Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

lundi 24 avril 2017

Brève de campagne



Les mêmes censeurs qui vitupéraient, il y a dix ans, Nicolas Sarkozy pour sa soirée au Fouquet's s'esbaudissent aujourd'hui de plaisir en voyant Emmanuel Macron festoyer à la Rotonde.

Ce matin, en écoutant la radio au petit-déjeuner entre un demi-pamplemousse et un de ces  Nespresso qui me font oublier le goût du café - désolé pour l'autre George ... - mon sang n’a fait qu’un tour. Qu’est que j’ai entendu, incrédule ? Que les Macron s’en étaient allés hier soir fêter la victoire d’Emmanuel à la Rotonde, la célèbre brasserie de Montparnasse ?

Notez que je n’ai rien contre ce genre de célébration et surtout pas à la Rotonde. A Paris, j’habite en effet à vingt mètres de là, rue Vavin. Je puis attester que l’établissement est d’excellente qualité, atmosphère cossue, art déco et Modigliani garantis sur facture. En plus, on y mange assez bien (je vous recommande le bar au riz safrané) pour un rapport qualité-prix tout à fait correct.

Ma première conclusion en apprenant la « nouvelle » des agapes du couple Macron qui, faute de remettre la France « En Marche ! » semble avoir effaré plus d’un   faux-cul – et dieu sait qu’ils sont légion par les temps qui courent : un homme capable de fréquenter la Rotonde en pareille circonstance ne peut être foncièrement mauvais. La Rotonde, une des "quatre glorieuses" de ce quartier mythique au côté des non moins célèbres Coupole, Select et Dôme. En temps habituel, sur le coup de midi en terrasse, on peut y coudoyer des habitués comme l’écrivain Didier van Cauwelaert. On a aussi des chances d’y croiser Catherine Frot, plus rarement Vincent Lindon qui reste fidèle à la place Saint-Sulpice ou la toujours délicieuse, malgré les ans, Micheline Presle. Il y a un siècle, au moment de la déclaration de guerre d’août 1914, la Rotonde avait été violemment houspillée par un défilé nationaliste qui dénonçait avec acrimonie le cosmopolitisme des artistes « montparno » … tout un symbole pour M. Macron qui eut été à l’époque une cible de choix, lui qui professe qu’il n’existe ni culture ni art français.

Mais voilà, avec le mauvais esprit qui me caractérise, me vient aussitôt à l’esprit une seconde conclusion tout autre : ces mêmes gens de presse et artistes qui, il y a une décennie de cela, n’avaient pas de mots assez durs pour vitupérer Nicolas Sarkozy, le Fouquet’s et l’indécence de fréquenter de tels lieux alors que le bon peuple n’a ni pain ni même brioche, applaudissent aujourd’hui à grands cris sur l’équipée des Macron à la Rotonde. Quel bon goût, quelle initiative délicieuse !

Les deux établissements sont pourtant de standing et de prix comparables. Fréquentés par une clientèle en tous points analogue, ils sont également situés tous deux dans des quartiers qu’on ne saurait qualifier de défavorisés : le huitième pour le Fouquet’s, le sixième pour la Rotonde. Cependant le double standard ne saurait effrayer et encore moins dissuader nos censeurs. Mmes Ariane Chemin et Judith Perrignon se fendront-elle d’une Nuit à la Rotonde, histoire de prolonger leur succès littéraire de 2007 avec leur fameuse Nuit du Fouquet’s ? On peut en douter. Fêter une élection à la présidence est rien moins qu’indécent, surtout si c’est Sarkozy qui la fête. Fêter une simple qualification au second tour est tout à fait honorable, surtout s’il s’agit de Macron : telle est bien la morale qu’il faut en tirer. 

Oui « mais en même temps » - pour reprendre l’expression favorite d’E. Macron qui est une façon d’affirmer tout et son contraire sur le ton intello qui sied - le favori des sondages de 2017 ne se trouvait à la Rotonde, à l'en croire, que pour « récompenser » ses petites mains (secrétaires, chauffeurs, gardes du corps, etc). On aurait bien voulu croire à cet élan de générosité … jusqu’à ce qu’on découvre dans l’assistance triée sur le volet des gens comme Line Renaud, François Berléand ou Pierre Arditti. Patatras ! Comme « petites mains », on peut toujours s’interroger. Mais comme représentants de la gauche caviar, s’agissant des inoxydables Berléand et Arditti notamment, aucun doute possible. Il n’y manquait plus que Yannick Noah voire Jamel Debbouze avec Jack Lang en arrière-plan. Au fond, outre le fait que la gauche sait mieux festoyer que la droite, il n’y a que les benêts qui ne demandent qu’à être dupés. Gageons qu'ils n'ont pas fini de l'être.

Vu les costumes – désolé pour F. Fillon … - que certains mauvais esprits ont cru tout de même devoir tailler ce matin à Macron, il est fort à parier qu’au soir du 7 mai la célébration se fera plus sobre. Même si ce n’est pas l’envie qui manque à Emmanuel ou à Brigitte. Tant pis pour eux, leur quinquennat débutera par une frustration … sauf à se conformer à la recette de leur prédécesseur à l’Elysée pour passer inaperçu : enfourcher casqués le scooter présidentiel. En Marche ! vous dis-je.

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