Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

mercredi 6 août 2014

Un peuple formidable !


L'émoi suscité en Angleterre par l'opération israélienne à Gaza est choquant, s'agissant d'un pays qui aura tout fait dans le passé pour attiser la haine entre Arabes et Juifs. 

Les Anglais sont un peuple d’exception et nul ne le contestera. Leur histoire nationale plaide en ce sens de même que leur mentalité propre, à nulle autre pareille. Leur état d’esprit, pétri de volontarisme, de tolérance et de résistance à l’adversité - quelle ait été napoléonienne ou hitlérienne – résiste parfois malaisément aux clichés.  Et pourtant ! Il n’est que de se rappeler leur comportement en tous points héroïque, jusque dans les rangs de la famille royale, sous les bombardements allemands en 1940 puis au moment des V-1 et V-2 lancés sur Londres et d’autres cités.

Les Anglais n’en ont pas moins un problème récurrent avec Israël qui ne va pas sans révéler au passage des traits de caractère nettement moins flatteurs. Je me réfère ici à l’émoi provoqué chez certains de leurs parlementaires par l’opération israélienne sur Gaza. On observera qu’un tel émoi est souvent partagé dans notre Europe (re)devenue munichoise. Chez nos amis britanniques, il a déjà provoqué la démission de la Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, Sayyeda Hussain Wasri. Il a également suscité une déclaration incendiaire de Nick Clegg, vice-premier ministre et leader des libéraux-démocrates, suivant laquelle Israël aurait « dépassé les bornes ».

Il est tout de même étrange que certains Britanniques aient une connaissance aussi approximative de l’histoire contemporaine de leur pays et, en particulier, de ses zones d’ombres. Passe encore pour une Sayyeda Hussain Wasri. On ne saurait être trop exigeant vis-à-vis de cette fille d’émigrés pakistanais qui fut classée en 2010 parmi les « 500 Musulmans les plus influents du monde » et pour laquelle l’influence occulte et le lobbying border line sont une seconde nature. 

La raison de la démission de Mme Wasri du cabinet Cameron est tout de même cocasse dans la mesure où la politique de son gouvernement serait devenue à ses yeux « moralement indéfendable ». Il est vrai qu’en matière de morale, elle a des références à faire valoir : n’a-t-elle pas été inquiétée en 2010 pour quelques « omissions » concernant sa déclaration fiscale devant la Chambre des Lords ? En 2012, le Parti travailliste n’a-t-il pas demandé une enquête sur elle en raison de ses dépenses par trop somptuaires dans son activité de parlementaire ?

Mais les autres Britanniques - je veux parler de ceux qui ne le sont pas devenus par hasard, en 1971 par exemple lorsque le Pakistan fut scindé en deux - auraient-ils oublié ce que fut la politique de leur pays au temps du mandat ?

Un peu d’histoire, au risque de paraître ennuyeux. A la fin de la première guerre mondiale, l’Empire ottoman s’étant disloqué, certaines de ses régions laissées à l’abandon furent confiées à des puissances mandataires. Leur mission dite « de civilisation » était de conduire à terme les territoires ainsi placés sous leur tutelle à se gérer eux-mêmes, sans qu’il soit même question de parler de démocratie. C’est dans ces conditions qu’il fut attribué à la France un mandat sur la Syrie et le Liban tandis que la Grande-Bretagne héritait de la Palestine et de l’Arabie.

Depuis belle lurette, les Anglais avaient compris l’importance du pétrole dont on savait déjà que le Moyen-Orient regorgeait. Ils avaient compris tout aussi vite que l’or noir se situait pour l’essentiel en territoire arabe et qu’il convenait donc de cajoler les populations autochtones. Ce fut notamment la face cachée de la saga de Lawrence d’Arabie dont la réalité n’était pas faite que de romantisme enturbanné.

En Palestine, point de pétrole mais des populations arabes… et des juifs qui émigraient au compte-goutte d’Europe depuis le début du siècle mais que rejetaient déjà viscéralement les susdites populations arabes. L’intérêt bien compris des Anglais se situait donc clairement du côté du monde arabe. Le hic était cette Déclaration Balfour que le chef du mouvement sioniste Haïm Weizmann avait arrachée aux Anglais en 1917, laquelle reconnaissait la légitimité d’un Foyer national juif en Palestine.

Durant le quart de siècle que dura le mandat (1922-1948), les Anglais s’ingénieraient ainsi à revenir sur cette Déclaration Balfour en tentant de bloquer systématiquement toute forme d’immigration juive en Palestine. Les mandataires anglais veilleraient scrupuleusement à ce que les quelques immigrants juifs passés à travers les mailles de quotas de plus en plus draconiens achètent dûment aux Arabes la terre sur laquelle ils espéraient s’installer. Lesdits Arabes - soulignons qu'ils n’étaient nullement contraints de céder leurs terres – firent à cette occasion quelques affaires en or et ne se privèrent pas de traiter par la suite les Juifs de « spoliateurs » et de "voleurs de terres" : un mythe singulièrement tenace chez les naïfs et les simples d'esprit.

Pour faire bonne mesure, les Anglais cédèrent dès les années vingt – ce qui était plus que tangent par rapport à la mission de leur mandat – la partie orientale du territoire mandataire aux Arabes de l’émir Abdallah. Une cession unilatérale de ce territoire, appelé Transjordanie puis Jordanie, qu’on se gardera bien d’inclure dans le territoire global de la Palestine lorsque viendra l’heure du partage.

Le pire survint pendant la seconde guerre mondiale et dans ses suites immédiates lorsque les Anglais prirent toutes les dispositions possibles pour s'opposer à l’arrivée en Palestine des Juifs qui croyaient pouvoir fuir les camps d'extermination puis à celle des rescapés de ces camps. Bien peu glorieuse fut alors l’attitude des Anglais. Une mention particulière à cet égard doit être accordée au ministre des Affaires étrangères travailliste, le regrettable Ernest Bevin, dont l’hostilité envers les Sionistes dépassa les bornes de l'humain et de l'acceptable, si l’on en juge par la sinistre odyssée de               l’« Exodus ».

Naturellement, les Anglais tenteraient de s’opposer avec force à tout plan de partage de la Palestine qui laisserait un Etat aux Juifs, même minuscule. Ils ne se résigneraient que du bout des lèvres à celui de novembre 1947 finalement voté par l'ONU.

Avec un tel bilan historique à leur actif, il n'est pas extravagant d'inciter les Anglais à une certaine réserve lorsqu’ils se permettent d’apprécier aujourd’hui un conflit israélo-palestinien qu’ils auront largement contribué à créer en attisant l’animosité – toujours le fameux « diviser pour régner » - entre Arabes et Juifs.

Certains d'entre eux ont cette pudeur mais d'autres pas. Aujourd’hui même, l’ONG britannique Save the Children diffuse dans de nombreux quotidiens un encadré à la « une » bordé de noir rappelant les 373 enfants tués à Gaza. Viendrait-il jamais à l’idée de cette organisme de rappeler que l’Etat d’Israël actuel est précisément le fruit d'un million d’enfants juifs exterminés en Europe, sur lesquels personne n’aura versé une seule larme, fût-elle de crocodile ? Mais il est vrai qu'Auschwitz et Buchenwald, c'est si vieux, si ringard comparé à une Palestine si tendance !

Que cette ONG ait donc la pudeur de ne pas instrumentaliser - même si c'est trop lui demander - la mort d’enfants dont le sort funeste résulte essentiellement du comportement du Hamas. Est-il besoin de rappeler que les Islamistes se font fort de placer les populations civiles de Gaza en première ligne, en guise de boucliers humains, tandis qu'eux-mêmes - pas si fous ! - trouvaient refuge dans leurs tunnels ? 

Que Mme Wasri se contente de continuer à magouiller – fiscalement ou/et idéologiquement - avec ses amis Musulmans au lieu de critiquer la France sur la question du voile islamique, par exemple, ou de dispenser ses leçons de morale à deux shillings. Dans sa grande mansuétude, la Grande-Bretagne l'a faite baronesse. Cela devrait lui suffire, non ? Quant à ce pitoyable M. Clegg, qu’il relise son histoire dont il semble bien qu’il n’ait rien appris ni rien retenu. Peut-être alors comprendrait-il – même si ce n’est pas tout à fait sûr – le sens de l’expression « dépasser les bornes ». 

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