Une famille veut prénommer son enfant « Mohammed Merah ». Le Procureur de la République se borne à vouloir protéger l’enfant …
La
France est en guerre, le chef de l’Etat lui-même l’a annoncé et le
premier ministre nous le confirme régulièrement par le biais de
reconductions d’un état d’urgence auquel, soit dit en passant, semble
désormais répugner le Conseil d’Etat en la personne de son
vice-président.
Mais
il y a une personne au moins à qui on ne l’a pas dit ou qui ne l’a pas
entendu ou encore qui fait « comme si » : le procureur de la République
de Nice. On apprend, en effet, que le parquet niçois vient d’engager une
procédure pour modifier le prénom d'un petit garçon déclaré à l'état
civil sous le nom de "Mohamed, Nizar Merah" évoquant celui du tueur
djihadiste de Toulouse et Montauban en 2012.
Fort
bien, c’est la moindre des choses pourrait-on en conclure logiquement.
Il existe tout de même un problème. Au regard des tueries de Charlie Hebdo, du Bataclan
et de la Promenade des Anglais, le massacre de Merah semble bien être
passé à la trappe. Une broutille en comparaison des tueries de masse
susdites ? Pour être odieuse, l'interrogation n'en explique pas moins
une certaine amnésie sélective. Rappelons à toutes fins utiles à ceux
qui l’auraient oublié qu’en mars 2012 – il y a quatre ans et demi, une
éternité – Mohammed Merah avait successivement assassiné le militaire
Imad Ibn-Ziaten puis deux parachutistes de Montauban, Abel Chennouf et
Mohamed Legouad, enfin dans une école juive toulousaine Jonathan
Sandler, ses fils Arié et Gabriel, âgés respectivement de cinq et trois
ans, ainsi que Myriam Monsonego, huit ans. Lâchement et de sang-froid.
L'horreur à son comble.
Eh
bien, cette horreur innommable où des gamins ont été achevés d’une
balle dans la tête parce que juifs et filmés en vidéo, il semble bien
que d’aucuns l’aient oubliée en chemin. Souvenons-nous qu’en août
dernier, une quarantaine de personnalités « françaises et musulmanes »
s’étaient fendues d’une tribune dans Le Journal du Dimanche à
l’occasion de laquelle elles se déclaraient prêtes à assumer leurs
responsabilités et dénonçaient les meurtres perpétrés par les
islamistes, de l’assassinat d’un couple de policiers à celui du prêtre
de saint-Etienne-du Rouvray en passant par le massacre du 14 juillet …
mais en omettant soigneusement l’Hyper Cacher de Vincennes et Mohammed Merah.
On
ne sache pas que ces « personnalités » se soient jamais excusées pour
une telle omission, ce qui est une façon de faire mourir une deuxième
fois les victimes juives concernées. Mais il semble bien qu’aujourd’hui
on assiste à une sorte de troisième mort de ces mêmes victimes.
En
effet, s’opposer à ce qu’un enfant porte le nom de ces criminels est
normal de la part d’un Etat digne de ce nom. Ce qui l’est moins est la
motivation juridique pour ce faire. A écouter le Procureur de la
République lors d’un point de presse, « donner un prénom à un enfant qui
a déjà le nom d'un terroriste très notoirement connu en France est
quelque chose qui peut porter préjudice à l'enfant"…
Ah
oui, sans doute. Objectons qu’il est tout de même un tantinet réducteur
d’envisager uniquement le point de vue de l’enfant – certes réel – en
jetant systématiquement aux oubliettes le tourment que cette décision
parentale fait resurgir chez les proches des victimes de Merah ; en
occultant le scandale par lequel une famille apparemment française
glorifie ouvertement la mémoire d’un assassin « notoirement connu » (le
Procureur ne pouvait-il donc pas parler pour une fois d'islamiste pour que certains ne
fassent pas la confusion avec Pierrot le Fou ?) La honte absolue pour
un Etat à ce point inhibé qu'il n’ose même plus nommer l’infamie comme
il convient en se retranchant derrière des considérations, triviales en
l’occurrence, dénotant un juridisme aussi étroit que chafouin.
Et
pour que ne subsiste aucune ambiguïté, en réponse à une journaliste qui
supputait la "provocation », l’« inconscience » ou l’« imbécilité" des
parents de l’enfant, le magistrat a cru bon d’en rajouter une couche :
« C'est vraiment par rapport à l'intérêt pur de l'enfant, et non par
rapport à un contexte, ou une religion ou un radicalisme violent supposé
que les choses sont prises en compte ». Un « radicalisme violent
supposé », la formule en sidérera plus d’un. Et d’ailleurs, au cas où on
ne l’aurait encore pas compris et afin que toute honte soit bue
irrévocablement, le magistrat de préciser que "c'est de la
responsabilité propre de la mairie d'avoir communiqué sur ce dossier
particulier, ce n'est pas de mon fait, ni semble-t-il du fait de la
famille non plus". C’est donc, selon lui, la mairie de Nice qui a semé le désordre par sa dénonciation de cette décision parentale, piétinant en cela le sacro-saint "vivre ensemble", dans laquelle elle a vu une apologie du terrorisme : ce que ferait
d’ailleurs n’importe quel esprit normalement constitué, fût-il juriste.
Bien sûr, n’en doutons pas, nous nous verrons d’ici peu infliger un cours de droit d’où il ressortira qu'en
France, depuis 1993, les officiers d'état civil ne peuvent plus décider
d'interdire un prénom. Bien sûr, on restera dans l'orthodoxie légale la plus irréprochable dans la mesure où c’est un tribunal qui devra trancher in
fine de la question… une fois épuisés tous les recours possibles à
l’occasion desquels sera, bien sûr, pilonné le caractère
anti-démocratique et liberticide de l’Etat français avec toute la
propagande y afférente des Tariq Ramadan et consorts. Bien sûr, le
parquet saisira vraisemblablement le juge aux affaires familiales comme
le lui permet le code civil. Il y aura même une enquête sur le contexte
familial ... pour tout dire l'arme nucléaire : nul doute que les
intéressés en tremblent d’effroi par avance.
Il
restera le comportement d’un magistrat, et il n’est guère le seul
malheureusement, de toute évidence pétrifié à l’idée de nommer les
choses et de qualifier les faits correctement voire s’excusant
presque par avance de ce qu’il est manifestement contraint de faire,
poussé par une municipalité qu’il ne se ferait pas grande violence à
caractériser comme extrémiste.
Hier, on évoquait le chagrin et la pitié. Aujourd’hui, il s’agit bel et bien de honte.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire