Les masques tombent : soigneusement
entretenue jusque-là, la fiction de la distinction entre antisionisme et antisémitisme est en
train de s’écrouler.
Peut-on critiquer
Israël ? se demandait il y a quelques années l’essayiste Pascal Boniface,
non sans une bonne dose de fausse ingénuité. La réponse allait de soi tant l’interrogation
était grossière s’agissant d’un Etat tout aussi démocratique que la France :
un Etat, soit dit en passant, qui est le seul Etat démocratique de la région
proche-orientale.
Si la réponse était à l’évidence
positive, comme si d’ailleurs l’auteur de l’interrogation susdite n’avait pas
toute liberté de se la poser, les sous-entendus n’en étaient pas moins patents.
En effet, les populations des pays arabes hostiles à Israël ont-ils jamais fait
la différence entre les juifs en général et Israël en particulier ? Ces
pays entourant Israël se sont-ils gênés dans le passé pour expulser
littéralement les populations juives qui se trouvaient chez eux ?
En Europe occidentale,
la fiction d’un antisionisme distinct de l’antisémitisme aura duré trop longtemps
en accréditant d’ailleurs une sorte de malentendu : si, par antisionisme, certains
avaient cru pouvoir formuler de bonne foi une critique de la politique
israélienne, tel n’a jamais été le cas des pays arabes : l’antisionisme n’a
jamais été, à leurs yeux, que la remise en cause fondamentale de l’existence
même de l’Etat d’Israël donc de sa légitimité. Ces pays ne se sont d’ailleurs
pas trompés sur le sens des mots dans la mesure où le sionisme est bel et bien la
doctrine prônant le retour des Juifs sur leur terre ancestrale.
Plus hypocrites, les
Européens ont tenté de maintenir cette fiction qui les arrangeait. Il y eut la
critique dite légaliste des « territoires occupés », comme si ceux-ci
n’étaient pas la conséquence directe de l’agression arabe contre Israël en juin
1967 : qu’Israël ait gagné cette guerre en six jours ne doit en rien
occulter l’origine de ce conflit qui était l’acte de guerre que constituait la
fermeture unilatérale par le colonel Nasser du canal de Suez. La France elle-même
n’avait-elle pas occupé la Rhénanie en 1918 afin de se prémunir d’une nouvelle
agression allemande ?
Puis il y eut, à
travers la question du mur de défense érigé par Jérusalem, la tentative de
discréditer Israël en l’assimilant à l’Afrique du Sud raciste du temps de l’apartheid.
Une telle assimilation est pour le moins spécieuse dans la mesure où Israël, à
la différence de l’ancienne Afrique du Sud dont l’existence en tant qu’Etat n’a
jamais été remise en cause, a impérativement besoin de se protéger contre le
terrorisme palestinien ou islamiste. Enfin vint l’appel plus subtil au boycott
des produits en provenance d’Israël. Les communistes, dont sait l’attachement qu’ils
ont pour les libertés, y répondirent aussitôt. L’université française fit de
même en restant fidèle à ses engagements pro-palestiniens.
Le dérapage, on l’a
aujourd’hui avec l’appel sur Facebook
d’un ancien député communiste du Val de Marne et membre actif de l’association France-Palestine,
Jean-Claude Lefort, aux populations musulmanes de France. Un appel qui prend la
forme d’un avertissement aux populations musulmanes : « Bientôt le Ramadan : attention à vos achats,
ceci sont des feuilles de brick israéliennes, regardez en bas au centre a-t-il
recommandé tout en joignant à son conseil une photo du logo de l’entreprise
incriminée. Pas de chance : l’entreprise visée n’était en rien israélienne
mais le logo dénoncé était bel et bien le label casher.
Résumons-nous :
cet ancien parlementaire, emporté par sa frénésie anti-israélienne, n’a pas supporté
de devoir s’en tenir à la distinction classique antisionisme-antisémitisme et a
ainsi révélé le fond de sa pensée profonde en appelant au boycott de produits
juifs, qu’ils soient d’origine israélienne ou non.
Rappelons à tout hasard
que ce boutefeu, qui n’est en rien isolé, a formulé son avertissement alors que
les attentats de janvier sont encore dans les mémoires de même que les agressions
antisémites de fin 2014 à Créteil ou encore que les rixes de Sarcelles l'été
dernier.
Soulignons également
que les musulmans de France, eux, n’ont rien demandé de tel. Depuis la
révélation de l’incident, Jean-Claude Lefort a pris soin de retirer la page
litigieuse de son mur. Celle-ci aura tout de même eu le temps d'engendrer plus
de 300 «J'aime» et nombre de commentaires assaisonnés. Conscient d'avoir attisé
un feu qui ne s'éteint jamais vraiment, l'auteur de ce post affirme : « il
n'est nullement question de boycott. Il s'agit d'informer chacun et chacune sur
les produits en vente de sorte d'acheter ou non en toute connaissance de cause.
Ni plus ni moins ». Un outil à la consommation, en quelque sorte. Ben voyons !
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