Il
est consternant de constater que, dans un pays aussi évolué que la
France, un électeur sur cinq au bas mot vote encore pour le populisme
révolutionnaire d’extrême-gauche.
Il y a trente-trois ans, autant dire la préhistoire, Valéry Giscard d’Estaing publiait son retentissant Deux Français sur trois
dans lequel il expliquait doctement que la France avait besoin d’être
gouvernée au centre : la preuve par neuf de son succès aux
présidentielles de 1974 ; l'illustration modernisée tout autant –
giscardisme oblige - du vieil adage de Paul Valéry suivant lequel le
monde, pour ne vivre que par les extrêmes, « ne dure que par les
moyens ».
Aujourd’hui,
on n’en est plus là. Si le fameux théorème de VGE est désormais
communément admis, une autre proportion inhérente au corps électoral ne
laisse d’intriguer : plus d’un Français sur cinq, à se fier aux derniers
sondages, accorderait ses suffrages à l’extrême-gauche. Et, à
l'élection présidentielle, on ne compte pas moins de deux trotskystes,
un candidat soutenu par le parti communiste et un autre, le vainqueur de la primaire à gauche, dont certaines idées flirtent ouvertement avec le jusqu'au-boutisme social.
Non,
on ne rêve pas. Il y a dans ce beau pays, qui a bonne conscience en
affectant de se faire peur avec la montée du populisme de
l’extrême-droite lepéniste, plus de 20% de nos concitoyens qui font un
autre choix de populisme extrémiste. Car c’est bien de cela dont il
s’agit quand il est incarné par Nathalie Arthaud qui n’est que la
version rajeunie, à défaut d’être plus sympathique, d’une Arlette
Laguiller à ce point inoxydable que, pour peu, on aurait fini par la
confondre avec la mère Denis.
C’est
bien également de cela dont il s’agit avec l’ineffable Poutou qui se
croit révolutionnaire parce qu’il s’affiche à un débat télévisé en
arborant un teeshirt blanc à la propreté douteuse. De toute évidence
ignare, ce révolté en peau de lapin n’a-t-il donc pas lu au moins Lénine
qui prescrivait à ses camarades d’être irréprochables quant à leur
mise, lui-même donnant d’ailleurs l’exemple ? Pour autant, Poutou, dont
le sens inné du grotesque le dispute à l’ignoble, ne fait plus rire du
tout : apprenant en direct l’attentat terroriste sur les Champs Elysées
et la mort d'un policier, il a jugé opportun de continuer à s’en prendre
aux « violences policières » qui ne cessent « emmerder les jeunes des
banlieues ». Et il se trouverait encore 1,5% d’électeurs prêts à voter
pour un tel énergumène ?
C’est
aussi de cela dont il s’agit avec un Mélenchon dont les talents
d’orateur – tout comme dans le cas de Christiane Taubira, du reste –
contribuent à brouiller la teneur de son discours politique. Et
pourtant, Mélenchon n’a jamais renié son adulation de Fidel Castro, ce
grand humaniste internationalement reconnu, ou d’Hugo Chavez, cet autre
bienfaiteur de son peuple qu'il aura conduit à la ruine en dépit de ses
richesses pétrolières.
C’est
bien de cela dont il s’agit à considérer les soutiens dudit Mélenchon.
Clémentine Autain, par exemple, cette harpie extrémiste qui en veut à
une partie de l’humanité au motif qu’elle aurait été violée lorsqu’elle
était adolescente. Sans parler des communistes du PCF. Depuis près de
trente ans, dans l’indifférence générale – c’est-à-dire politique,
médiatique et académique, ces trois milieux ayant été systématiquement
infiltrés par une gauche souvent radicale - ils se sont refait une
virginité comme s’ils n’avaient jamais été les complices du
totalitarisme soviétique et comme s’ils n’avaient pas durablement nié en
leur temps l’existence du goulag. Une virginité qui aura même réussi le
tour de force de passer sous silence leur longue inféodation au
stalinisme tout comme le fait qu’ils n’auront commencé à lutter contre
l’occupation nazie qu’à la mi-1941, au moment seulement de l’entrée en
guerre de l’URSS.
