Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

mercredi 17 juin 2015

Pathétique



Un magistrat qui comparaît devant un tribunal pour violation du secret de l'instruction. Bof !

Il y a peu à la Cour d’appel de Montpellier, lors d’une audience consacrée à l’affaire des paris suspects contre l’équipe de handball locale, le procureur s’est autorisé à houspiller à la barre une des personnes en cause, à savoir la compagne de Luka Karabatic, en des termes plutôt abrupts : « Ne faites pas la cruche ! »

Certes, comme tout un chacun, il est loisible à ce magistrat d’éprouver de l’agacement face à un système de défense plutôt boiteux mais doit-il pour autant ignorer que son irritation a des limites ? Peut-il, en l'espèce, se permettre des insultes d'autant plus facilement que, par définition, on ne réplique pas à un Procureur ?

Eh oui ! Les procureurs, comme les autres magistrats d’ailleurs, se croient aujourd'hui tout permis au point d’outrepasser jusqu’aux convenances les plus élémentaires. Celui de Montpellier n’est guère le seul. Souvenons-nous simplement de Jean-Louis Burgaud, le si exécrable juge d’instruction de l’affaire d’Outreau. Lui aussi, fort sans doute de ce qu’on lui avait enseigné à l’Ecole nationale de la magistrature, donnait volontiers dans la rudesse verbale et dans l’arrogance. A l’abri de ses murs – entendons son cabinet de juge d’instruction – il pouvait à peu près tout s'autoriser. Il est vrai qu'au moment de sa mise en cause et de sa comparution publique, face à M. Philippe Houillon notamment, l’intéressé avait l’air beaucoup moins faraud : un véritable petit garçon apeuré et désorienté, à dire de témoins ou même de téléspectateur. Comme faisait dire Audiard à un des héros des Tontons flingueurs, « quand ça change, ça change » …

Mais n’accablons pas uniquement le si regrettable juge Burgaud qui, s’il a perdu de sa superbe depuis lors, n’en a perdu ni son job ni sa progression de carrière – merci pour lui. Il y eut bien d'autres exemples dans le passé. A commencer par l'inénarrable Eva Joly qui n'hésita nullement, des années durant, à traîner Roland Dumas dans la boue, l'affaire s'achevant finalement par un non-lieu avec des attendus accablants pour la juge d'instruction qu'était Joly. Il y eut aussi l'acolyte de Joly, à savoir Laurence Vichniewski dont l'impudence alla jadis, alors qu'elle venait d'être nommé à la tête du tribunal de grande instance de Chartres, jusqu'à snober l'astreinte à résidence et à continuer d'habiter Paris. Aux dernières nouvelles, Mme Vichniewski est toujours magistrate et se présente aux élections régionales : sur la liste socialiste, soyons-en rassuré. La neutralité politique de la magistrature ? Calembredaine, le Syndicat de la Magistrature restant coi après son exploit du "mur des cons" ...

Plus récemment, un autre exemple vient de nous être fourni par une ancienne magistrate du tribunal de Nanterre qui avait été juge d’instruction dans l’affaire Bettencourt, Isabelle Prévost-Desprez. Cette fille de médecin généraliste brille sans doute moins, quant à elle, par son arrogance verbale que par un aplomb à toute épreuve. A la suivre, il serait normal qu’un magistrat entretienne des relations suivies avec un journaliste du Monde au point de cosigner un ouvrage avec lui. De même serait-il purement fortuit que des éléments de l’instruction, dont on a la naïveté d'imaginer qu'ils pourraient être couverts par le secret de l’instruction, se retrouvent régulièrement dans ce quotidien prétendument « de référence ».

Pour cette raison même, et malgré quelques hésitations de la chancellerie qui ne l'honorent pas particulièrement - mais, avec Mme Taubira, plus rien ne doit nous étonner - l’intéressée se retrouve à présent devant le tribunal correctionnel pour violation du secret professionnel. Elle se dit scandalisée par ce procédé si peu souvent usité. Enfin quoi ! Qui croit encore au secret de l’instruction, comme d’ailleurs à la présomption d’innocence ? Ne lui a-t-on pas suffisamment enseigné que les magistrats étaient au-dessus des lois et qu’ils pouvaient tout se permettre tout en n’ayant à répondre de rien ? Sarkozy en sait quelque chose, lui qui s'échina en vain à remettre en cause ces privilèges.

En théorie, le délit qu’on reproche à Mme Prévost-Desprez est passible d’un an de prison et de 15 000 euros d’amende. Ne rêvons pas, cette théorie est faite pour être appliquée aux pékins de base et non à nos éminents magistrats. Au demeurant, peu importe la sanction. Ce qui est insupportable, et au fond assez pathétique, c’est la propension qu’ont nos magistrats, dès lors qu’ils sont pris la main dans le pot de confiture, de se poser en victime et de refuser d'assumer les conséquences de leurs actes. Enfin, les entend-on déjà se défendre, est-ce si répréhensible de connaître un journaliste du Monde voire un journaliste de Mediapart ? Et puis, c’est si gauchistement tendance. Comme par hasard, ces deux organes de presse n'ont pas manqué de voler au secours de la magistrate en la décrivant comme "indocile" et en vantant son "esprit d'indépendance" - entendons par là que ce n'est pas une personne classée à droite - non sans soulever l'illégitimité supposée de son procès. On n’en attendait pas moins de ces journalistes qui n'ont point pour habitude de mordre la main qui les nourrit.

Le Procureur du tribunal correctionnel de Bordeaux, qui juge l’affaire, aura-t-il l’audace de houspiller Mme Prevost-Desprez en reprenant les termes de son collègue de Montpellier : c'est à dire en lui reprochant de « faire la cruche » et de prendre les gens pour des idiots ? Tout porte à croire que c’est fort peu probable. Mais c’est si facile, et sans risque, de le faire à l'encontre d'une compagne de handballeur, fût-il international … 

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