L’élection présidentielle est d’ores et déjà
jouée avec l’élimination probable de la droite dès le premier tour. A quoi est
due cette si étrange défaite ?
Guy Mollet prétendait naguère que la droite
française est la plus bête du monde. Ce jugement semble pleinement se vérifier
avec cette élection présidentielle de 2017 déclarée imperdable pour la droite mais
qu’elle s’apprête cependant à perdre.
Il y a plusieurs façons contradictoires de
considérer ce fiasco si singulier, chacune
d’entre elles recouvrant d’ailleurs une part de vérité. Attardons-nous sur l’interprétation
de la faillite de la candidature de François Fillon en raison du « complot »
politico-judiciaire qui aurait été dirigé contre lui. Les bonnes âmes, l’inévitable Juppé en
tête, ont été promptes à la réfuter, par réflexe ou par principe, c'est selon. Les théories complotistes, vous
comprenez, cela fait le jeu de …
Et pourtant, la thèse mérite autre chose qu’un
simple revers de main méprisant. On ne sache pas les
politiques, de gauche comme de droite, au-dessus de tout soupçon
à cet égard. Quant à la justice, il serait peut-être temps de s’affranchir de
ces poncifs éculés du genre « laissons travailler la justice » ou « je
fais confiance à la justice de mon pays ... »qu'on rabâche sous l'effet d'un psittacisme consternant.
Il suffit de collecter de simples données
factuelles et de les mettre bout à bout, par jeu ou par vice comme on voudra. Le
résultat est pour le moins édifiant :
- * 19 décembre 2013 : Jean-Louis Nadal, ancien conseiller
au cabinet de Robert Badinter, ex-inspecteur général des services judiciaires sous
Elisabeth Guigou, est nommé par François Hollande à la tête de la Haute
Autorité pour la Transparence de la Vie Publique. Il est à noter que ce même
J-L Nadal avait requis l'ouverture d'une enquête à l'encontre de Christine
Lagarde devant la Cour de Justice de la République. Accessoirement, il avait
soutenu en 2012 le candidat François Hollande.
- * 1er février 2014 : Création, à la suite de l’affaire
Cahuzac (à l’occasion de laquelle la justice avait mis du temps à se mettre en
branle, bien longtemps après les révélations de Mediapart) du Parquet national
financier par Christiane Taubira. Peu auparavant, la Garde des Sceaux avait
nommé Eliane Houlette procureur de ce PNF (14 janvier) et Ariane Amson
substitut (31 janvier).
-
* 4 juillet 2014 : Jean Michel Hayat, membre du syndicat de la magistrature
et conseiller au cabinet de Ségolène Royal de 1997 à 2000 (accessoirement, il
est le mari d'Adeline Hazan, présidente du syndicat de la magistrature de 1986
à 1989, ex-eurodéputée et ancienne maire PS de Reims) est nommé président du
TGI de Paris.
- * 9 septembre 2014 : Jean Michel Hayat crée la 32e chambre
correctionnelle dédiée aux affaires traitées par le PNF. Le 1er
septembre 2015, Peimane Ghaleh-Marzban, qui est réputé très proche de François
Hollande est nommé président de la 32ème chambre correctionnelle du TGI de
Paris.
-
* 10 septembre 2015 : Jean Louis Nadal est chargé de signaler les
cas suspects à la 32ème chambre du TGI de Paris.
-
* 13 juin 2016 : Jean-Pierre Jouyet recrute comme conseillère pour la
justice à l'Élysée Ariane Amson, laquelle quitte le PNF (accessoirement, elle
est la compagne de Pierre Heilbronn qui, lui, est promu directeur adjoint de
cabinet de Michel Sapin).
-
* Novembre 2016 : un dossier est constitué à l'Elysée sur la base des fiches
de salaire et déclarations de revenus des époux Fillon. Ce dossier, transmis
par Pierre Heilbronn, aurait été suivi par Boris Vallaud (accessoirement, il
est le mari de Najat Vallaud Belkacem).
-
* 15 décembre 2016 : Thomas Cazenave, ancien directeur de
Cabinet d’Emmanuel Macron est nommé Secrétaire Général Adjoint de l’Elysée. Il
remet le dossier des époux Fillon à Jean-Pierre Jouyet, Secrétaire Général
(accessoirement, ce dernier a des comptes à régler avec F. Fillon, en ce qui
concerne une démarche qu’aurait effectuée ce dernier afin de discréditer
Nicolas Sarkozy). François Hollande est tenu au courant : comment
pourrait-il en être autrement ?
