Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

vendredi 31 mars 2017

La judiciarisation de la politique



Nos magistrats n’ambitionnent certes pas un « gouvernement des juges » mais leur manipulation par le pouvoir pose un grave défi à la démocratie.

Quelle que soit son issue désormais, la campagne présidentielle française aura été vérolée par les « affaires » visant le candidat de la droite François Fillon et, à un degré moindre, la candidate du Front National, Marine Le Pen. Au grand écoeurement des électeurs qui vont sans doute battre des records d’abstention ou de vote blanc, la justice tend à prendre le pas sur la politique. Quant aux manœuvres médiatico-judiciaires – via la violation éhontée du secret de l’instruction et de la présomption d’innocence – elles ont fini par prévaloir sur les débats de fond dont les Français auront été privés.

Il est clair que cette élection se solde par une confiscation du politique du fait des purificateurs éthiques – notamment ces journalistes grassement payés des chaînes infos qui, dédaignant les débats de fond pour ne s’intéresser qu’aux affaires, s’érigent volontiers en donneurs de leçons – et du fait de la justice, cette dernière s’arrogeant le droit d’interférer explicitement sur la volonté éventuelle de l’électorat. Et ce, beaucoup plus efficacement encore qu’en 2012 lorsque des syndicats de magistrats avaient appelé sans vergogne à voter contre N. Sarkozy.

A cet égard, précisons que ce n’est pas tant le principe de la mise en cause de F. Fillon qui est choquant que le moment choisi pour ce faire (comme par hasard, juste après la primaire de la droite) ainsi que le rythme anormalement précipité d’une procédure (en dépit de toutes les dénégations des magistrats et de leurs séides dans la presse) qui devrait prendre encore plusieurs mois. Pourquoi avoir déclenché la grosse artillerie en l’espace de seulement quelques heures si ce n’était pour démolir F. Fillon, le favori de l’élection ? Tout se passe à l’évidence comme si, manipulant comme personne ne s’y était risqué auparavant, les leviers de la justice et les ressorts des médias, la gauche – oui, celle de Cahuzac, de Thévenoud ou de Yamina Benguigui et autres Kader Arif - avait décidé de conjurer son inéluctable désastre électoral par la voie judiciaire.

Certes, derrière une telle interférence se profile le spectre d’un gouvernement des juges, sous la houlette (sans mauvais jeu de mots) d’un Syndicat de la magistrature plus partial et plus idéologisé dans son impudence que jamais. Rappelons à cet égard ce que certains magistrats répugnent à admettre : de par notre Constitution, l’institution judiciaire n’est pas l’égale des instances exécutives et législatives, celles-ci étant des pouvoirs alors que celle-là n’est qu’une autorité. Or, l’autorité reste inférieure en valeur aux pouvoirs qui sont les seuls à tirer leur légitimité de la souveraineté populaire.

Il est vrai que cette question du rôle croissant de l’appareil judiciaire devient presque frivole face aux agissements de l’Etat qui se disqualifie lui-même. Revenons sur ce véritable scandale, que la presse a traité avec la plus parfaite indifférence, par lequel Emmanuel Macron est allé s’excuser en Algérie des « crimes contre l’humanité » dont la France se serait rendue coupable, il y a plus d’un demi-siècle. Quelques années auparavant, c’était Ségolène Royal qui était allée s’excuser « au nom de la France » pour les propos tenus par le Président Sarkozy sur l’Afrique censée « être sortie de l’histoire ». Notons d’ailleurs que, dans les deux cas, ce sont des personnalités politiques de gauche qui se répandent ainsi en excuses et le font au nom de la France alors qu’ils ne représentent qu’eux-mêmes. Relevons aussi que, contrairement à tous les usages et à décence la plus élémentaire, ils le font à partir d’un pays étranger, l’un à Alger et l’autre à Dakar.

On sait depuis des lustres que la gauche donne à fond dans la théorie de l’excuse et la culture des bons sentiments dans le but de ratisser électoralement plus large, selon le théorème bien affûté de Terra Nova. Elle incite également avec persévérance les tribunaux à jouer de l’excuse afin d’atténuer les sanctions contre délinquants et multirécidivistes qui, par hypothèse, ne seraient que des « victimes de la société ».

