Le peuple
ayant voté, les élites américaines ne désarment pas et entreprennent de revenir
par la fenêtre, celle de la justice de préférence, là où elles ont été chassées
par la porte.
Cette
fois, c’est sûr, les élites américaines – pas seulement dans le camp
démocrate, d’ailleurs – sont disposées à nous jouer un remake
du scandale du Watergate en se posant avantageusement en défenseurs
aussi courageux qu’irréductibles de la vérité et des valeurs
démocratiques.
Ma
référence au Watergate n'est nullement le fait du hasard tant paraît
insistante de la part des héritiers des Bob Woodward, Carl Bernstein et
autres Ben Bradlee, la comparaison entre le président Trump et un de ses
prédécesseurs, Richard Nixon. Qu’on juge sur pièces d'un semblable
parallélisme.
Depuis le début des années 50 Nixon fut quotidiennement caricaturé par les cartoonists
de la presse libérale sous des traits avilissants (le plus souvent,
ceux d’un homme mal rasé et en haillons sortant des égouts). Il n’est
que de constater que les caricatures de Donald Trump sont mutatis mutandis
à peu près du même tonneau : "liberté de la presse" objectera-t-on,
bien sûr, à ceci près cependant qu’on aurait du mal à trouver semblables
caricatures sur Clinton (qui, pourtant, aurait pu être a priori un bon
client …) ou sur Obama. Le New York Times comme le Washington Post,
on le sait de longue date, a ses têtes et il est clair que celle de
Trump, tout comme hier celle de Nixon, ne lui convient guère.
Aux
caricatures s’ajoutent les slogans destinés à marteler le public. Hier,
sous un portrait de Nixon, la légende délibérément malveillante :
« Prendriez-vous cet homme en auto-stop ? » Aujourd’hui, sous la plume
du chroniqueur Paul Krugman qui décrit Trump comme « un homme à qui vous
ne feriez pas confiance pour garer votre voiture ou pour nourrir votre
chat ».
Il
y a aussi cette façon si particulière qu’a cette presse élitiste de
disqualifier avec hauteur ses cibles en les traitant sans ambages de
« menteurs ». Hier et même avant-hier, c’est-à-dire bien avant l’affaire
du Watergate, tel avait été le sort réservé à Nixon. Durant la campagne
électorale de 1960, l’un des slogans du camp Kennedy contre Nixon,
repris en chœur par la grande presse, était : « cet homme ment », ce qui
nous fait aujourd’hui plutôt sourire compte tenu des mensonges en
pagaille dont JFK abreuva les électeurs américains dans l’indifférence
complice des journalistes. Par la suite, Lyndon Johnson mentit aussi d'abondance
mais sans émouvoir quiconque. Plus proche de nous, Clinton reconnut
avoir menti, dans l'affaire du Monicagate, mais qui aurait mauvaise grâce à le lui reprocher ? Ce démocrate attirait tellement la sympathie ...
Enfin
et comme si cela ne suffisait pas encore, mérite d'être soulignée cette
propension des bien-pensants à psychiatriser leurs adversaires comme
pour mieux les clouer au pilori. Non seulement ceux-ci sont des menteurs
mais ils seraient aussi des cas psychiatriques. Il y a quelques années,
délaissant leurs élucubrations habituelles, trois chercheurs – de
l’université Columbia de New York, cela va de soi – ont commis non sans
gourmandise une « psychobiographie » de Richard Nixon, le faisant carrément passer pour un fou. Aujourd’hui,
c’est comme de juste un de leurs héritiers, Joel Whitebook – il est
directeur du programme d’études psychanalytiques à cette même université
de Columbia – qui se penche doctement sur le cas clinique représenté
par Donald Trump et sur la façon dont le « trumpisme », envisagé en tant
qu’expérience sociale, peut être perçu comme un phénomène
quasi-psychotique …
Jour
après jour, s’ajoute une nouvelle petite pierre qui tend à suggérer
plus ou moins insidieusement que le président est un menteur ; qu’il
n’est pas normal ; qu’il est dangereux ; qu’autour de lui, comme le
souligne l’historien Douglas Brinkley repris d’enthousiasme par Nicholas
Kristof, autre chroniqueur au New York Times,
flotte « un air de trahison » ; que, sur la foi du directeur du FBI,
James Comey – celui-là même qui influa in extremis sur l’élection
présidentielle en achevant de torpiller la candidature de Mme Clinton –
une enquête est en cours sur les accointances du camp Trump avec la
Russie de Poutine : histoire de vérifier si, d'aventure, il n’y aurait
pas eu mensonge, collusion voire parjure dans cette affaire.
Tout
est bon pour faire « avancer » ladite enquête : divulgation de « faits »
tenus pour avérés même s'ils n'ont pas été vérifiés, fuites opportunes
en direction de la presse qui mène parallèlement ses investigations à
charge (il est vrai qu'on ne peut guère trouver à s'en émouvoir dans la France de
M. Hollande …) ou encore revendication par les Démocrates d’une
commission d’enquête « neutre » et « bipartisane » (étant entendu qu’on
choisirait de préférence des Républicains hostiles à Trump).
Nul
n'est besoin d’être grand clerc pour imaginer qu’une telle commission
n'aurait d'autre vocation que de mettre en accusation des gens du
premier cercle de Trump voire le président lui-même. Y a-t-il meilleure
façon de revenir sur une élection tout à fait légalement acquise ? Euh,
tous comptes faits, oui il y a bien meilleure façon : les partisans de
M. Hollande (qui sont souvent aussi, le hasard faisant bien les choses,
ceux de M. Macron) l’ont inventée récemment et mise en pratique en
ruinant implacablement la candidature de François Fillon. Comme quoi,
les maîtres de vérité sous tous les cieux peuvent avoir des réflexes ou,
à tout le moins, des tentations identiques.
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