Les mêmes censeurs qui vitupéraient, il y a dix ans, Nicolas Sarkozy pour sa soirée au Fouquet's s'esbaudissent aujourd'hui de plaisir en voyant Emmanuel Macron festoyer à la Rotonde.
Ce matin, en écoutant la radio au
petit-déjeuner entre un demi-pamplemousse et un de ces Nespresso qui me font oublier le goût du café - désolé pour l'autre George ... - mon sang n’a fait qu’un
tour. Qu’est que j’ai entendu, incrédule ? Que les Macron s’en étaient allés
hier soir fêter la victoire d’Emmanuel à la Rotonde,
la célèbre brasserie de Montparnasse ?
Notez que je n’ai rien contre ce genre de
célébration et surtout pas à la Rotonde.
A Paris, j’habite en effet à vingt mètres de là, rue Vavin. Je puis attester
que l’établissement est d’excellente qualité, atmosphère cossue, art déco et
Modigliani garantis sur facture. En plus, on y mange assez bien (je vous
recommande le bar au riz safrané) pour un rapport qualité-prix tout à fait
correct.
Ma première conclusion en apprenant la « nouvelle »
des agapes du couple Macron qui, faute de remettre la France « En Marche ! »
semble avoir effaré plus d’un faux-cul –
et dieu sait qu’ils sont légion par les temps qui courent : un homme capable
de fréquenter la Rotonde en pareille circonstance ne peut être foncièrement mauvais. La Rotonde, une des "quatre glorieuses" de ce quartier mythique au côté des non moins célèbres Coupole, Select et Dôme. En temps habituel, sur le coup
de midi en terrasse, on peut y coudoyer des habitués comme l’écrivain Didier
van Cauwelaert. On a aussi des chances d’y croiser Catherine Frot, plus
rarement Vincent Lindon qui reste fidèle à la place Saint-Sulpice ou la
toujours délicieuse, malgré les ans, Micheline Presle. Il y a un siècle, au
moment de la déclaration de guerre d’août 1914, la Rotonde avait été violemment houspillée par un
défilé nationaliste qui dénonçait avec acrimonie le cosmopolitisme des artistes
« montparno » … tout un symbole pour M. Macron qui eut été à l’époque
une cible de choix, lui qui professe qu’il n’existe ni culture ni art français.
Mais voilà, avec le mauvais esprit qui me
caractérise, me vient aussitôt à l’esprit une seconde conclusion tout autre :
ces mêmes gens de presse et artistes qui, il y a une décennie de cela, n’avaient
pas de mots assez durs pour vitupérer Nicolas Sarkozy, le Fouquet’s et l’indécence de fréquenter de tels lieux alors que le
bon peuple n’a ni pain ni même brioche, applaudissent aujourd’hui à grands cris
sur l’équipée des Macron à la Rotonde.
Quel bon goût, quelle initiative délicieuse !
Les deux établissements sont pourtant de standing et de prix comparables. Fréquentés
par une clientèle en tous points analogue, ils sont également situés tous deux dans
des quartiers qu’on ne saurait qualifier de défavorisés : le huitième pour
le Fouquet’s, le sixième pour la Rotonde. Cependant le double standard ne saurait effrayer et encore moins dissuader nos censeurs. Mmes Ariane Chemin et Judith Perrignon se fendront-elle
d’une Nuit à la Rotonde, histoire de
prolonger leur succès littéraire de 2007 avec leur fameuse Nuit du Fouquet’s ? On peut en douter. Fêter une élection à la
présidence est rien moins qu’indécent, surtout si c’est Sarkozy qui la fête.
Fêter une simple qualification au second tour est tout à fait honorable,
surtout s’il s’agit de Macron : telle est bien la morale qu’il faut en
tirer.
Oui « mais en même temps » - pour
reprendre l’expression favorite d’E. Macron qui est une façon d’affirmer tout
et son contraire sur le ton intello qui sied - le favori des sondages de 2017
ne se trouvait à la Rotonde, à l'en croire, que pour « récompenser »
ses petites mains (secrétaires, chauffeurs, gardes du corps, etc). On aurait
bien voulu croire à cet élan de générosité … jusqu’à ce qu’on découvre dans l’assistance
triée sur le volet des gens comme Line Renaud, François Berléand ou Pierre
Arditti. Patatras ! Comme « petites mains », on peut toujours s’interroger.
Mais comme représentants de la gauche caviar, s’agissant des inoxydables
Berléand et Arditti notamment, aucun doute possible. Il n’y manquait plus que
Yannick Noah voire Jamel Debbouze avec Jack Lang en arrière-plan. Au fond, outre
le fait que la gauche sait mieux festoyer que la droite, il n’y a que les
benêts qui ne demandent qu’à être dupés. Gageons qu'ils n'ont pas fini de l'être.
Vu les costumes – désolé pour F. Fillon … -
que certains mauvais esprits ont cru tout de même devoir tailler ce matin à
Macron, il est fort à parier qu’au soir du 7 mai la célébration se fera plus
sobre. Même si ce n’est pas l’envie qui manque à Emmanuel ou à Brigitte. Tant
pis pour eux, leur quinquennat débutera par une frustration … sauf à se conformer à la recette de leur prédécesseur à l’Elysée pour passer inaperçu : enfourcher casqués
le scooter présidentiel. En Marche ! vous dis-je.
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