Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

vendredi 14 avril 2017

Badinages




Tandis que l'élection présidentielle approche et que l’élite parisienne n’en finit plus d’adouber des vainqueurs à son image, la France profonde a le mauvais goût de penser différemment.
 
Les conversations parisiennes sont parfois instructives. Certes, elles confinent souvent au papotage, alimentant ces rumeurs et faux-bruits qui font les délices du microcosme. Mais gare aux addictions ! « Jaser », comme disent nos amis québecquois, c’est un peu comme rester planté devant les chaînes infos. Au début on reste un peu pantois puis on se laisse prendre au jeu volens nolens, jusqu'à tenir pour vérité certaine un commentaire de « leader d’opinion » méthodiquement asséné.  
 
C’est grave docteur ? Non, pas vraiment pour peu qu’on parvienne à retrouver ses esprits et mettre de la distance avec les jugements péremptoires des uns ou les soi-disant scoops sensationnels - chuchotés sur le mode "surtout ne le répétez pas" - des autres. Ce n'est pas si simple. Ainsi, que n’aura-t-on ainsi entendu susurrer au fil des mois sur l’élection présidentielle !
 
Il y a un an d’ici, Hollande était quasiment sûr de gagner, fort de sa réputation de « malin ». Oui mais voilà, à un certain degré la malice demeure impuissante face aux réalités surtout si celles-ci se font cuisantes. A l’inverse, il y avait ceux qui tablaient mordicus sur un retour « évident » de Sarkozy : un retour irrésistible, supposé tout emporter sur son passage. On sait ce qu'il en advint. Puis arriva le temps des « pundits » comme disent nos voisins anglo-saxons - spécialistes et experts en tous genres - qui nous jurèrent que Macron, en pleine gestation de son mouvement « En Marche », roulait en fait pour Hollande. On en rit encore. En ces moments d'où le mépris n'était guère absent, on nous renvoyait aussi en pleine figure les sondages définitifs consacrant à l’unanimité Juppé vainqueur dans tous les cas de figure. On raconte que les partisans du maire de Bordeaux ont conservé de cette aventure quelques ulcères à l'estomac tenaces. Dernièrement encore, au sortir de la primaire à droite qui avait suscité – du moins le croyait-on -  la « surprise de l’année », Fillon était donné gagnant « les doigts dans le nez ». C’était il y a trois mois à peine. Une éternité.
 
Et aujourd’hui ? Les politologues incontournables de la vie parisienne, ceux-là même qui nous prédisaient avec la componction feutrée des happy few connaissant le dessous des cartes la victoire de tel ou tel, pronostiquent un match de second tour entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen, le premier étant évidemment destiné à l’emporter sur la seconde au finish. Peut-être ont-ils raison, qui sait ? Et d’ailleurs, convenons équitablement qu’il serait malvenu de leur jeter la pierre puisque tout le monde, dans cette affaire, se sera fourvoyé à un moment ou à un autre. Est-on même au bout de nos étonnements à quelque huit jours du premier tour avec quatre candidats se tenant dans un mouchoir à la limite de la marge d’erreur des sondeurs ?
 
Au demeurant, ceux qui professaient doctement qu’Hollande était un « malin » ne se seront pas trompés non plus. Si le bilan du sortant est singulièrement désastreux au point de l'empêcher de se représenter – même sur la politique étrangère, que le dernier carré d'indulgents entend placer à son crédit mais qui n’aura pas réussi à sauver ou à crédibiliser le quinquennat – il sera tout de même parvenu à laisser derrière lui un champ de ruines après avoir torpillé à la fois la gauche et la droite. Une performance, convenons-en, pour le moins inédite et qui, en toute vraisemblance, ne sera pas de sitôt égalée.
 
La gauche ? Cela faisait certes des lustres qu’elle se trouvait dans un piteux état sur le plan idéologique, faute d’avoir su réaliser son aggiornamento et, plus précisément, ce que les socialistes allemands avaient accompli à Bad Godesberg …il y a presque soixante ans ! Entre réforme et révolution, entre réalité et utopie, entre le capitalisme et "une autre logique" (suivant l'ineffable expression de Jacques Attali) la gauche française n’a jamais été capable de choisir. Mais il ne fait guère de doute qu’Hollande - en successeur lointain, par le talent, de Mitterrand qui fut le grand maître de l'ambiguïté - lui a donné le coup de grâce par la vertu, à oser cette antiphrase, d’une politique louvoyante et chafouine.
 
