Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

dimanche 19 mars 2017

Clap de fin (I) : des faits troublants



L’élection présidentielle est d’ores et déjà jouée avec l’élimination probable de la droite dès le premier tour. A quoi est due cette si étrange défaite ?

Guy Mollet prétendait naguère que la droite française est la plus bête du monde. Ce jugement semble pleinement se vérifier avec cette élection présidentielle de 2017 déclarée imperdable pour la droite mais qu’elle s’apprête cependant à perdre.

Il y a plusieurs façons contradictoires de considérer ce fiasco si singulier,  chacune d’entre elles recouvrant d’ailleurs une part de vérité. Attardons-nous sur l’interprétation de la faillite de la candidature de François Fillon en raison du « complot » politico-judiciaire qui aurait été dirigé contre lui. Les bonnes âmes, l’inévitable Juppé en tête, ont été promptes à la réfuter, par réflexe ou par principe, c'est selon. Les théories complotistes, vous comprenez, cela fait le jeu   de … 

Et pourtant, la thèse mérite autre chose qu’un simple revers de main méprisant. On ne sache pas les politiques, de gauche comme de droite, au-dessus de tout soupçon à cet égard. Quant à la justice, il serait peut-être temps de s’affranchir de ces poncifs éculés du genre « laissons travailler la justice » ou « je fais confiance à la justice de mon pays ... »qu'on rabâche sous l'effet d'un psittacisme consternant.

Il suffit de collecter de simples données factuelles et de les mettre bout à bout, par jeu ou par vice comme on voudra. Le résultat est pour le moins édifiant : 

-        * 19 décembre 2013 : Jean-Louis Nadal, ancien conseiller au cabinet de Robert Badinter, ex-inspecteur général des services judiciaires sous Elisabeth Guigou, est nommé par François Hollande à la tête de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique. Il est à noter que ce même J-L Nadal avait requis l'ouverture d'une enquête à l'encontre de Christine Lagarde devant la Cour de Justice de la République. Accessoirement, il avait soutenu en 2012 le candidat François Hollande.

-         * 1er février 2014 : Création, à la suite de l’affaire Cahuzac (à l’occasion de laquelle la justice avait mis du temps à se mettre en branle, bien longtemps après les révélations de Mediapart) du Parquet national financier par Christiane Taubira. Peu auparavant, la Garde des Sceaux avait nommé Eliane Houlette procureur de ce PNF (14 janvier) et Ariane Amson substitut (31 janvier).

-         * 4 juillet 2014 : Jean Michel Hayat, membre du syndicat de la magistrature et conseiller au cabinet de Ségolène Royal de 1997 à 2000 (accessoirement, il est le mari d'Adeline Hazan, présidente du syndicat de la magistrature de 1986 à 1989, ex-eurodéputée et ancienne maire PS de Reims) est nommé président du TGI de Paris.

-          * 9 septembre 2014 : Jean Michel Hayat crée la 32e chambre correctionnelle dédiée aux affaires traitées par le PNF. Le 1er septembre 2015, Peimane Ghaleh-Marzban, qui est réputé très proche de François Hollande est nommé président de la 32ème chambre correctionnelle du TGI de Paris.

-             * 10 septembre 2015 :  Jean Louis Nadal est chargé de signaler les cas suspects à la 32ème chambre du TGI de Paris.

-        * 13 juin 2016 : Jean-Pierre Jouyet recrute comme conseillère pour la justice à l'Élysée Ariane Amson, laquelle quitte le PNF (accessoirement, elle est la compagne de Pierre Heilbronn qui, lui, est promu directeur adjoint de cabinet de Michel Sapin).

-        * Novembre 2016 : un dossier est constitué à l'Elysée sur la base des fiches de salaire et déclarations de revenus des époux Fillon. Ce dossier, transmis par Pierre Heilbronn, aurait été suivi par Boris Vallaud (accessoirement, il est le mari de Najat Vallaud Belkacem).

-         * 15 décembre 2016 : Thomas Cazenave, ancien directeur de Cabinet d’Emmanuel Macron est nommé Secrétaire Général Adjoint de l’Elysée. Il remet le dossier des époux Fillon à Jean-Pierre Jouyet, Secrétaire Général (accessoirement, ce dernier a des comptes à régler avec F. Fillon, en ce qui concerne une démarche qu’aurait effectuée ce dernier afin de discréditer Nicolas Sarkozy). François Hollande est tenu au courant : comment pourrait-il en être autrement ?