Les
socialistes d'aujourd’hui se gardent bien de condamner leurs
« camarades » communistes et font bloc dès que ceux-ci sont critiqués.
Ils sont trop antimolletistes d'instinct pour se souvenir que Guy
Mollet, l'ancien chef du parti socialiste au temps de la SFIO, soutenait
fort justement naguère que "les communistes ne sont pas à gauche mais à
l'Est". Savent-ils seulement qu’en 1942, lors de l’ignominieux procès
de Riom organisé par le régime de Vichy, sept députés communistes
écrivirent officiellement au maréchal Pétain afin de solliciter
"l’honneur" de témoigner à charge contre Léon Blum et d’autres
dirigeants politiques ? Rappelons le nom de ces tristes parlementaires
qui font le déshonneur de la représentation populaire : Joanny Berlioz,
Georges Lévy (!) Gaston Cornavin, Virgile Barel, Lucien Midol, Alfred
Costes et François Billoux. Aura-t-on jamais entendu le PCF, après la
guerre ou même plus tard, s’excuser pour cette infamie ? Pour la petite
histoire, F. Billoux deviendra plus tard ministre tandis que V. Barel
deviendra président de l’Assemblée nationale en tant que doyen d’âge …
Les
bonnes âmes pourront bien nous rétorquer que c’est de l’histoire
ancienne et que de l’eau a coulé sous les ponts. Toujours est-il que
l’existence même d’un parti communiste reste une particularité
consternante et en tout cas hélas bien française qui suscite la
commisération sidérée du monde entier. Elle dénote à tout le moins
l’archaïsme stupéfiant d’une partie de notre société française qui
continue de nourrir ses rêves de Grand Soir, ne jure que par la lutte
des classes et n’entrevoit la politique que par le prisme de l’utopie.
Des gens prompts à combattre la paille du populisme de droite tout en
négligeant la poutre d’un populisme de gauche animé par le ressentiment
social et l’esprit de revanche. Un populisme laudateur des
« quartiers », aveuglément pro-palestinien et ne cessant de
sous-estimer, quand il ne le nie pas carrément, le danger terroriste.
Au fond, pourquoi le populisme de l'extrême-gauche serait-il plus respectable que celui de droite ? Ses valeurs
? Celles qui consistent à applaudir à toutes les dictatures du
prolétariat sous toutes les latitudes ? Celles qui proclamaient "pas de
liberté pour les ennemis de la libertés" ? Celles qui font du guillotineur Robespierre, du massacreur Dzerjinsky (le fondateur de la redoutable Tchékha, police secrète soviétique) ou du boucher "Che" Guevara des modèles de vertus sinon de romantisme révolutionnaire ? Il n'est que temps d'en finir avec ce double standard consistant à condamner les uns avec toute l'indignation convenue tout en fermant les yeux avec indulgence sur les turpitudes des autres.
Naguère, en 1971, dans un ouvrage publié à l’occasion du centenaire de la Commune de Paris (Tombeau pour la Commune),
l’historien Max Gallo évoquait explicitement le scandale intellectuel
qu’il y avait à mythifier au-delà de toute rationalité ces communards
révoltés « partis à l’assaut du ciel ». Aujourd’hui le scandale est
d’ordre sociétal : comment un pays moderne, apparemment évolué au point
de persister à administrer des leçons au monde entier, peut-il continuer
à sombrer dans un ridicule aussi stupidement dangereux en accordant du
crédit à ces joueurs de flûte d’un genre nouveau ? Tout comme le
flûtiste de la légende médiévale germanique de Hameln, les nôtres
entraîneront très certainement les rats (devenus les électeurs) vers la
rivière. Et, en plus, ils jouent de plus en plus faux et à contretemps …
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