Lauren
Bacall, qui vient de disparaître, nous rappelle un monde merveilleux et
flamboyant qui a disparu depuis bien longtemps.
Gageons que son nom
n’évoquera rien de précis aux jeunes générations qui n’auront vu aucun de ses
films ni ne connaîtront même son visage. En un temps où celles-ci
s’enthousiasment facilement pour « The Voice » et les émissions de
télé-réalité, Lauren Bacall, qu’on surnommait à juste titre « The
Look » et qui vient de disparaître, aura représenté la classe, l’élégance ainsi
qu’un certain style de vie qui n’a plus cours aujourd’hui.
Trêve de
nostalgie ! Betty (son véritable prénom) aura été une des femmes les plus
belles et les plus désirées de son époque. Elle aura aussi traversé son siècle
de part en part tout au long de son existence longue de près de quatre-vingt
dix ans. Epouse d’Humphrey Bogart, avec qui elle forma un couple mythique, elle
joua dans quelques-uns des beaux films de l’après-guerre, de Key Largo au Port de l’angoisse (toujours avec Bogey, bien sûr). Elle eut par la
suite une liaison cuisante avec Frank Sinatra, se remaria avec Jason Robards.
Elle aura été également un soutien inconditionnel du Parti démocrate américain,
groupie parfois un peu fofolle mais c’était
après tout de son jeune âge ! Une photo, restée célèbre, la représenta
ainsi allongée dans une pose lascive sur un long piano à queue noir, le soliste
n’étant autre que … le président Truman !
Betty Bacall fut membre
du premier Rat Pack, ce groupe rigolard et fêtard réunissant au
début des années cinquante les nostalgiques de Roosevelt : de Bogart à
Tony Curtis et de Lenny Bernstein à Edward G. Robinson et à Judy Garland. Elle fut une
supportrice de Kennedy, presque comme tous les gens « de gauche » des
années soixante. Elle n’oublia pas de s’élever contre la guerre du Vietnam et
contre Nixon, de pester contre Reagan, de mépriser George Bush, de renaître
avec Clinton, de sombrer une nouvelle fois dans le désespoir avec George W.
Bush avant de resurgir triomphante avec Obama. Son temps était alors passé,
mais quelle vie !
Les présentateurs de
télé ou de gala ont l’habitude de dire « Monsieur » ou
« Madame » pour signifier au public que les gens qu’ils introduisent
sont importants. Par comparaison avec notre quotidien où les catins font figure
de duchesses et où le moindre top model
androgyne, au risque du pléonasme, est tenu pour un artiste exceptionnel,
l’appellation de « Madame » ne fut pas usurpée s’agissant de Bacall.
Rien ne prédisposait la
petite Betty Joan Perske à devenir si célèbre et si longtemps. Avec ses parents
issus des confins de la Roumanie et de la Pologne, elle ne paraissait pas
devoir sortir de l’anonymat à l'instar de l'énorme majorité des immigrants. Avoir parcouru un
chemin suffisamment long pour échapper à une Europe antisémite suffisait-il au
bonheur de cette famille ? Pas sûr. On apprendrait plus tard qu’un cousin
de Betty, dénommé Perske comme elle, deviendrait ministre, puis premier
ministre puis président de l’Etat d’Israël : Shimon Peres.
A la base de cette
réussite qui nous surprend encore aujourd’hui en flagrant délit de fascination :
du talent, une volonté inébranlable et surtout du rayonnement. C’est ce qui
attira Bogart et tant d’autres. C’est ce qui déterminerait encore, dans les
années quatre-vingt, le magazine Vogue
à consacrer à Lauren Bacall une cover
inoubliable. C’est un rayonnement semblable qu’on identifiait alors chez des
artistes comme James Dean, Paul Newman, Marlon Brando ou encore Steve McQueen
jusqu’à la génération des Robert de Niro et Al Pacino.
Sans doute ce genre de
rayonnement comporte-t-il sa part d’inné. Mais il repose plus fondamentalement
sur une force de caractère, sur un vécu personnel et sur une capacité hors
normes à surmonter les obstacles. Sans autre commentaire et au risque de
paraître ringard, c’est précisément ce qui fait si cruellement défaut à ceux d'aujourd'hui que le show business érige trop vite en stars.
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