Au-delà des mots, la musique relève souvent de l'indicible et bien infortunés sont ceux, y compris parmi les êtres cultivés, qui ne savent pas en capter toute la richesse.
Une nuit d’insomnie, je suis tombé à la télé
sur une rediffusion de La liste de
Schindler, de Steven Spielberg. En fait, j’ai pris le film à la scène
finale lorsque tous les Juifs sauvés par Oskar Schindler et leurs descendants,
viennent se recueillir sur sa tombe. En arrière-plan musical, la chanson Yerushalayim shel zahav, Jérusalem d’or,
qui tirerait des larmes à toute personne douée d’un minimum de sensibilité. Il
va de soi que j’exclus du lot les idéologues de profession, les sectaires de
tempérament ou encore les antijuifs déclarés ou hypocritement revêtus des
oripeaux usés de l’antisionisme.
Il faut savoir que cette chanson fut composée
à la veille de la guerre des Six Jours, il y a une cinquantaine d’année. Elle évoquait
la signification unique de Jérusalem, cette ville d’or, de cuivre et de lumière,
pour les Juifs. Rappelons à tout hasard que cette ville avait été investie par
les troupes jordaniennes au lendemain de la guerre de 1948 (une guerre qui
avait été déclenchée par les pays arabes au lendemain de la création d’un Etat
d’Israël pourtant légitimé par un vote solennel de l’ONU : le mot d’ordre des
Arabes étant alors, textuellement, de « jeter les Juifs à la mer »).
En conséquence de quoi elle avait été interdite à la prière des Juifs d'Israël : tout
particulièrement, le lieu actuel le plus sacré du judaïsme qu’est le Mur des
Lamentations, dernier vestige du temple de Salomon. Qui s’en était ému à
l’époque ? Et qui viendrait à s’en émouvoir rétrospectivement ? Personne
et surtout pas les médias français qui ne manquent pas une occasion de
souligner que Jérusalem est la ville la plus sacrée pour les Musulmans : à
ceci près que ceux-ci vénèrent aussi et surtout La Mecque et Médine et que le
Coran ne cite pas une seule fois Jérusalem ; à ceci près aussi qu’il peut
être espiègle de se demander pourquoi la tradition musulmane situe précisément sur
le temple juif l’endroit où Mahomet se serait envolé sur son cheval ailé…
Depuis la guerre de 1967, en revanche, les
Juifs disposent à nouveau du libre accès à leurs lieux de pèlerinages.
Précisons à toutes fins utiles que les Juifs, pour leur part, n’interdisent nullement aux
Musulmans d’accéder à leurs lieux de culte, à savoir notamment l’esplanade des
Mosquées : à condition il est vrai qu’ils le fassent pacifiquement, ce qui
est, on en conviendra, la moindre des choses. Mais cela n’empêchera pas les incultes
ou les esprits partisans de psalmodier comme des perroquets sur la répression prétendument exercée
par Israël.
Revenons plutôt à cette chanson superbe,
pathétique, symbole même du talent musical des Juifs, qui est devenue « culte », comme on dirait aujourd’hui,
en Israël où elle est tenue pour le second hymne national (officieux) de l’Etat
hébreu, concurremment au non moins superbe Hatikva
(l’espoir). Elle illustre, si besoin était, l’attachement si particulier des
Juifs pour Jérusalem qui s’appelait Yerushalayim bien avant que les Romains ne tentent
sans succès de la débaptiser pour Aelia Capitolina puis que les conquêtes arabes
tentent d’en faire de même en la renommant Al Qods. Précisons là encore que
lesdites conquêtes arabes ne s’étaient pas précisément effectuées sur un mode
pacifique et tolérant. Et que l’islam avait ouvertement pour ambition de
se substituer au judaïsme et au christianisme en les abolissant sinon en les
délégitimant. Bien sûr, que les Juifs aient osé, des siècles plus tard, revenir
sur ces spoliations, ces conquêtes et cet accaparement brutal – en achetant,
quant à eux, pacifiquement les terres - paraît à certains esprits étriqués ou
amnésiques le comble du scandale.
Il reste que Yerushalayim shel zahav me fait songer à une anecdote que je relate
dans un de mes derniers ouvrages, consacré au cinéma italien. J’y racontais que
le grand Federico Fellini se rappela longtemps de la période de l’immédiat
après-guerre en Italie et de la brève présence militaire américaine. Après la
période sombre du ventennio fasciste,
ce retour à la liberté avait pris la forme de bienfaits matériels comme des
cartouches de cigarettes américaines, Camel
ou Lucky Strike. A en croire le jeune
Federico, celles-ci étaient colorées et aussi douces dans leur emballage
plastique que des bras de femmes. Et de commenter avec humour : « Si
nous avions pu les palper avant la guerre, n’importe qui aurait compris que
nous ne serions jamais les vainqueurs … »
Eh bien, pour moi, Yerushalayim shel zahav est à sa manière, par son intelligence, son
esthétique et sa profondeur émotionnelle, la preuve qu’Israël ne capitulera
jamais. A la fois au nom de son histoire et surtout face à des lanceurs de
pierre ou poignardeurs soi-disant désespérés. Quitte à se faire éternellement traiter de « dominateur » et quelle
que soit la violence de l’adversité, des jalousies, des malveillances ou de la
mauvaise foi.
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