Mais voici à présent que le gouvernement entend ériger les excuses en politique, à considérer celles adressées dernièrement « au peuple guyanais » par Ericka Bareigts, la ministre des « Outre-mer » dont on ignorait sans en souffrir excessivement jusqu’à l’existence même. Une petite précision au passage : certes, cette ministre a été choisie pour ses « compétences » - entendez son appartenance au parti socialiste – mais on aurait pu lui apprendre au passage que le « peuple guyanais » n’a pas d’existence légale. Notre Constitution, en effet, dispose en son article premier que la République est indivisible et qu’une telle indivisibilité induit l'unicité du peuple français. Ce n’est pas pour rien que, dans sa décision relative au statut de la Corse en mai 1991, le Conseil constitutionnel a considéré que la reconnaissance d'un peuple corse, composante du peuple français, était contraire à l'article premier de la Constitution de 1958.

Mais ce n'est qu'un détail dérisoire pour la ministre et le gouvernement à sa suite qui, au droit, préfèrent manifestement la démagogie. Quand on songe que ce sont ces gens-là qui se donnent les gants de vitupérer le populisme ! Le plus navrant dans cette affaire est que, non content d’avoir rendu l’Etat impuissant au point de le ridiculiser, la gauche persiste à le disqualifier en s’excusant en son nom. Savent-ils qu’un Etat digne de ce nom n’a pas à s’excuser et que ses excuses sont tenues, à juste raison, pour de la faiblesse ? Que, sans même remonter à Richelieu et à sa « raison d’enfer », de Gaulle ne s’est jamais excusé pour Vichy et sa participation au génocide ? Que les Américains ne se sont jamais excusés pour le massacre des Indiens et pas davantage pour le Vietnam ? Que le Japon ne s’est pas plus excusé pour les exactions que son régime militaire a commises durant la dernière guerre ?

Cela étant, soulignons que la gauche française n’a pas le monopole judiciarisation. Son équivalent outre-Atlantique – la fameuse gauche libérale – s’ingénie également à en appeler de sa déroute aux dernières présidentielles par la mise en cause obstinée du président Trump. Du jour même de son investiture, l’opposition soi-disant démocrate rêve ouvertement d’un impeachment du président et y travaille désormais activement. Pour l’heure, cette opposition ne dispose guère d’une majorité substantielle au Congrès pour concrétiser ses desseins mais cela ne l’empêche pas de supputer d'ores et déjà d’éventuels chefs d’accusation : de la « trahison » du président lors de la campagne du fait des accointances de certains de ses proches avec la Russie, aux dépenses somptuaires du nouveau locataire de la Maison Blanche pour ses week-ends en Floride ou pour la protection de sa famille ou de ses biens, en passant par le crime imprescriptible que constituerait pour certains son abandon de la politique de son prédécesseur en matière d’environnement. Chez nous, le quotidien Libération dénonce d’ores et déjà l’« écocide » perpétré par D. Trump. Nul doute qu’il se trouvera bien quelques activistes à la gauche du parti démocrate américain, parmi les anciens de Bernie Sanders ou ailleurs, pour lui emboîter le pas.

Les paris sont ouverts : quand le président américain subira-t-il le sort de R. Nixon, au nom de la morale et des valeurs démocratiques ? Les plus réalistes estiment qu’il faudra patienter jusqu’aux élections de midterm, dans deux ans, pour permettre aux démocrates d’engager l’épreuve de force. En France, c’est déjà fait car F. Fillon a déjà été lynché par les tenants de la bonne conscience démocratique, ceux-là même qui organisent des concerts de casseroles pour l’empêcher de parler. Qui ne voit que le soi-disant tribunal de l’opinion publique n’est qu’une aimable fiction à l’image de benêts crédules et s’apparente en réalité à un théâtre d’ombres savamment régi par les médias et leurs donneurs d’ordre ?

La ficelle a beau être éculée, en Amérique comme ailleurs la gauche continue de s’ériger sans complexe en détentrice exclusive de la morale ou des valeurs démocratiques : la gauche libérale américaine, celle qui a soutenu les Clinton et n’a guère bronché lors des espiègleries extra-conjugales de Bill en compagnie d’une jeune stagiaire de la Maison Blanche ; la gauche socialiste française, celle qui a fait des écoutes téléphoniques et autres coups tordus une méthode de gouvernement, celle qui ne fraude jamais le fisc comme chacun sait et jure ses grands dieux qu’elle ne se permet aucune immixtion avec la justice. Justice, avons-nous dit ? Les impertinents des réseaux sociaux auraient tôt fait d’apporter un commentaire abrupt du genre de « Lol » ou de « Mdr ». Et ils auraient raison. Morts de rire, en effet.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire