Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

mercredi 23 novembre 2016

La gauche et sa morale



Brandies traditionnellement pour preuve de la supériorité des progressistes sur les réactionnaires, les valeurs de gauche n’impressionnent plus grand monde.
Ah, les valeurs de la gauche ! Elles continuent de s’exhiber fièrement à travers des concepts devenus usés à force d’avoir été martelés sur tous les tons. Tournant aujourd’hui à vide, elles restent toujours psalmodiées contre vents et marées par les gens de gauche, telles des mantras. Comme si le monde extérieur n’existait pas et comme si eux-mêmes n’étaient pas hors sol. 
Sidérant, pitoyable psittacisme ! Prenons par exemple l’égalité que la gauche confond si naturellement avec cet égalitarisme niveleur qui nie le mérite et méprise l'excellence. On ne serait certes pas déçu si l’on s’avisait de demander ce que cela signifie aux bobos parisiens qui en sont bien sûr de chauds partisans même si, imbus de leur supériorité de classe, ils ne s’accrochent pas moins bec et ongles à leurs chers privilèges tout en ayant soin d’enfourcher démocratiquement leur  vélo … le week-end seulement, il ne faut pas exagérer. 
La solidarité, celle-là même qu’on nous ressert jusqu’à plus soif pour justifier des redistributions fiscales de plus en plus insupportables ainsi que l’omniprésence devenue ubuesque de l’Etat ? Bien sûr, là encore, la gauche caviar est résolument pour … à condition toutefois que les SDF ou les « migrants » ne viennent pas perturber la quiétude de leur VIIe arrondissement de Paris – le XVIe à la rigueur, qui est conservateur et vote à droite, peut être sacrifié et l'on y édifie d'ailleurs des baraques pour accueillir ceux de Calais ou d'autres "jungles" – ou que leur place des Vosges.
On rétorquera, et on aura sans doute raison, que la gauche ne se résume pas aux beaux quartiers de la capitale. Il existe bien, dans les quartiers populaires comme en province, des militants socialistes sincères qui se battent pour des convictions fortement ressenties et vécues. Or ceux-ci ne sont le plus souvent que des pions anonymes, insignifiants dans le débat politique et inévitablement voués au suivisme. Le ton est bel et bien donné par ces patriciens de gauche qui monopolisent le pouvoir politique, économique et médiatique, tout en orchestrant le "prêt-à-penser". 
Ce sont bien ceux-ci et non ceux-là qui déclinent les grandes valeurs de la gauche et en façonnent la morale. Ce sont eux qui professent, avec une arrogance condescendante, que l’égalité comme la solidarité est bien supérieure à la liberté ; que la fraternité, dernière composante de la trinité républicaine, n’est qu’une aimable plaisanterie sauf pour les francs-maçons, cela va de soi ; que l’immigration est une chance inestimable pour la France, quel que soit le nombre des nouveaux arrivants ou leur refus de s’intégrer dans notre société ; que l’histoire de notre pays a débuté avec la révolution de 1789 ; que la diversité est notre ligne d'horizon et que les racines chrétiennes de la France ne sont qu’invention ; que l’islamisme salafiste ou des Frères musulmans n’est pas plus nocif dans le fond, et sans doute moins, que le catholicisme sur lequel il reste bon de cracher et contre lequel il y a lieu d’encourager les Femen, à Notre-Dame de Paris ou ailleurs ; que la nation est un mal absolu – quitte à faire se retourner dans leur tombe les Carnot et autres soldats de l’an II – qui est d'ailleurs le terreau du nationalisme ; que les frontières sont pareillement détestables ; qu'il n'est de justice que sociale ; qu’Alain Finkielkraut et Michel Onfray incarnent la réaction droitière à la fois « rance » et « nauséabonde » ; qu’il est légitime d’interdire d’antenne, voire de droit d’expression tout court, Eric Zemmour ; qu’enfin le populisme - sous-entendons le peuple qui ne vote pas à gauche et ne devrait sans doute pas se voir octroyer le droit de voter - n’est rien d’autre que du fascisme déguisé.
Telles sont en gros les opinions de gauche, à connotation morale puisqu'elles convoquent le Bien, le Bon et le Juste, qui nous sont quotidiennement assénées par des médias complaisants ou peu regardants en matière de réflexion critique. Cette éthique socialisante, si elle vise à l’exemplarité comme toute morale, ne va pas sans véhiculer un double problème. 
Le premier d’entre eux est lié à la fameuse prétention à l’exclusivité des valeurs de gauche. Non seulement celles-ci se veulent universelles mais elles dénient à toute autre valeur le droit de cité. La morale religieuse ? Seulement un produit déplorable de l’archaïsme et de l’obscurantisme, même s'il faut affecter, pour mieux le fustiger, d’en être revenu aux jours sombres du petit père Combes et de la lutte entre l’Eglise et l’Etat. Le retour à la tradition ? Une simple réaction d’attardés mentaux, inaptes à saisir la modernité comme le progressisme. D'ailleurs, comment peut-on être à ce point débile qu'on ne comprenne pas que les crèches de Noël dans les mairies sont plus dangereuses que les prières musulmanes débordant (j'évite sciemment "envahissant" qui a déjà valu à Mme Le Pen d'être condamnée par notre excellente justice) sur la voie publique  parisienne ?
