Le
conflit israélo-palestinien donne prétexte à des administrations françaises
régaliennes à jeter aux orties la sacro-sainte neutralité de l’Etat.
On nous abreuve
quotidiennement de grands principes sur la France, en tant que terre d’élection de la laïcité ou
encore en tant que détentrice d'une administration dont la neutralité ferait l'admiration de nos voisins. Bornons-nous à relever que, sur
ce dernier point comme sur beaucoup d'autres d'ailleurs, l’objet de notre orgueil est plutôt mal placé.
En 2002, travaillant
alors au cabinet du ministre des Affaires des étrangères, j’avais eu la
stupéfaction de découvrir en visitant la direction Afrique du Nord-Moyen Orient
(la fameuse ANMO) que les murs du « bureau Israël – Palestine »
étaient tapissés de portraits de Yasser Arafat ainsi que d’affiches
pro-palestiniennes. Je fus à l’époque encore plus étonné de constater que le
directeur d’ANMO avec qui j’évoquais ce détail – « point de détail »,
aurait sans doute précisé quelqu’un d’autre – ne paraissait guère surpris, tout
en ne voyant aucune raison d’ôter des murs du Quai d’Orsay le portrait et les
affiches litigieuses. A contraire, il me parla alors des convictions
personnelles de la personne concernée.
Ce haut fonctionnaire, plusieurs fois ambassadeur sur des postes en vue du monde
arabe, ne se souciait pas de ce qu’un serviteur de l'Etat, quel que soit son rang dans
la hiérarchie, ne doit pas faire passer ses convictions personnelles avant l’intérêt
public et la neutralité du service public. L’idée qu’un local public, celui d'un ministère régalien de surcroît, doit
respecter des règles strictes d’impartialité ne semblait pas
davantage le tarauder.
L’effet de l’habitude ?
Nul n’ignore, en effet, la longue tradition pro-arabe du Quai d’Orsay ainsi que
les inclinations du chef de l’Etat de l’époque, un certain Jacques Chirac. C’est
au point que le moindre changement opéré à cet égard par l’actuel ministre des
Affaires étrangères, Laurent Fabius, entraîne une véritable bronca de la part
de certains diplomates chevronnés. Il est vrai qu’il provoque tout aussi bien l’indignation
de l’impayable Renaud Girard, journaliste au Figaro qui, à n'en point douter, ne
pardonne pas à l’actuel ministre de lui avoir refusé le poste de diplomate qu'il convoitait tant. Toujours est-il que M. Girard croit devoir fustiger ce qu'il appelle l’inflexion
pro-israélienne voire, à l’en croire, « néo-conservatrice » du Quai d’Orsay :
étant entendu implicitement que l’orientation pro-arabe traditionnelle ne le
choquait guère, bien au contraire même.
Mais délaissons les
Affaires étrangères pour l’Intérieur, autre ministère régalien en vue dont le
titulaire actuel, M. Cazeneuve, passe à juste raison pour un homme pondéré et honorable. Je ne doute pas qu’il ne restera pas indifférent à l’information
avérée suivant laquelle le commissariat du XVe arrondissement de Paris arbore
aujourd'hui ostensiblement dans un de ses bureaux, bien à la vue du public, un drapeau palestinien
du plus bel effet. S’agirait-il d’une « prise de guerre », suite aux
manifestations prétendument pacifiques en faveur du Hamas et des roquettes
lancées en permanence sur Israël ? Sans avoir mauvais esprit, je n’irai pas
jusqu’à le penser. Existerait-il alors, dans ce commissariat comme au Quai d’Orsay,
des laudateurs de la cause palestinienne ? La question mérite d'être posée.
Quoi qu’il en soit, c’est
à la hiérarchie administrative de faire respecter la neutralité impérative de l’Etat.
Faute de quoi, il y a des sanctions prévues par les textes. Aurait-on peur de
les appliquer ? Craindrait-on ce faisant de décourager les banlieues ? Au-delà des grandes déclarations, ce sont à ces
petits signes, très peu visibles et dont les médias se gardent bien de parler,
que se dessine un visage de la France qui me paraît inquiétant. J’ose espérer, en tout
cas, que le ministre de l’intérieur saura remédier à de tels dérapages
scandaleux. Car pour le Quai d’Orsay, et quel que soit le bon vouloir de M. Fabius,
c’est déjà trop tard. Et depuis bien longtemps déjà.
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