Abrupt, le
système d’alternance de l’exécutif américain a le mérite de la franchise et de
la clarté. Ce n’est pas le cas de la France où, comme d’habitude, rivalisent hypocrisie
indignée et comportements chafouins.
Chaque alternance présidentielle aux
Etats-Unis donne lieu sans ambages à la mise en œuvre du spoil system, le fameux système « des dépouilles » :
ainsi, en l’espace de quelques semaines (généralement durant la période de
transition située entre l’Election Day de novembre et l’Inauguration Day de
janvier) près de quatre mille postes exécutifs importants changent de main. Un
véritables casse-tête pour ceux qui sont en charge de la transition. Toutefois
ce système, qui est aujourd’hui institutionnalisé et banalisé, a l’avantage de
la franchise et de la clarté.
La France n’est pas dotée d’un système
comparable. A chacun son histoire. Chez nous, elle remonte à l’époque du Front
Populaire lorsque certains hauts fonctionnaires du ministère des Finances s’étaient
acharnés, par idéologie et préférence politiques, à faire capoter les mesures décidées
par le gouvernement de Léon Blum. La leçon avait été retenue dès la Libération
avec la création de l’Ecole nationale d’administration qui avait précisément
vocation à doter le pays d’un corps de fonctionnaires d’élite, loyal, compétent
et, surtout, entièrement voué au service public indépendamment du pouvoir en
place.
Tout cela a bien marché jusqu’à ce que les
énarques se mettent en tête, eux aussi, de faire de la politique. C’est à
partir de là que le système a progressivement dérapé. Irait-on jusqu’à affirmer
que ledit dérapage est devenu vraiment caricatural et dérangeant avec l’esprit
de revanche caractérisant habituellement l’avènement de la gauche au
pouvoir ? On ne saurait mieux dire.
De fait, avec Mitterrand puis Hollande à
l’Elysée, avec Jospin à Matignon, la gauche ne s’est guère gênée pour faire le
ménage dans la fonction publique et dans le service public largo sensu. Elle a méthodiquement épuré, infiltré et investi les
corps de l’Etat tant qu’elle a pu. Des exemples ? A la magistrature fut inoculée
insidieusement une idéologie gauchisante du meilleur aloi qui est devenue
aujourd’hui la marque de l’ENM (Ecole nationale de la magistrature) de
Bordeaux. Résultat : de plus en plus de juges justiciers, le Syndicat de
la Magistrature et le « mur des cons » en prime. Il en a été de même
pour la direction des Affaires culturelles du Quai d’Orsay où l’entrisme des
gens de gauche est devenu un cas d’école : c’est au point qu’il est à
présent quasiment impossible d’y nommer un homme ou une femme ne partageant pas
les partis pris « progressistes » sans provoquer un véritable tollé.
Le mécanisme est partout le même : la
gauche au pouvoir fait un nettoyage éhonté sans provoquer le moindre émoi,
lequel serait d’ailleurs vite étouffé comme réactionnaire ; la droite au
pouvoir, elle, se sent comme inhibée à l’idée de revenir sur cette partialité
scandaleuse et, lorsqu’elle s’y résout, déclenche inévitablement une levée de
boucliers indignée sur le thème de la « chasse aux sorcières ».
Les meilleurs exemples d’une telle
dissymétrie renvoient cependant aux médias de service public. Il y a beau temps
que France Inter, méprisant le principe qu’une radio publique appartient à tout
le monde et se doit de respecter en conséquence une neutralité minimale, se
livre à une propagande gauchisante sans limite : journalistes malhonnêtes
intellectuellement ou aux ordres, commentaires systématiquement biaisés, faux
humoristes, tous ces gens-là étant évidemment intouchables. Au cours de ces
dernières années, le sport national de cette radio aura été de casser et de
ridiculiser en parfaite impunité une droite qualifiée de ringarde et
d’obscurantiste : Sarkozy de préférence mais aussi Morano, Wauquiez, Copé
et bien d’autres encore qui n’ont pas l’heur de plaire à ces petits marquis. Ceux-ci
ont déjà inscrit quelques têtes à leur tableau de chasse, dont les moindres ne
sont pas Clément Weill Raynal, qui avait osé révéler la turpitude du « mur
des cons » et, surtout, Eric Zemmour quasiment interdit d’antenne. Sur un
mode plus intellectuellement snob, Arte
n’est pas en reste. Quant à l’AFP, on sait depuis longtemps à quoi s’en tenir
sur sa déontologie si particulière : sa partialité est telle sur les
questions proche-orientales qu’on la surnomme volontiers « Agence France
Palestine » …
Le drame, c’est qu’il n’y a aucune raison
pour que de telles dérives ne perdurent pas sous couvert d’une
« neutralité » formelle qui n’est plus que fiction et d’une liberté
d’expression à sens unique. Le magistère intellectuel et moral de la gauche est
à ce point enraciné et admis implicitement par la droite que celle-ci, une fois
revenue aux affaires, se montre littéralement tétanisée, n’osant revenir sur ce
qui est présenté le plus sérieusement du monde comme des « acquis ».
La « droite la plus bête du
monde », comme le prétendait naguère Guy Mollet ? La droite la plus
pusillanime, assurément. Une anecdote à ce propos : il y a quelques années, le ministre que je servais au Quai d’Orsay – où
j’avais eu la surprise de découvrir des portraits d’Arafat et des affiches à la
gloire du Hamas en certains bureaux - avait eu cette réplique significative à
ma suggestion de faire évoluer les choses dans certaines directions de son
ministère : « Vous n’y pensez pas, ce ministère est d’un maniement si
difficile … »
Si l’on pense que j’exagère, la
récente abstention du Quai d’Orsay à l’UNESCO sur une résolution faisant des
lieux saints de Jérusalem un territoire exclusivement musulman prouve à
satiété qu’il n’en est rien hélas. Tel ministère peut être sans doute d’un
maniement difficile mais je reste naïf au point de penser qu'il n’en reste pas moins une
administration d’exécution aux ordres du pouvoir légitime. Evidemment si le politique, d'emblée, capitule ... le résultat renvoie à ce qui vient d'arriver avec le tweet inouï de notre ambassadeur à Washington qui se déclare en substance catastrophé par le résultat de l'élection de D. Trump. Son ministre, lui, n'y trouve pas à redire.
Vive donc la neutralité « à la
française » même si, tout comme notre fameux « modèle social »,
il n’est pas du tout certain que le monde entier nous l’envie …
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire