L'émoi suscité en Angleterre par l'opération israélienne à Gaza est choquant, s'agissant d'un pays qui aura tout fait dans le passé pour attiser la haine entre Arabes et Juifs.
Les Anglais sont un
peuple d’exception et nul ne le contestera. Leur histoire nationale plaide en
ce sens de même que leur mentalité propre, à nulle autre pareille. Leur état
d’esprit, pétri de volontarisme, de tolérance et de résistance à l’adversité - quelle
ait été napoléonienne ou hitlérienne – résiste parfois malaisément aux clichés.
Et pourtant ! Il n’est que de se
rappeler leur comportement en tous points héroïque, jusque dans les rangs de la
famille royale, sous les bombardements allemands en 1940 puis au moment des V-1
et V-2 lancés sur Londres et d’autres cités.
Les Anglais n’en ont pas
moins un problème récurrent avec Israël qui ne va pas sans révéler au passage
des traits de caractère nettement moins flatteurs. Je me réfère ici à l’émoi
provoqué chez certains de leurs parlementaires par l’opération
israélienne sur Gaza. On observera qu’un tel émoi est souvent partagé dans
notre Europe (re)devenue munichoise. Chez nos amis britanniques, il a déjà
provoqué la démission de la Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Sayyeda Hussain
Wasri. Il a également suscité une déclaration incendiaire de Nick
Clegg, vice-premier ministre et leader des libéraux-démocrates, suivant
laquelle Israël aurait « dépassé les bornes ».
Il est tout de même étrange
que certains Britanniques aient une connaissance aussi approximative de l’histoire
contemporaine de leur pays et, en particulier, de ses zones d’ombres. Passe
encore pour une Sayyeda Hussain Wasri. On ne saurait être trop exigeant vis-à-vis
de cette fille d’émigrés pakistanais qui fut classée en 2010 parmi les « 500
Musulmans les plus influents du monde » et pour laquelle l’influence
occulte et le lobbying border line
sont une seconde nature.
La raison de la démission de Mme Wasri du cabinet Cameron est tout de
même cocasse dans la mesure où la politique de son gouvernement serait devenue
à ses yeux « moralement indéfendable ». Il est vrai qu’en matière de
morale, elle a des références à faire valoir : n’a-t-elle pas été inquiétée en 2010 pour
quelques « omissions » concernant sa déclaration fiscale devant la Chambre des
Lords ? En 2012, le Parti travailliste n’a-t-il pas demandé une enquête
sur elle en raison de ses dépenses par trop somptuaires dans son activité de parlementaire ?
Mais les autres
Britanniques - je veux parler de ceux qui ne le sont pas devenus par hasard, en 1971
par exemple lorsque le Pakistan fut scindé en deux - auraient-ils oublié ce que fut la
politique de leur pays au temps du mandat ?
Un peu d’histoire, au
risque de paraître ennuyeux. A la fin de la première guerre mondiale, l’Empire
ottoman s’étant disloqué, certaines de ses régions laissées à l’abandon
furent confiées à des puissances mandataires. Leur mission dite « de
civilisation » était de conduire à terme les territoires ainsi placés sous
leur tutelle à se gérer eux-mêmes, sans qu’il soit même question de parler de
démocratie. C’est dans ces conditions qu’il fut attribué à la France un mandat
sur la Syrie et le Liban tandis que la Grande-Bretagne héritait de la Palestine
et de l’Arabie.
Depuis belle lurette, les
Anglais avaient compris l’importance du pétrole dont on savait déjà que le
Moyen-Orient regorgeait. Ils avaient compris tout aussi vite que l’or noir se
situait pour l’essentiel en territoire arabe et qu’il convenait donc de cajoler
les populations autochtones. Ce fut notamment la face cachée de la saga de
Lawrence d’Arabie dont la réalité n’était pas faite que de romantisme enturbanné.
En Palestine, point de
pétrole mais des populations arabes… et des juifs qui émigraient au
compte-goutte d’Europe depuis le début du siècle mais que rejetaient déjà viscéralement
les susdites populations arabes. L’intérêt bien compris des Anglais se situait
donc clairement du côté du monde arabe. Le hic était cette Déclaration Balfour que
le chef du mouvement sioniste Haïm Weizmann avait arrachée aux Anglais en 1917, laquelle reconnaissait la
légitimité d’un Foyer national juif en Palestine.
Durant le quart de
siècle que dura le mandat (1922-1948), les Anglais s’ingénieraient ainsi à
revenir sur cette Déclaration Balfour en tentant de bloquer systématiquement
toute forme d’immigration juive en Palestine. Les mandataires anglais
veilleraient scrupuleusement à ce que les quelques immigrants juifs passés à
travers les mailles de quotas de plus en plus draconiens achètent dûment aux
Arabes la terre sur laquelle ils espéraient s’installer. Lesdits Arabes - soulignons qu'ils n’étaient nullement contraints de céder leurs terres – firent à cette occasion quelques affaires en or et ne se privèrent pas de traiter par la suite les Juifs de « spoliateurs » et de "voleurs de terres" :
un mythe singulièrement tenace chez les naïfs et les simples d'esprit.
Pour faire bonne
mesure, les Anglais cédèrent dès les années vingt – ce qui était plus que tangent par rapport à la mission de leur mandat – la partie orientale du
territoire mandataire aux Arabes de l’émir Abdallah. Une cession unilatérale de
ce territoire, appelé Transjordanie puis Jordanie, qu’on se gardera bien d’inclure dans le
territoire global de la Palestine lorsque viendra l’heure du partage.
Le pire survint pendant
la seconde guerre mondiale et dans ses suites immédiates lorsque les Anglais prirent toutes les dispositions possibles pour s'opposer à l’arrivée en Palestine des Juifs qui croyaient pouvoir
fuir les camps d'extermination puis à celle des rescapés de ces camps. Bien peu glorieuse
fut alors l’attitude des Anglais. Une mention particulière à cet égard doit être accordée au
ministre des Affaires étrangères travailliste, le regrettable Ernest Bevin, dont
l’hostilité envers les Sionistes dépassa les bornes de l'humain et de l'acceptable, si l’on en juge par la
sinistre odyssée de l’« Exodus ».
Naturellement, les
Anglais tenteraient de s’opposer avec force à tout plan de partage de la
Palestine qui laisserait un Etat aux Juifs, même minuscule. Ils ne se résigneraient que du bout des lèvres à celui de novembre 1947 finalement voté par l'ONU.
Avec un tel bilan
historique à leur actif, il n'est pas extravagant d'inciter les Anglais à une certaine réserve lorsqu’ils
se permettent d’apprécier aujourd’hui un conflit israélo-palestinien qu’ils
auront largement contribué à créer en attisant l’animosité – toujours le fameux
« diviser pour régner » - entre Arabes et Juifs.
Certains d'entre eux ont cette pudeur mais d'autres pas. Aujourd’hui même, l’ONG
britannique Save the Children diffuse
dans de nombreux quotidiens un encadré à la « une » bordé de noir
rappelant les 373 enfants tués à Gaza. Viendrait-il jamais à l’idée de cette
organisme de rappeler que l’Etat d’Israël actuel est précisément le fruit d'un
million d’enfants juifs exterminés en Europe, sur lesquels personne n’aura versé
une seule larme, fût-elle de crocodile ? Mais il est vrai qu'Auschwitz et Buchenwald, c'est si vieux, si ringard comparé à une Palestine si tendance !
Que cette ONG ait donc la pudeur de ne pas instrumentaliser - même si c'est trop lui demander - la mort d’enfants dont le sort funeste résulte essentiellement du comportement du Hamas. Est-il besoin de rappeler que les Islamistes se font fort de placer les populations civiles de Gaza en première ligne, en guise de boucliers humains, tandis qu'eux-mêmes - pas si fous ! - trouvaient refuge dans leurs tunnels ?
Que Mme
Wasri se contente de continuer à magouiller – fiscalement ou/et
idéologiquement - avec ses amis Musulmans au lieu de critiquer la France sur la
question du voile islamique, par exemple, ou de dispenser ses leçons de morale
à deux shillings. Dans sa grande mansuétude, la Grande-Bretagne l'a faite baronesse. Cela devrait lui suffire, non ? Quant à ce pitoyable M. Clegg, qu’il relise son histoire dont il semble
bien qu’il n’ait rien appris ni rien retenu. Peut-être alors comprendrait-il –
même si ce n’est pas tout à fait sûr – le sens de l’expression « dépasser
les bornes ».
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