La
coupe est pleine et la meilleure chose qui puisse arriver à cette
campagne présidentielle finissante est qu'on l'oublie vite. Très vite.
On
connaissait déjà la quinzaine du blanc, la quinzaine des réalisateurs à
Cannes, la quinzaine de Roland Garros. Voici que s’achève la quinzaine
de l’antifascisme (l’expression est de Natacha Polony, rendons à César
…). Il était d’ailleurs temps que cette campagne présidentielle vienne à
son terme. Rien ne nous aura été épargné dans le registre de
l’écoeurement et dans ce que la politique peut avoir de pire en fait de
pratiques et de comportements : la palme revenant évidemment au fameux
débat d’entre-deux-tours.
Peut-être
cela en consternera-t-il plus d’un, et j’en suis sincèrement désolé par
avance, mais il n’y aura pas eu un camp pour rattraper l’autre dans
cette affaire. Certes, je puis admettre sans finasser tout ce que le
Front national, fût-il dé-diabolisé par Mme Le Pen, peut avoir de
dangereux ; tout ce qu’une partie de son entourage peut encore avoir de
vénéneux ; tout ce que son programme économique peut avoir d’ubuesque.
Et
pourtant, j’avoue « en même temps » pour parler comme notre futur
président, que j’ai le plus grand mal à accorder du crédit au camp d’en
face, celui du bien autoproclamé et du politiquement correct. Le temps
de cette campagne détestable qu’il faudra très vite oublier, il est
devenu trivial d’aborder les vrais sujets, sociétaux tout autant
qu’économiques, qui assaillent notre pays. En revanche, il est devenu du
dernier chic et du convenable le plus achevé d’ajouter son grain de sel
personnel sinon de déverser carrément sa bile contre le « populisme » :
étant entendu que celui-ci, tout comme le racisme d’ailleurs, ne peut
qu’être d’extrême-droite.
Ainsi,
on ne nous aura fait grâce d’aucun engagement – forcément « courageux »
- d’artiste ou d’intellectuel souvent en mal de reconnaissance ;
d’aucune intervention péremptoire de patrons du CAC 40, ceux-là même qui
« optimisent fiscalement » d’une manière éhontée ; d’aucune pétition
émanant de groupuscules, qui pour être montés artificiellement en
épingle par des médias complaisants, ne représentent souvent
qu’eux-mêmes ; d'aucun commentaire journalistique tendancieux,
l'objectivité ayant été passée par profits et pertes ; d’aucune
injonction assénée par des sommités morales de l’acabit de BHL dont se
souviennent encore amèrement les Bosniaques et, plus récemment, les
Libyens.
Or,
ce n’est pas parce que la vision du Front national est hors sol voire
dangereuse et détestable que la vision de ses détracteurs doive être
sanctifiée mécaniquement de toutes les vertus. Contrairement au fameux
adage, les ennemis de mes ennemis ne sont pas forcément mes amis.
Mes
amis, ceux qui sont d’accord avec M. Macron pour affirmer qu’il
n’existe pas de culture française mais des cultures en France ? Mes
amis, ceux qui, sous couvert d'une réconciliation aux allures de
soumission, ne retiennent de l'histoire de France que ses prétendus
"crimes contre l'humanité" ? Mes amis, ceux qui ont grand soin de ne
jamais évoquer l’islamisme, y compris à l'occasion des attentats qui ont
frappé la France ? Mes amis, ces antifascistes de pacotille mais
authentiques islamo-gauchistes qui profitent des manif pour casser et
piller à tout va, quand ils ne transforment pas les policiers en torches
vivantes, dans la quasi-indifférence des pouvoirs publics qui ne se
font pas violence pour oublier, en de telles occasions, qu'il existe un
état d'urgence ? A ce propos, du reste, j’attends encore que notre
fameuse « gauche morale » - celle qui n'a de cesse qu'elle ne vitupère
les "violences policières" - se scandalise de la dernière tentative
d’assassinat contre un représentant de l’ordre ou qu’Hollande se rende
illico au chevet du policier blessé comme il l’a fait s’agissant d’un
jeune des « quartiers », pour employer la nov’langue. On peut toujours
attendre mais sans trop rêver ...
Mes
amis, ceux qui récupèrent la rhétorique de l’antiterrorisme alors
qu’ils n’ont aucune envie de traduire en actes leurs vaines (quoique
profitables électoralement) exhortations ? Mes amis, ceux qui, contre
toute évidence, ont décrété une fois pour toutes que l’immigration était
une chance pour la France – quels que soient le nombre et la qualité
des nouveaux arrivants – et que le « vivre ensemble » (avec nos
« fichiers S », ceux-là même qui sont connus des services mais qu'on
n'interpelle qu'après la bataille, qui sait ?) était un credo
indépassable ?
Non,
ces gens-là ne sont pas mes amis. Et, d’ailleurs, quand on compte de
tels amis, mieux vaut s'accommoder de ses ennemis. Tout en accusant le
FN de prospérer sur la peur, ils ne se seront pas eux-mêmes gênés pour
entretenir sans vergogne la peur d’un fascisme imaginaire. Quitte à
convoquer fallacieusement, comme il se doit, la soi-disant histoire et
les sempiternelles années trente. Quitte aussi à multiplier les rappels
mémoriels en tentant notamment d’instrumentaliser la Shoah.
Jusqu’à
quand devrons-nous supporter cette lamentable et fastidieuse comédie du
fascisme qui « ne passera pas » ? Même si elle fait toujours recette,
il n'y a aucune raison de consentir à cette peur habilement organisée
plus de respectabilité qu'à celle entretenue par un Front national
jouant sur le déclassement de la "France périphérique".
Non,
je puis me résigner à applaudir à ce bal des hypocrites. Et, du reste,
si l’histoire de ces dernières années devait avoir un sens, elle
mettrait en exergue le fait que c’est sous les régimes de gauche que
l’extrême-droite en France a le mieux prospéré. Pourquoi donc ? Au
regard de la faillite des conséquences sociales désastreuses des
politiques économiques qu’elle a mises en œuvre, sans doute. Mais il y a
pire lorsqu’on s’aperçoit qu’à plusieurs reprises la gauche a sciemment
favorisé la montée du Front national afin de conserver la main.
N’était-ce pas déjà le cas avec Mitterrand qui, au milieu des années
1980, aura favorisé par le biais d’un changement de mode de scrutin la
représentation parlementaire des amis de M. Le Pen ? N’est-ce pas le cas
aujourd’hui avec Hollande qui joue les Cassandre, dans ce style
« comique troupier » qui lui est propre, alors qu’il y au moins 20
points d’écart entre Macron et Le Pen dans les sondages et que toute
comparaison avec le match Clinton-Trump de novembre dernier relève de la
pure escroquerie intellectuelle ?
Quand
on favorise à ce point le FN et qu'on fait ainsi ouvertement "son jeu",
pour reprendre une expression aussi horripilante que récurrente,
gageons qu"on n’est pas le mieux fondé pour crier ensuite au loup. Mais
qui s’en soucie vraiment ? Décidément, en politique comme en d'autres
domaines, la décence est vraiment devenue une valeur du passé, ringarde
et rétrograde. Rance ? On n’est hélas plus très éloigné de le penser.
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