Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

mardi 15 novembre 2016

Système des dépouilles ou neutralité « à la française » ?



Abrupt, le système d’alternance de l’exécutif américain a le mérite de la franchise et de la clarté. Ce n’est pas le cas de la France où, comme d’habitude, rivalisent hypocrisie indignée et comportements chafouins.

Chaque alternance présidentielle aux Etats-Unis donne lieu sans ambages à la mise en œuvre du spoil system, le fameux système « des dépouilles » : ainsi, en l’espace de quelques semaines (généralement durant la période de transition située entre l’Election Day de novembre et l’Inauguration Day de janvier) près de quatre mille postes exécutifs importants changent de main. Un véritables casse-tête pour ceux qui sont en charge de la transition. Toutefois ce système, qui est aujourd’hui institutionnalisé et banalisé, a l’avantage de la franchise et de la clarté. 

La France n’est pas dotée d’un système comparable. A chacun son histoire. Chez nous, elle remonte à l’époque du Front Populaire lorsque certains hauts fonctionnaires du ministère des Finances s’étaient acharnés, par idéologie et préférence politiques, à faire capoter les mesures décidées par le gouvernement de Léon Blum. La leçon avait été retenue dès la Libération avec la création de l’Ecole nationale d’administration qui avait précisément vocation à doter le pays d’un corps de fonctionnaires d’élite, loyal, compétent et, surtout, entièrement voué au service public indépendamment du pouvoir en place.

Tout cela a bien marché jusqu’à ce que les énarques se mettent en tête, eux aussi, de faire de la politique. C’est à partir de là que le système a progressivement dérapé. Irait-on jusqu’à affirmer que ledit dérapage est devenu vraiment caricatural et dérangeant avec l’esprit de revanche caractérisant habituellement l’avènement de la gauche au pouvoir ? On ne saurait mieux dire.

De fait, avec Mitterrand puis Hollande à l’Elysée, avec Jospin à Matignon, la gauche ne s’est guère gênée pour faire le ménage dans la fonction publique et dans le service public largo sensu. Elle a méthodiquement épuré, infiltré et investi les corps de l’Etat tant qu’elle a pu. Des exemples ? A la magistrature fut inoculée insidieusement une idéologie gauchisante du meilleur aloi qui est devenue aujourd’hui la marque de l’ENM (Ecole nationale de la magistrature) de Bordeaux. Résultat : de plus en plus de juges justiciers, le Syndicat de la Magistrature et le « mur des cons » en prime. Il en a été de même pour la direction des Affaires culturelles du Quai d’Orsay où l’entrisme des gens de gauche est devenu un cas d’école : c’est au point qu’il est à présent quasiment impossible d’y nommer un homme ou une femme ne partageant pas les partis pris « progressistes » sans provoquer un véritable tollé. 

Le mécanisme est partout le même : la gauche au pouvoir fait un nettoyage éhonté sans provoquer le moindre émoi, lequel serait d’ailleurs vite étouffé comme réactionnaire ; la droite au pouvoir, elle, se sent comme inhibée à l’idée de revenir sur cette partialité scandaleuse et, lorsqu’elle s’y résout, déclenche inévitablement une levée de boucliers indignée sur le thème de la « chasse aux sorcières ».

Les meilleurs exemples d’une telle dissymétrie renvoient cependant aux médias de service public. Il y a beau temps que France Inter, méprisant le principe qu’une radio publique appartient à tout le monde et se doit de respecter en conséquence une neutralité minimale, se livre à une propagande gauchisante sans limite : journalistes malhonnêtes intellectuellement ou aux ordres, commentaires systématiquement biaisés, faux humoristes, tous ces gens-là étant évidemment intouchables. Au cours de ces dernières années, le sport national de cette radio aura été de casser et de ridiculiser en parfaite impunité une droite qualifiée de ringarde et d’obscurantiste : Sarkozy de préférence mais aussi Morano, Wauquiez, Copé et bien d’autres encore qui n’ont pas l’heur de plaire à ces petits marquis. Ceux-ci ont déjà inscrit quelques têtes à leur tableau de chasse, dont les moindres ne sont pas Clément Weill Raynal, qui avait osé révéler la turpitude du « mur des cons » et, surtout, Eric Zemmour quasiment interdit d’antenne. Sur un mode plus intellectuellement snob, Arte n’est pas en reste. Quant à l’AFP, on sait depuis longtemps à quoi s’en tenir sur sa déontologie si particulière : sa partialité est telle sur les questions proche-orientales qu’on la surnomme volontiers « Agence France Palestine » …

Le drame, c’est qu’il n’y a aucune raison pour que de telles dérives ne perdurent pas sous couvert d’une « neutralité » formelle qui n’est plus que fiction et d’une liberté d’expression à sens unique. Le magistère intellectuel et moral de la gauche est à ce point enraciné et admis implicitement par la droite que celle-ci, une fois revenue aux affaires, se montre littéralement tétanisée, n’osant revenir sur ce qui est présenté le plus sérieusement du monde comme des « acquis ». 

La « droite la plus bête du monde », comme le prétendait naguère Guy Mollet ? La droite la plus pusillanime, assurément. Une anecdote à ce propos : il y a quelques années, le ministre que je servais au Quai d’Orsay – où j’avais eu la surprise de découvrir des portraits d’Arafat et des affiches à la gloire du Hamas en certains bureaux - avait eu cette réplique significative à ma suggestion de faire évoluer les choses dans certaines directions de son ministère : « Vous n’y pensez pas, ce ministère est d’un maniement si difficile … » 

Si l’on pense que j’exagère, la récente abstention du Quai d’Orsay à l’UNESCO sur une résolution faisant des lieux saints de Jérusalem un territoire exclusivement musulman prouve à satiété qu’il n’en est rien hélas. Tel ministère peut être sans doute d’un maniement difficile mais je reste naïf au point de penser qu'il n’en reste pas moins une administration d’exécution aux ordres du pouvoir légitime. Evidemment si le politique, d'emblée, capitule ... le résultat renvoie à ce qui vient d'arriver avec le tweet inouï de notre ambassadeur à Washington qui se déclare en substance catastrophé par le résultat de l'élection de D. Trump. Son ministre, lui, n'y trouve pas à redire.

Vive donc la neutralité « à la française » même si, tout comme notre fameux « modèle social », il n’est pas du tout certain que le monde entier nous l’envie …

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