Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

jeudi 14 août 2014

The Look


Lauren Bacall, qui vient de disparaître, nous rappelle un monde merveilleux et flamboyant qui a disparu depuis bien longtemps

Gageons que son nom n’évoquera rien de précis aux jeunes générations qui n’auront vu aucun de ses films ni ne connaîtront même son visage. En un temps où celles-ci s’enthousiasment facilement pour « The Voice » et les émissions de télé-réalité, Lauren Bacall, qu’on surnommait à juste titre « The Look » et qui vient de disparaître, aura représenté la classe, l’élégance ainsi qu’un certain style de vie qui n’a plus cours aujourd’hui.

Trêve de nostalgie ! Betty (son véritable prénom) aura été une des femmes les plus belles et les plus désirées de son époque. Elle aura aussi traversé son siècle de part en part tout au long de son existence longue de près de quatre-vingt dix ans. Epouse d’Humphrey Bogart, avec qui elle forma un couple mythique, elle joua dans quelques-uns des beaux films de l’après-guerre, de Key Largo au Port de l’angoisse (toujours avec Bogey, bien sûr). Elle eut par la suite une liaison cuisante avec Frank Sinatra, se remaria avec Jason Robards. Elle aura été également un soutien inconditionnel du Parti démocrate américain, groupie parfois un peu fofolle mais c’était après tout de son jeune âge ! Une photo, restée célèbre, la représenta ainsi allongée dans une pose lascive sur un long piano à queue noir, le soliste n’étant autre que … le président Truman !

Betty Bacall fut membre du premier Rat Pack, ce groupe rigolard et fêtard réunissant au début des années cinquante les nostalgiques de Roosevelt : de Bogart à Tony Curtis et de Lenny Bernstein à Edward G. Robinson et à Judy Garland. Elle fut une supportrice de Kennedy, presque comme tous les gens « de gauche » des années soixante. Elle n’oublia pas de s’élever contre la guerre du Vietnam et contre Nixon, de pester contre Reagan, de mépriser George Bush, de renaître avec Clinton, de sombrer une nouvelle fois dans le désespoir avec George W. Bush avant de resurgir triomphante avec Obama. Son temps était alors passé, mais quelle vie !

Les présentateurs de télé ou de gala ont l’habitude de dire « Monsieur » ou « Madame » pour signifier au public que les gens qu’ils introduisent sont importants. Par comparaison avec notre quotidien où les catins font figure de duchesses et où le moindre top model androgyne, au risque du pléonasme, est tenu pour un artiste exceptionnel, l’appellation de « Madame » ne fut pas usurpée s’agissant de Bacall.

Rien ne prédisposait la petite Betty Joan Perske à devenir si célèbre et si longtemps. Avec ses parents issus des confins de la Roumanie et de la Pologne, elle ne paraissait pas devoir sortir de l’anonymat à l'instar de l'énorme majorité des immigrants. Avoir parcouru un chemin suffisamment long pour échapper à une Europe antisémite suffisait-il au bonheur de cette famille ? Pas sûr. On apprendrait plus tard qu’un cousin de Betty, dénommé Perske comme elle, deviendrait ministre, puis premier ministre puis président de l’Etat d’Israël : Shimon Peres. 

A la base de cette réussite qui nous surprend encore aujourd’hui en flagrant délit de fascination : du talent, une volonté inébranlable et surtout du rayonnement. C’est ce qui attira Bogart et tant d’autres. C’est ce qui déterminerait encore, dans les années quatre-vingt, le magazine Vogue à consacrer à Lauren Bacall une cover inoubliable. C’est un rayonnement semblable qu’on identifiait alors chez des artistes comme James Dean, Paul Newman, Marlon Brando ou encore Steve McQueen jusqu’à la génération des Robert de Niro et Al Pacino.

Sans doute ce genre de rayonnement comporte-t-il sa part d’inné. Mais il repose plus fondamentalement sur une force de caractère, sur un vécu personnel et sur une capacité hors normes à surmonter les obstacles. Sans autre commentaire et au risque de paraître ringard, c’est précisément ce qui fait si cruellement défaut à ceux d'aujourd'hui que le show business érige trop vite en stars.

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