Il s’ensuit un comportement singulièrement dangereux des moralistes de gauche en termes de sectarisme et d’intolérance, voire des réflexes carrément autoritaristes : soit de type léniniste suivant lesquels tout est permis pour assurer le triomphe des progrès et de la lumière ("lumière" au sens Jack Lang et non pas des Encyclopédistes du XVIIIe siècle …), la fin justifiant décidément les moyens ; soit de type Robespierre-Saint Just, « pas de liberté pour les ennemis de la liberté ». C’est ainsi que la gauche de Christiane Taubira et de Manuel Valls a réprimé en toute bonne conscience La Manif pour tous qui s’est vu privée du droit élémentaire à l’expression (et tant pis pour les droits de l’homme qu’on ne marchande pourtant pas aux islamistes ou à la moindre minorité sexuelle ou ethnique). C'est ainsi que Najat Vallaud Belkacem, après avoir travaillé à imposer la théorie du genre à l'école, y a tout de même introduit l'enseignement de l'arabe et y a éradiqué le latin et le grec. C’est ainsi que la gauche de Marisol Touraine entend à présent réprimer les élus qui ne se conforment pas rigoureusement aux canons de LGBT : dernière manifestation en date, la ministre vient de saisir la justice contre des municipalités qui n’acceptent pas que certaines affiches dans les rues, sous couvert d’une campagne contre le Sida, cherchent à imposer l'homosexualité comme norme commune.
C’est ainsi, accessoirement, qu’on ne s’émeut guère au parti socialiste que des gens de gauche s’en aillent polluer la primaire de la droite en allant faire barrage par leur vote, moyennant deux euros par tête, hier à Nicolas Sarkozy et peut-être demain à François Fillon. Certes, objectera-t-on benoîtement, la primaire est déclarée « ouverte ». Mais il s’agit en l’occurrence d’une question élémentaire de morale qui devrait à tout le moins donner des scrupules aux gens de gauche - entre 350 000 et 600 000 électeurs, selon les estimations - de s’immiscer déloyalement dans le débat de la famille de droite qui ne les concerne guère. Or ceux-ci n’ont cure de tels scrupules et s’assoient allègrement au passage sur la « Charte de l’alternance » de la droite qu’ils n'ont pas hésité à signer sans la moindre vergogne. La signature ? La parole donnée ? La loyauté dans tout cela ? Voir la simple honnêteté ? Des broutilles à leurs yeux, simplement des valeurs de droite quand ce ne sont pas des valeurs ringardes ou vides de sens à l’heure du relativisme.
Morale de gauche, nous dit-on ? Il faut cesser de nous bassiner, pour rester poli, avec toutes ces fadaises après Dominique Strauss Kahn et sa façon si particulière - seulement "libertine" nous assure la gauche bienpensante - de considérer la femme. Après Jérôme Cahuzac et ses comptes en Suisse et à Singapour. Après Thomas Thévenoud, l'homme qui prétend souffrir de phobie administrative, surtout si cela peut lui éviter de payer ses impôts ou son loyer. Après François Mitterrand, ce président qui eut une double vie privée financée par les deniers publics et en a même fait – sous le regard attendri de certains de nos intellectuels – un genre littéraire. Après François Hollande qui s'empresse de tromper sa compagne à la sauvette, avec scooter et casque, sitôt qu'elle a le dos tourné (les féministes apprécieront la classe du personnage). Après Christiane Taubira, première Garde des Sceaux mais aussi première titulaire du poste à avoir un fils en prison. Après Marisol Touraine qui, elle aussi, a un fils derrière les barreaux (pour escroquerie et chantage envers une personne âgée). Après Laurent Fabius dont le fils a tout autant maille à partir avec la justice et manie les millions d'euros d'une manière aussi douteuse que son père administre les leçons de morale ou de convenance. Après Laurent Joffrin qui, aveuglé par une haine qui ne s'est point apaisée avec le retrait de Sarkozy, piétine aujourd'hui la mémoire des victimes des attentats islamistes en osant comparer François Fillon à Tariq Ramadan. Après Cambadélis et Harlem Désir qui ont déjà été sous le coup d'une condamnation pénale, après Kader Arif, contraint de démissionner en catastrophe du gouvernement, qui pourrait l'être prochainement ...

Après un tel florilège, sans préjudice de ce qu'on pourrait bien découvrir ou exhumer dans un avenir proche, que reste-t-il des valeurs morales passées, bien réelles celles-là, d’un Jean Jaurès ou d’un Léon Blum ? Plus grand-chose si ce n’est des relents fort peu ragoutants, quoique toujours efficaces politiquement, d'intolérance crispée. Si ce n’est également ce viatique paraphrasant André Laignel, le légendaire maire socialiste d’Issoudun dont le cynisme était inversement proportionnel à la taille : vous avez moralement tort parce que vous êtes idéologiquement minoritaire…



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