La droite ? Elle traînait la réputation de « la plus bête du monde », pour reprendre le mot d’une cruauté méritée provenant de Guy Mollet. Et d’ailleurs, elle n’aura cessé de le confirmer au cours de ces dernières années : ici, en portant à sa tête, ce champion de la traîtrise tous azimuts qu'était Jacques Chirac – ses victimes les plus éloquentes, rappelons-le à toutes fins utiles aux amnésiques, ayant été Chaban-Delmas puis Giscard d’Estaing – avant qu'il ne devienne le « roi fainéant » dramatiquement inconsistant, ne jurant que par le "vivre ensemble" et les arts premiers ; là, en sabordant stupidement Nicolas Sarkozy en 2012, au nom du "tout sauf Sarkozy" et de prétendues "convenances" anti-bling-bling, moyennant quoi on hérita de "Moi Président" et de son coiffeur à 10 000 euros mensuels ; là encore, en se donnant tristement en spectacle, cette même année, à l’occasion de la lamentable querelle de chiffonniers entre Copé et Fillon pour la direction de l’UMP. On pensait alors, à droite, avoir touché le fond. On se trompait lourdement car il restait la cerise sur le gâteau à savoir le psychodrame de la lente et douloureuse descente aux enfers du candidat Fillon, celui-là même à qui était promise une victoire « certaine ».
 
Il faut bien admettre qu’au-delà des chicayas médiocres et autres turpitudes propres à la droite, Hollande aura largement contribué à lui asséner la chiquenaude finale. Bien sûr, objecteront les puristes si prompts à fustiger certaines indulgences qu’ils se consentent à eux-mêmes sans barguigner, si Fillon n’avait pas commis les erreurs qu’on sait – dussent-elles s'avérer légales – et surtout s’il ne s’était pas posé en parangon de vertu, il n’en serait pas là aujourd’hui. Mais, sans revenir sur le détail d’une machination au cours de laquelle l’Elysée, la magistrature et les médias ont marché objectivement main dans la main, on s’apercevra sans doute plus tard – trop tard – que ladite machination a été soigneusement orchestrée au plus haut niveau de l’Etat. Pour plagier en clin d'oeil l'immense Diderot, comment imaginer que cette horloge si bien huilée n'ait pas d'horloger ?
 
En attendant, si Christian Paul, un des leaders des frondeurs, entend conseiller charitablement à Hollande de faire son « examen de conscience », l’intéressé demeure impavide, multipliant ses petites blagues et commentaires plus ou moins explicitement pro domo à la presse, comme si de rien n’était. 
 
Le chaos actuel de la vie politique française ? Il ne s’en considère pas le moins du monde responsable. Pire encore, il a le culot de soutenir, en adoptant le point de vue de celui qui ne se sent pas du tout concerné, que cette « campagne sent mauvais ». Il est vrai qu’il est plus valorisant pour lui de continuer à jouer les commentateurs de l’actualité – ce qu’il persiste à faire, non sans lourdeur le plus souvent, depuis cinq ans – avec ses copains journalistes que de s’impliquer dans le malaise des prisons ou dans la crise en Guyane : certes, dans les deux cas, on conçoit qu'il serait obligé de mettre en cause l’« icône de la gauche » … une certaine Christiane Taubira à qui cette même gauche, rappelons-le, doit son succès mémorable du 21 avril 2002. 

Si cette campagne sent effectivement mauvais, Hollande reste égal à lui-même en affirmant vouloir faire confiance à « l’intelligence des Français ». L’intelligence ? Celle des électeurs de 2012, pardi ! Pour peu que Macron lui succède à l'Elysée, Hollande en arriverait presque à se faire des idées et à penser qu'il s'agit-là d'un hommage indirect rendu par les Français à son quinquennat. Ben voyons, comme dirait l'autre ! Décidément, en empruntant cette fois à Michel Audiard, "ça ose tout" ... 

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