-
* Décembre 2016 : Le président François Hollande ordonne de transmettre le
dossier à Gaspard Gantzer (accessoirement énarque de la « promotion
Senghor », celle d’Emmanuel Macron), en lui recommandant d'en faire « bon
usage ».
-
* 9 janvier 2016 : Gaspard Gantzer transmet simultanément le dossier à Michel
Gaillard, directeur de la rédaction du Canard
Enchaîné et à Eliane Houlette via Ariane Amson.
-
* 25 janvier 2017 : Le jour même où est publiée «
l’enquête du Canard Enchainé » sur F.
Fillon, une enquête préliminaire est ouverte par le Parquet national financier
pour des chefs de détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et recel
de ces délits.
-
* 5 février 2017 : Des copies des PV d'audition des époux Fillon sont
récupérés auprès du PNF – au diable le secret de l’instruction ! - par
Ariane Amson et transmis via G. Gantzer aux journalistes du Monde, Gérard Davet et Fabrice Lhomme.
-
* 15 février 2017 : Jean-Louis Nadal transmet, de son
côté, au PNF un signalement concernant un soupçon de déclaration incomplète de
François Fillon à la HATVP.
-
* 24 février 2017 : Confronté au risque de prescription
encouru par le vote de la loi du 16 février 2017, le PNF ouvre une information
judiciaire.
-
* 25 février 2017 : Jean Michel Hayat, président du TGI
désigne Serge Tournaire premier juge d’instruction dans le dossier des époux
Fillon (accessoirement, S. Tournaire est le magistrat qui a mis en examen
Nicolas Sarkozy, malgré l'avis contraire de son collègue Renaud Van Ruynbeck,
dans l'affaire Bygmalion).
-
* 28 février 2017 : Le juge Tournaire signifie à Fillon
une convocation pour le 15 mars 2017 en vue d'audition et, selon toute
vraisemblance, d’une mise en examen.
-
* 14 mars 2017 : Avec 24 heures d'avance sur la date prévue, François
Fillon est mis en examen pour détournement de fonds publics, recel et
complicité d'abus de biens sociaux et manquement aux obligations déclaratives à
la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
-
* 16 mars 2017 : A la suite de révélations du Journal du Dimanche sur le règlement par
un mécène d’un chèque de 13 000 euros en règlement au tailleur Arnys de
costumes offerts à F. Fillon, le PNF élargit l’enquête des juges d’instruction
à des soupçons de trafic d’influence.
On peut toujours mépriser avec hauteur les
théories complotistes. Pourtant, l’opinion publique n’est pas forcément crédule. Lors de son débat avec N. Sarkozy entre les deux
tours de la présidentielle de 2012, F. Hollande avait décliné ses fameuses
anaphores reprises en boucle par la suite. Une d’elle nous fait rétrospectivement
bien sourire : “Moi, président de la République, je ferai fonctionner la
justice de manière indépendante.“
A qui va-t-on faire croire, en effet, que la
juxtaposition de tous ces faits précités est purement fortuite ? A qui va-t-on faire croire que la mise en
place aussi minutieuse d’une telle organisation politico-judiciaire n’a rien à
voir avec la mécanique implacable qui s’est déclenchée pour détruire
Fillon (même s’il est probable qu’elle avait été mise en place dans le but de briser
Nicolas Sarkozy qui était tenu par l'Elysée pour le probable candidat de la droite) ? A qui
va-t-on faire croire, enfin, que le timing du déclenchement de cette affaire, juste après
la primaire remportée par Fillon et alors que la candidature était déjà verrouillée à
droite et au centre, est le fait du hasard ?
Que la gauche pour qui cette affaire est une
« divine surprise » et que tous les gens irréductiblement
hostiles au programme économique de Fillon avalent de telles balivernes sans
barguigner ne change rien à l’affaire. La conclusion n’en est que plus limpide :
soit la justice a été instrumentalisée une fois de plus, la gauche espérant
occulter sa faillite politique par la voie judiciaire ; soit on assiste à
une dérive inquiétante vers le gouvernement des juges, ceux-ci s’immisçant dans
le débat démocratique avec un calendrier – ah ! le fameux « temps de
la justice » - plus que suspect.
Mais il est tout aussi vrai qu’un tel désastre de la
droite aura été rendu possible par la pusillanimité, l’impéritie et l’absence
de sens de la décision de ses responsables (à suivre …)
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