Nos
magistrats n’ambitionnent certes pas un « gouvernement des juges » mais
leur manipulation par le pouvoir pose un grave défi à la démocratie.
Quelle
que soit son issue désormais, la campagne présidentielle française aura
été vérolée par les « affaires » visant le candidat de la droite
François Fillon et, à un degré moindre, la candidate du Front National,
Marine Le Pen. Au grand écoeurement des électeurs qui vont sans doute
battre des records d’abstention ou de vote blanc, la justice tend à
prendre le pas sur la politique. Quant aux manœuvres
médiatico-judiciaires – via la violation éhontée du secret de
l’instruction et de la présomption d’innocence – elles ont fini par
prévaloir sur les débats de fond dont les Français auront été privés.
Il
est clair que cette élection se solde par une confiscation du politique
du fait des purificateurs éthiques – notamment ces journalistes
grassement payés des chaînes infos qui, dédaignant les débats de fond
pour ne s’intéresser qu’aux affaires, s’érigent volontiers en donneurs
de leçons – et du fait de la justice, cette dernière s’arrogeant le
droit d’interférer explicitement sur la volonté éventuelle de
l’électorat. Et ce, beaucoup plus efficacement encore qu’en 2012 lorsque
des syndicats de magistrats avaient appelé sans vergogne à voter contre
N. Sarkozy.
A
cet égard, précisons que ce n’est pas tant le principe de la mise en
cause de F. Fillon qui est choquant que le moment choisi pour ce faire
(comme par hasard, juste après la primaire de la droite) ainsi que le
rythme anormalement précipité d’une procédure (en dépit de toutes les
dénégations des magistrats et de leurs séides dans la presse) qui
devrait prendre encore plusieurs mois. Pourquoi avoir déclenché la
grosse artillerie en l’espace de seulement quelques heures si ce n’était
pour démolir F. Fillon, le favori de l’élection ? Tout se passe à
l’évidence comme si, manipulant comme personne ne s’y était risqué
auparavant, les leviers de la justice et les ressorts des médias, la
gauche – oui, celle de Cahuzac, de Thévenoud ou de Yamina Benguigui et
autres Kader Arif - avait décidé de conjurer son inéluctable désastre
électoral par la voie judiciaire.
Certes,
derrière une telle interférence se profile le spectre d’un gouvernement
des juges, sous la houlette (sans mauvais jeu de mots) d’un Syndicat de
la magistrature plus partial et plus idéologisé dans son impudence que
jamais. Rappelons à cet égard ce que certains magistrats répugnent à
admettre : de par notre Constitution, l’institution judiciaire n’est pas
l’égale des instances exécutives et législatives, celles-ci étant des
pouvoirs alors que celle-là n’est qu’une autorité. Or, l’autorité reste
inférieure en valeur aux pouvoirs qui sont les seuls à tirer leur
légitimité de la souveraineté populaire.
Il
est vrai que cette question du rôle croissant de l’appareil judiciaire
devient presque frivole face aux agissements de l’Etat qui se
disqualifie lui-même. Revenons sur ce véritable scandale, que la presse a
traité avec la plus parfaite indifférence, par lequel Emmanuel Macron
est allé s’excuser en Algérie des « crimes contre l’humanité » dont la
France se serait rendue coupable, il y a plus d’un demi-siècle. Quelques
années auparavant, c’était Ségolène Royal qui était allée s’excuser
« au nom de la France » pour les propos tenus par le Président Sarkozy
sur l’Afrique censée « être sortie de l’histoire ». Notons d’ailleurs
que, dans les deux cas, ce sont des personnalités politiques de gauche
qui se répandent ainsi en excuses et le font au nom de la France alors
qu’ils ne représentent qu’eux-mêmes. Relevons aussi que, contrairement à
tous les usages et à décence la plus élémentaire, ils le font à partir
d’un pays étranger, l’un à Alger et l’autre à Dakar.
On
sait depuis des lustres que la gauche donne à fond dans la théorie de
l’excuse et la culture des bons sentiments dans le but de ratisser
électoralement plus large, selon le théorème bien affûté de Terra Nova.
Elle incite également avec persévérance les tribunaux à jouer de
l’excuse afin d’atténuer les sanctions contre délinquants et
multirécidivistes qui, par hypothèse, ne seraient que des « victimes de
la société ».
Mais
voici à présent que le gouvernement entend ériger les excuses en
politique, à considérer celles adressées dernièrement « au peuple
guyanais » par Ericka Bareigts, la ministre des « Outre-mer » dont on
ignorait sans en souffrir excessivement jusqu’à l’existence même. Une
petite précision au passage : certes, cette ministre a été choisie pour
ses « compétences » - entendez son appartenance au parti socialiste –
mais on aurait pu lui apprendre au passage que le « peuple guyanais »
n’a pas d’existence légale. Notre Constitution, en effet, dispose en son
article premier que la République est indivisible et qu’une telle
indivisibilité induit l'unicité du peuple français. Ce n’est pas pour
rien que, dans sa décision relative au statut de la Corse en mai 1991,
le Conseil constitutionnel a considéré que la reconnaissance d'un peuple
corse, composante du peuple français, était contraire à l'article
premier de la Constitution de 1958.
Mais
ce n'est qu'un détail dérisoire pour la ministre et le gouvernement à
sa suite qui, au droit, préfèrent manifestement la démagogie. Quand on
songe que ce sont ces gens-là qui se donnent les gants de vitupérer le
populisme ! Le plus navrant dans cette affaire est que, non content
d’avoir rendu l’Etat impuissant au point de le ridiculiser, la gauche
persiste à le disqualifier en s’excusant en son nom. Savent-ils qu’un
Etat digne de ce nom n’a pas à s’excuser et que ses excuses sont tenues,
à juste raison, pour de la faiblesse ? Que, sans même remonter à
Richelieu et à sa « raison d’enfer », de Gaulle ne s’est jamais excusé
pour Vichy et sa participation au génocide ? Que les Américains ne se
sont jamais excusés pour le massacre des Indiens et pas davantage pour
le Vietnam ? Que le Japon ne s’est pas plus excusé pour les exactions
que son régime militaire a commises durant la dernière guerre ?
Cela
étant, soulignons que la gauche française n’a pas le monopole
judiciarisation. Son équivalent outre-Atlantique – la fameuse gauche
libérale – s’ingénie également à en appeler de sa déroute aux dernières
présidentielles par la mise en cause obstinée du président Trump. Du
jour même de son investiture, l’opposition soi-disant démocrate rêve
ouvertement d’un impeachment
du président et y travaille désormais activement. Pour l’heure, cette
opposition ne dispose guère d’une majorité substantielle au Congrès pour
concrétiser ses desseins mais cela ne l’empêche pas de supputer d'ores
et déjà d’éventuels chefs d’accusation : de la « trahison » du président
lors de la campagne du fait des accointances de certains de ses proches
avec la Russie, aux dépenses somptuaires du nouveau locataire de la
Maison Blanche pour ses week-ends en Floride ou pour la protection de sa
famille ou de ses biens, en passant par le crime imprescriptible que
constituerait pour certains son abandon de la politique de son
prédécesseur en matière d’environnement. Chez nous, le quotidien Libération
dénonce d’ores et déjà l’« écocide » perpétré par D. Trump. Nul doute
qu’il se trouvera bien quelques activistes à la gauche du parti
démocrate américain, parmi les anciens de Bernie Sanders ou ailleurs,
pour lui emboîter le pas.
Les
paris sont ouverts : quand le président américain subira-t-il le sort
de R. Nixon, au nom de la morale et des valeurs démocratiques ? Les plus
réalistes estiment qu’il faudra patienter jusqu’aux élections de midterm,
dans deux ans, pour permettre aux démocrates d’engager l’épreuve de
force. En France, c’est déjà fait car F. Fillon a déjà été lynché par
les tenants de la bonne conscience démocratique, ceux-là même qui
organisent des concerts de casseroles pour l’empêcher de parler. Qui ne
voit que le soi-disant tribunal de l’opinion publique n’est qu’une
aimable fiction à l’image de benêts crédules et s’apparente en réalité à
un théâtre d’ombres savamment régi par les médias et leurs donneurs
d’ordre ?
La
ficelle a beau être éculée, en Amérique comme ailleurs la gauche
continue de s’ériger sans complexe en détentrice exclusive de la
morale ou des valeurs démocratiques : la gauche libérale américaine,
celle qui a soutenu les Clinton et n’a guère bronché lors des
espiègleries extra-conjugales de Bill en compagnie d’une jeune stagiaire
de la Maison Blanche ; la gauche socialiste française, celle qui a fait
des écoutes téléphoniques et autres coups tordus une méthode de
gouvernement, celle qui ne fraude jamais le fisc comme chacun sait et
jure ses grands dieux qu’elle ne se permet aucune immixtion avec la
justice. Justice, avons-nous dit ? Les impertinents des réseaux sociaux
auraient tôt fait d’apporter un commentaire abrupt du genre de « Lol »
ou de « Mdr ». Et ils auraient raison. Morts de rire, en effet.
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