Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

vendredi 29 mai 2015

Indécence




Le leader du PCF exige qu'un "résistant communiste" soit lui aussi honoré au Panthéon : l'indécence n'a décidément plus de limites ...

En ces temps où les limites du convenable sont allègrement outrepassées et les barrières de la décence impunément défoncées, le parti communiste nous apporte la preuve qu’on peut encore et toujours aller au-delà.

J’écris « parti communiste » tout court car il va de soi qu’il s’agit du PCF. Quel autre pays européen compterait dans son paysage politique ce vestige suranné et poussiéreux, témoin d’une époque révolue et relevant bien davantage de la préhistoire que de l’actualité ? On a beau chercher, on serait bien en peine d’en trouver un, y compris l’Italie où les communistes furent incomparablement puissants et prestigieux durant la guerre froide : un Antonio Gramsci, rappelons-le, était ainsi à cent coudées au-dessus d’un Maurice Thorez, de même qu’un Enrico Berlinguer avait une tout autre dimension qu’un Georges Marchais. Et pourtant le PCI a disparu corps et biens dans l’après-guerre froide tandis qu’à subsisté, impavide et exempt de regrets comme de remords, notre inénarrable PCF.

On aurait pu croire qu’on avait tout vu ou entendu à ce sujet. Eh bien, non ! Voici aujourd’hui que Pierre Laurent, leader du parti communiste et fils prodigue de ce grand stalinien devant l’Eternel que fut son père Paul Laurent, s’avise de nous faire une crise nerveuse à propos des récentes cérémonies du Panthéon, censées honorer la mémoire de ces personnes hors normes que furent Germaine Tillion, Geneviève Anthonioz-de Gaulle, Pierre Brossolette et Jean Zay.

Au fond, Pierre Laurent avait presque tout compris. Il savait comme tout le monde que celui qui nous sert de président avait suscité cette occasion dans le but évident de s’auto-glorifier : ce qui n’a bien sûr pas manqué, sous l’œil inébranlablement émerveillé d’une presse plus que jamais servilement béate. Si l’ancien chef du PS donnait ainsi sans vergogne dans la récupération de la panthéonisation, pourquoi pas le PC ? Pourquoi ne pas honorer un résistant communiste ?

Tel était précisément le point où le bât blessait car notre bon Pierre Laurent faisait mine d’oublier un simple petit détail : en 1939, fidèle aux enseignements du pacte germano-soviétique de quasi-neutralité envers l’Allemagne nazie sur le point d’écraser la Pologne (Moscou s’en partageant d’ailleurs les dépouilles de concert avec Berlin), les communistes avaient décidé que cette guerre ne les concernait nullement. L’Allemagne hitlérienne ? Une broutille, le véritable ennemi étant le capitalisme. C’est ainsi que Maurice Thorez fut conduit à déserter de l’armée française et à prendre dare-dare le chemin de la mère patrie soviétique où il resterait au chaud jusqu’en 1945, du moins jusqu’à ce que de Gaulle le fasse profiter d’une amnistie. Qu’étaient les résistants entre juin 1940 et juin 1941, aux yeux des communistes français ? Rien que des voyous et, pour un Paul Nizan mort à Dunkerque, combien de réfractaires au nom de l’idéologie ?

C’est ainsi également que, lors de l’infâme procès de Riom que le régime de Vichy intenta aux principaux chefs de parti de la IIIe République au premier rang desquels Léon Blum, plusieurs députés communistes écrivirent au Maréchal Pétain pour se voir accorder « l’honneur » de venir à la barre témoigner contre l’ancien chef du Front populaire. Parmi ces sept parlementaires indignes, on comptait notamment Virgile Barel député des Alpes-Maritimes, qui présiderait même un court instant l’Assemblée nationale en qualité de doyen d’âge, et François Billoux, député des Bouches-du-Rhône, qui deviendrait par la suite ministre. Et pas n’importe quel ministre : en charge de la Défense nationale, il se distinguerait une fois de plus en refusant de se lever de son siège de ministre au Palais Bourbon pour saluer, à l’instar de tous les parlementaires républicains de l’hémicycle, la mémoire des soldats français tombés au combat en Indochine.

Les communistes n’entreraient dans la lutte contre le régime nazi que lorsque Staline en aurait décidé ainsi, à savoir en juin 1941 et pas avant. Que la France fût envahie et à l’agonie ne semblait pas alors perturber plus que cela les dirigeants du PCF. Un tel bilan aurait pu paraître accablant. Mais c’était sans compter avec la force de l’organisation communiste et son habileté de sa propagande, fût-elle grossière ou éhontée.

Dès juin 1941 donc, les communistes s’attachèrent à investir méthodiquement les organisations de résistance déjà constituées de longue date. Pour faire bonne mesure, ils en créèrent de nouvelles, la plus célèbre étant celles des FTP (Franc-Tireurs et Partisans). Ils réussirent tellement bien dans l’entrisme, une spécialité trotskyste (demandez donc à M. Jospin ou à M. Cambadélis) que ne reniaient pas les staliniens de la plus belle eau qu’ils donnèrent l’impression d’être majoritaires et que la Résistance française était en grande partie d’obédience communiste.

Comme cela ne suffisait pas, les communistes créèrent un mythe chemin faisant : celui du « parti des 75 000 fusillés ». Ce mythe aurait la vie dure et serait resservi systématiquement à la moindre occasion. En réalité, comme le soulignerait fort pertinemment le socialiste Vincent Auriol dans ses Mémoires, il n’y eut probablement pas – et c’est d’ailleurs heureux – autant de fusillés en France, tous partis confondus. Cependant les communistes savent mieux que quiconque qu’il reste toujours quelque chose d’un mensonge savamment réitéré et entretenu.

Aujourd’hui, Pierre Laurent ne fait que prolonger cette tradition en tentant de faire accroire que les communistes étaient des résistants de la première heure et de l’engeance de ceux qui viennent d’être honorés. Ce n’est rien moins que de l’indécence. On pourrait certes s’étonner de ce que celui qui loge actuellement à l’Elysée et que n’étouffent pas les scrupules, n’ait pas déjà mordu à l’hameçon : après tout, un de plus ou un de moins au Panthéon … Faut-il tout de même qu’il ait compris, lui aussi, que les communistes ne pesaient électoralement plus rien dans ce pays pour rester de marbre face à l’exigence indécente de Pierre Laurent !

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