Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

lundi 28 août 2017

Sex symbols, avez-vous dit ?



Les sex symbols du grand écran ont bien changé en quelques générations. Et pourtant, la sensualité comme la suggestion du désir restent quasiment les mêmes. 

A l’occasion de l’ouverture de la Mostra de Venise, j’ai été convié par une radio périphérique à deviser sur les sex symbols du cinéma italien. Vaste sujet qui m'est cher comme l'est plus généralement ce cinéma de Cinecittà sur lequel j'ai commis l’année dernière une histoire en forme de chronique consacrée à son âge d'or (1945-1975).

En fait, chacun d’entre nous ou presque a sa propre petite idée sur la question selon qu’il vénère Sophia Loren, Gina Lollobrigida, Claudia Cardinale ou encore Silvana Mangano ; ou selon qu’elle craque (désolé pour mon parti pris impudemment hétéro) pour Mastroianni, Gassman, Franco Interlenghi ou Massimo Girotti.

Une chose est en tout cas avérée : les canons de la sexualité ont été bouleversés depuis l’après-guerre. Si notre époque actuelle, à travers les top models, ces nouveaux objets sexuels, érige volontiers l’androgynie, sous-alimentée de préférence, en archétype de l’esthétique, tel n’était certes pas le cas il y a un demi-siècle. En ce temps-là, un brin antédiluvien je le confesse, les hommes préféraient les femmes aux formes généreuses ou avantageuses : poitrines épanouies et fesses bien en chair exsudaient ainsi une sensualité dont on n’a plus idée aujourd’hui.

Rappelons-nous la si plantureuse Marisa Allasio dans le très rafraîchissant Poveri ma Belli (Pauvres mais beaux) de Dino Risi, un film de 1956. Les cinéphiles gardent encore en mémoire sa robe rouge incarnat qui faisait chavirer les mâles de même que les ruses invraisemblables échafaudées par les deux sympathiques frères ennemis, Maurizio Arena et Renato Salvatori, pour se concilier les faveurs de la belle. Mais ce furent bien Sophia Loren et, à un degré moindre – pour cause de longévité inférieure à l’écran – Lollobrigida qui méritent sans conteste la palme de la popularité en ce domaine.

Sophia et ses formes voluptueuses qui mirent en transe jusqu’aux producteurs outre-Atlantique, lesquels en avaient vu pourtant d’autres : ce qui inspirerait à Risi une formule méprisante suivant laquelle les Américains étaient irrévocablement « un peuple de camionneurs » … Gina et ses tenues délicieusement dépenaillées de Bersagliera sauvageonne dans Pane, amore e fantasia (Pain, amour et fantaisie), au point d’affoler Vittorio de Sica alias le débonnaire maréchal (des logis) Carotenuto.

Un peu plus tard s’imposa, sur un registre moins pétulant voire un peu plus intellectualisé quoique non moins sensuel, Claudia Cardinale, égérie de Visconti et inoubliable interprète de La Fille à la valise, de V. Zurlini, ou de La viaccia, de M. Bolognini. Est-il fortuit que le romancier Alberto Moravia propose, un jour de 1961, à « la Cardinale » (comme l’appelait le grand Luchino) une interview sous forme de plongée philosophique dans le rêve et le temps ? Vint aussi, sur un registre plus sensuellement hard dans Malicia ou dans Sessomatto (Le sexe fou) Laura Antonelli qui formerait dans la vie, pendant plusieurs années, un couple de rêve avec Jean-Paul Belmondo.

Objets sexuels ? Sans doute mais pas uniquement car ces stars savaient aussi jouer la comédie et avaient même gagné de haute lutte la reconnaissance de la profession à ce titre. Après tout, Sophia Loren obtint le seul Oscar de sa carrière pour un rôle dramatique qu’elle interpréta avec maestria dans La Ciociara, un chef-d'oeuvre signé V. de Sica. Quant à la sublime Silvana Mangano dont les jambes interminables et la poitrine moulée dans son pull trop étroit ont si longtemps transformé le spectateur en voyeur, on ne sait plus aujourd’hui s’il faut s’attarder sur la sensualité torride qu’elle dégageait dans Riz amer de De Santis ainsi que dans Théorème de Pasolini ou dans son rôle de grande aristocrate dans Mort à Venise de Visconti. Pour cette raison même, ces stars exceptionnelles - à la différence notable de la sublissime Lucia Bosè - auront plutôt bien vécu leur vedettariat et n’auront pas été broyées par un système de production qui n’avait d’ailleurs rien de commun avec celui des grands studios hollywoodiens. De fait, aucune de ces étoiles filantes ne connut le destin tragique d’une Marilyn Monroe.

Une autre vérité transparaît de la carrière de ces sex symbols : ceux-ci ne se construisent pas patiemment, avec méthode et persévérance, mais émergent brusquement, presque brutalement, tel un coup de poing. Ainsi, aucun producteur italien se sera longtemps perdu en conjectures superflues sur le potentiel cinématographique d’une Monica Vitti, d’une Virna Lisi ou d’une Ornella Muti. De même, chez les hommes, le sex appeal d’un Massimo Girotti dans Ossessione (Les Amants maudits) de Visconti qui donna le coup d’envoi du néo-réalisme italien fut perçu d’emblée pour ce qu’il était, à savoir dévastateur. 

Il est vrai qu'existe une sorte de contre-exemple en la personne de Marcello Mastroianni. Ce dernier avait déjà une bonne dizaine d’années d’expérience sur les planches comme sur les plateaux – dans des rôles relativement secondaires de comparse – lorsque Fellini, contre vents et marées, eut l'idée géniale de lui confier le rôle principal du journaliste dans La Dolce Vita. Et ce fut l’explosion subite, inouïe, du latin lover : un rôle qu’abhorrerait d’ailleurs le principal intéressé toute sa carrière durant. Quoique multipliant les rôles à contre-emploi – les impuissants comme dans Bel Antonio, ou les paumés minables comme dans Drame de la jalousie – Mastroianni n’aura pu cependant empêcher qu’on le classe dans la catégorie des grands sex symbols de notre temps. Acteur exceptionnel, Marcello restera éternellement le séducteur absolu, celui à qui aucune femme ne peut résister. D'ailleurs, est-ce un hasard s’il eut pour compagne une certaine Catherine Deneuve ? Est-ce aussi un hasard si, le jour de sa mort, les eaux de la fontaine de Trevi furent arrêtées en signe de deuil ?

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