Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

dimanche 2 avril 2017

Les maîtres de vérité



Le peuple ayant voté, les élites américaines ne désarment pas et entreprennent de revenir par la fenêtre, celle de la justice de préférence, là où elles ont été chassées par la porte.

Cette fois, c’est sûr, les élites américaines – pas seulement dans le camp démocrate, d’ailleurs – sont disposées à nous jouer un remake du scandale du Watergate en se posant avantageusement en défenseurs aussi courageux qu’irréductibles de la vérité et des valeurs démocratiques.
 
Ma référence au Watergate n'est nullement le fait du hasard tant paraît insistante de la part des héritiers des Bob Woodward, Carl Bernstein et autres Ben Bradlee, la comparaison entre le président Trump et un de ses prédécesseurs, Richard Nixon. Qu’on juge sur pièces d'un semblable parallélisme.
 
Depuis le début des années 50 Nixon fut quotidiennement caricaturé par les cartoonists de la presse libérale sous des traits avilissants (le plus souvent, ceux d’un homme mal rasé et en haillons sortant des égouts). Il n’est que de constater que les caricatures de Donald Trump sont mutatis mutandis à peu près du même tonneau : "liberté de la presse" objectera-t-on, bien sûr, à ceci près cependant qu’on aurait du mal à trouver semblables caricatures sur Clinton (qui, pourtant, aurait pu être a priori un bon client …) ou sur Obama. Le New York Times comme le Washington Post, on le sait de longue date, a ses têtes et il est clair que celle de Trump, tout comme hier celle de Nixon, ne lui convient guère.
 
Aux caricatures s’ajoutent les slogans destinés à marteler le public. Hier, sous un portrait de Nixon, la légende délibérément malveillante : « Prendriez-vous cet homme en auto-stop ? » Aujourd’hui, sous la plume du chroniqueur Paul Krugman qui décrit Trump comme « un homme à qui vous ne feriez pas confiance pour garer votre voiture ou pour nourrir votre chat ».
 
Il y a aussi cette façon si particulière qu’a cette presse élitiste de disqualifier avec hauteur ses cibles en les traitant sans ambages de « menteurs ». Hier et même avant-hier, c’est-à-dire bien avant l’affaire du Watergate, tel avait été le sort réservé à Nixon. Durant la campagne électorale de 1960, l’un des slogans du camp Kennedy contre Nixon, repris en chœur par la grande presse, était : « cet homme ment », ce qui nous fait aujourd’hui plutôt sourire compte tenu des mensonges en pagaille dont JFK abreuva les électeurs américains dans l’indifférence complice des journalistes. Par la suite, Lyndon Johnson mentit aussi d'abondance mais sans émouvoir quiconque. Plus proche de nous, Clinton reconnut avoir menti, dans l'affaire du Monicagate, mais qui aurait mauvaise grâce à le lui reprocher ? Ce démocrate attirait tellement la sympathie ...
 
Enfin et comme si cela ne suffisait pas encore, mérite d'être soulignée cette propension des bien-pensants à psychiatriser leurs adversaires comme pour mieux les clouer au pilori. Non seulement ceux-ci sont des menteurs mais ils seraient aussi des cas psychiatriques. Il y a quelques années, délaissant leurs élucubrations habituelles, trois chercheurs – de l’université Columbia de New York, cela va de soi – ont commis non sans gourmandise une « psychobiographie » de Richard Nixon, le faisant carrément passer pour un fou. Aujourd’hui, c’est comme de juste un de leurs héritiers, Joel Whitebook – il est directeur du programme d’études psychanalytiques à cette même université de Columbia – qui se penche doctement sur le cas clinique représenté par Donald Trump et sur la façon dont le « trumpisme », envisagé en tant qu’expérience sociale, peut être perçu comme un phénomène quasi-psychotique …
 
Jour après jour, s’ajoute une nouvelle petite pierre qui tend à suggérer plus ou moins insidieusement que le président est un menteur ; qu’il n’est pas normal ; qu’il est dangereux ; qu’autour de lui, comme le souligne l’historien Douglas Brinkley repris d’enthousiasme par Nicholas Kristof, autre chroniqueur au New York Times, flotte « un air de trahison » ; que, sur la foi du directeur du FBI, James Comey – celui-là même qui influa in extremis sur l’élection présidentielle en achevant de torpiller la candidature de Mme Clinton – une enquête est en cours sur les accointances du camp Trump avec la Russie de Poutine : histoire de vérifier si, d'aventure, il n’y aurait pas eu mensonge, collusion voire parjure dans cette affaire.
 
Tout est bon pour faire « avancer » ladite enquête : divulgation de « faits » tenus pour avérés même s'ils n'ont pas été vérifiés, fuites opportunes en direction de la presse qui mène parallèlement ses investigations à charge (il est vrai qu'on ne peut guère trouver à s'en émouvoir dans la France de M. Hollande …) ou encore revendication par les Démocrates d’une commission d’enquête « neutre » et « bipartisane » (étant entendu qu’on choisirait de préférence des Républicains hostiles à Trump).
 
Nul n'est besoin d’être grand clerc pour imaginer qu’une telle commission n'aurait d'autre vocation que de mettre en accusation des gens du premier cercle de Trump voire le président lui-même. Y a-t-il meilleure façon de revenir sur une élection tout à fait légalement acquise ? Euh, tous comptes faits, oui il y a bien meilleure façon : les partisans de M. Hollande (qui sont souvent aussi, le hasard faisant bien les choses, ceux de M. Macron) l’ont inventée récemment et mise en pratique en ruinant implacablement la candidature de François Fillon. Comme quoi, les maîtres de vérité sous tous les cieux peuvent avoir des réflexes ou, à tout le moins, des tentations identiques. 

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