou sur sa hantise viscérale des réformes ; sur son besoin d’être cocoonée, flattée, confortée dans l’idée qu’elle est « le pays des droits de l’homme » ou encore « le pays d’une laïcité et d’un modèle social » voire « le pays du vivre-ensemble » que le monde entier nous envie. Ceux qui n’entonnent pas cette rengaine sont les empêcheurs de tourner en rond, a fortiori ceux qui s'emploient à détourner brutalement les Français de ces rêveries auxquelles les convient invariablement le pouvoir socialiste.

Sarkozy aura été cet homme-là. Atypique, il aura tenté de bousculer les Français, parfois maladroitement il est vrai, et sans égards ni préavis. Ils ne le lui ont jamais pardonné. Ils l’ont donc rejeté, vilipendé, insulté, humilié, à droite comme à gauche. Ils lui ont voué une haine inextinguible et à maints égards irrationnelle qu’aura symbolisé le « TSS », « Tout sauf Sarko ». A droite ? Les candidats à la primaire ont à peu près tous prospéré sur l’anti-sarkozysme, de Juppé à Fillon, sans parler des seconds couteaux, les plus acharnés à coup sûr, de Copé à NKM. Que va-t-il ainsi rester à Juppé, lui qui espérait tant profiter jusqu’au deuxième tour de l’effet repoussoir représenté par l’ancien chef de l’Etat ? Pas grand-chose et l'on peut constater, dès le lendemain du premier tour des primaires, le vide sidéral de son « programme », aussi timoré que centriste, passé jusque-là au second plan. D’où l’antienne anti-sarkozyste que Juppé entonne derechef … contre Fillon cette fois, dont il rappelle assez pitoyablement qu’il fut le premier ministre de Sarkozy et reste donc frappé du péché originel. Comme si Juppé, lui, n’avait pas été ministre dans le gouvernement Fillon…


A gauche, là aussi, le vide ne va pas tarder à se faire sentir. Même si l’on n’a pas fini d’entendre parler de l’« ultra-libéralisme », du « conservatisme chrétien » voire du « thatchérisme » de Fillon, nul doute que Sarkozy manque déjà à Hollande. Il ne manquera pas moins aux pseudos-commentateurs qui auront manié l’insulte au-delà de toute convenance. Il manquera tout particulièrement au Monde et à Libération dont il était la tête de turc privilégiée. Est-ce un hasard si le directeur éditorial de Libé, Laurent Joffrin, s’est livré le lundi matin à un dernier baroud d’honneur, véritable feu d’artifice de vulgarité envers un perdant dont l’élégance à reconnaître sa défaite et à tirer sa révérence a été saluée par tous ? Est-ce un hasard, si tel chroniqueur de gauche sur Radio-Classique s’est cru obligé de narguer sur un ton goguenard son collègue de droite ? Est-ce un hasard si tel politologue classé à gauche arborait un petit sourire narquois de condescendance un rien lassée, à croire que la gauche venait de gagner l’élection ?

 
Cette gauche décidément mesquine a les petites et dérisoires satisfactions qu’elle peut.  Qu’elle en profite bien surtout car le temps n’est pas si lointain où elle devra se rabattre sur le registre des valeurs, qu’elle sait si bien piétiner au besoin, ou de la vertu indignée qu'elle brandira encore fièrement ... malgré Cahuzac, Thévenoud et tant d'autres encore.   

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