-         * Décembre 2016 : Le président François Hollande ordonne de transmettre le dossier à Gaspard Gantzer (accessoirement énarque de la « promotion Senghor », celle d’Emmanuel Macron), en lui recommandant d'en faire « bon usage ».

-         * 9 janvier 2016 : Gaspard Gantzer transmet simultanément le dossier à Michel Gaillard, directeur de la rédaction du Canard Enchaîné et à Eliane Houlette via Ariane Amson.

-         * 25 janvier 2017 : Le jour même où est publiée « l’enquête du Canard Enchainé » sur F. Fillon, une enquête préliminaire est ouverte par le Parquet national financier pour des chefs de détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et recel de ces délits.

-         * 5 février 2017 : Des copies des PV d'audition des époux Fillon sont récupérés auprès du PNF – au diable le secret de l’instruction ! - par Ariane Amson et transmis via G. Gantzer aux journalistes du Monde, Gérard Davet et Fabrice Lhomme.

-         * 15 février 2017 : Jean-Louis Nadal transmet, de son côté, au PNF un signalement concernant un soupçon de déclaration incomplète de François Fillon à la HATVP.

-         * 24 février 2017 : Confronté au risque de prescription encouru par le vote de la loi du 16 février 2017, le PNF ouvre une information judiciaire.

-         * 25 février 2017 : Jean Michel Hayat, président du TGI désigne Serge Tournaire premier juge d’instruction dans le dossier des époux Fillon (accessoirement, S. Tournaire est le magistrat qui a mis en examen Nicolas Sarkozy, malgré l'avis contraire de son collègue Renaud Van Ruynbeck, dans l'affaire Bygmalion).

-         * 28 février 2017 : Le juge Tournaire signifie à Fillon une convocation pour le 15 mars 2017 en vue d'audition et, selon toute vraisemblance, d’une mise en examen.

-        * 14 mars 2017 : Avec 24 heures d'avance sur la date prévue, François Fillon est mis en examen pour détournement de fonds publics, recel et complicité d'abus de biens sociaux et manquement aux obligations déclaratives à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

-         * 16 mars 2017 : A la suite de révélations du Journal du Dimanche sur le règlement par un mécène d’un chèque de 13 000 euros en règlement au tailleur Arnys de costumes offerts à F. Fillon, le PNF élargit l’enquête des juges d’instruction à des soupçons de trafic d’influence.

On peut toujours mépriser avec hauteur les théories complotistes. Pourtant, l’opinion publique n’est pas forcément crédule. Lors de son débat avec N. Sarkozy entre les deux tours de la présidentielle de 2012, F. Hollande avait décliné ses fameuses anaphores reprises en boucle par la suite. Une d’elle nous fait rétrospectivement bien sourire : “Moi, président de la République, je ferai fonctionner la justice de manière indépendante.“

A qui va-t-on faire croire, en effet, que la juxtaposition de tous ces faits précités est purement fortuite ?  A qui va-t-on faire croire que la mise en place aussi minutieuse d’une telle organisation politico-judiciaire n’a rien à voir avec la mécanique implacable qui s’est déclenchée pour détruire Fillon (même s’il est probable qu’elle avait été mise en place dans le but de briser Nicolas Sarkozy qui était tenu par l'Elysée pour le probable candidat de la droite) ? A qui va-t-on faire croire, enfin, que le timing du déclenchement de cette affaire, juste après la primaire remportée par Fillon et alors que la candidature était déjà verrouillée à droite et au centre, est le fait du hasard ?

Que la gauche pour qui cette affaire est une « divine surprise » et que tous les gens irréductiblement hostiles au programme économique de Fillon avalent de telles balivernes sans barguigner ne change rien à l’affaire. La conclusion n’en est que plus limpide : soit la justice a été instrumentalisée une fois de plus, la gauche espérant occulter sa faillite politique par la voie judiciaire ; soit on assiste à une dérive inquiétante vers le gouvernement des juges, ceux-ci s’immisçant dans le débat démocratique avec un calendrier – ah ! le fameux « temps de la justice » - plus que suspect.  

Mais il est tout aussi vrai qu’un tel désastre de la droite aura été rendu possible par la pusillanimité, l’impéritie et l’absence de sens de la décision de ses responsables (à suivre …)

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