Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

dimanche 28 mai 2017

Elégance (III)



Revu pour la énième fois Breakfast at Tiffany’s avec l’inoubliable Audrey Hepburn, personnification de la classe d’une époque qu’incarnaient tout aussi bien Grace Kelly, Ingrid Bergman ou encore Cary Grant. Certes, sans la musique d’Henry Mancini, ce film-culte, comme on dit aujourd'hui, n’eut sans doute pas été le même. Il n’en resterait pas moins l’élégance discrète d’Hepburn et sa désinvolture de jeune fille sage et bien née. Mais je vous parle là d’un monde …

Association d’idée quasi inévitable en ce qui me concerne, cette sophistication classieuse renvoie tout droit à John F. Kennedy qui aurait eu cent ans ce 29 mai. Une des nombreuses maîtresses qu’on lui prêta aurait dit de lui au lendemain de son assassinat : « Il a donné à l’Amérique la seule chose qui lui manquait : la majesté ». En vérité, il s’agissait moins de majesté – Franklin D. Roosevelt n’en était pas dépourvu – que d’élégance et de glamour, choses jusque-là inconnues. Inutile de s’attarder sur le charisme hors normes de JFK ou sur l’image rayonnante de Jackie. Ceux qui n’ont pas déjà compris cet exceptionnalisme ne le comprendront probablement jamais.

L’élégance, une vertu en voie de disparition ai-je l'habitude de ressasser sans en éprouver le moindre complexe, au mépris des railleries visant habituellement le « c’était mieux avant ». Et pourquoi pas, après tout ? Oui, en matière d’élégance au moins, c’était mieux, c’était beaucoup mieux avant. C’était mieux en tout cas avant Trump qui ne pourra jamais, quoi qu’il en ait, se débarrasser du sparadrap de sa vulgarité. Jusque dans sa façon de se comporter avec son épouse voire d’asséner quelque petite tape amicale et paternelle à Emmanuel Macron qui se situe à des années-lumière de ce que l’Américain représente. 

Mais il faut être équitable. C’était mieux aussi avant Hillary Clinton et son hypocrisie typiquement WASP. Elle a beau s’évertuer à nous jouer la vertu en étendard et le féminisme en bandoulière. Elle restera pour la postérité celle qui s’assit sur les infidélités de son époux, du moment que celles-ci ne contrariaient ses propres ambitions présidentielles et même les servaient d'une certaine façon. Au fond, la Claire Underwood d’House of Cards n’aurait pas fait mieux. 

Voici aujourd’hui qu’Hillary, lasse sans doute de remâcher son amertume, entend exister de nouveau en se lançant dans une comparaison fielleuse entre Trump et Nixon. Inutile de préciser pourquoi. Il est vrai qu’elle est une experte sur ce terrain. En 1973-1974, jeune et brillante avocate, elle fit partie du team juridique du parti démocrate qui  finit par arracher la démission du président Nixon avant qu’il ne fût destitué. Dans ce team figuraient des libéraux poursuivant Nixon de leur haine depuis une bonne vingtaine d’années : depuis précisément « l’affaire Alger Hiss », à l’occasion de laquelle il avait eu l’outrecuidance de mettre en cause puis de faire condamner pour espionnage un diplomate de haute volée, représentant flamboyant de l’élite « progressiste ». Les nantis ne l’avaient jamais pardonné au jeune représentant républicain qui n’avait, lui, pour seul mérite que d’avoir échappé par sa persévérance et par son talent à la pauvreté d'où il était issu. 

Dans le combat de madame Clinton contre Nixon, je ne puis m’empêcher de voir, au-delà de la justice ou d’une prétendue morale contre le Mal, la vengeance irréductible des élites contre le « petit chose ». Non, décidément, madame Clinton n’est ni sympathique, ni élégante. Je suis d’autant moins partial à cet égard que je reconnais, pour m'en louer, que son mari Bill reste, pour sa part, fondamentalement sympathique aux yeux des Américains et au-delà. A propos, lui au moins eut l’élégance de convier Nixon à la Maison Blanche afin de recueillir ses conseils politiques. Ce n’est guère fortuit. Bill Clinton fut président des Etats-Unis tandis qu’Hillary ne le sera jamais.

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