Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

jeudi 18 juin 2015

Grouchy ou … Groucho ?



Il est des célébrations historiques étranges. Celle du bicentenaire de la bataille de Waterloo en fait assurément partie.

On m'accordera charitablement que je ne suis pas du genre à prendre l’histoire par-dessus la jambe. Tout de même ! Il est des célébrations qui laissent songeur. Je pense à la douzaine d’ouvrages qui viennent d’être presque simultanément publiés en prévision de l’« événement ». Au fond, qu’y a-t-il à célébrer ? Pas tant la chute fascinante d’un héros romantique qui aura fait rêver la France que la fin inéluctable d’une certaine image, enviée et conquérante, de notre pays. Ce n’est pas rien. D’ailleurs, s’il est un temps où notre pays put incarner un modèle sans faire rire, ce fut bien celui-là. 

Nos « amis » anglais détestent traditionnellement Napoléon et c’est bien leur droit, même s’ils poussent le bouchon un peu loin en s’arrogeant sans vergogne la « victoire » de Waterloo alors que, comme le général de Gaulle en fit un jour la remarque, Wellington sans Blücher et malgré les cornemuses des   highlanders

D’autres Anglo-Saxons comme les Néo-Zélandais, par exemple, ne sont pas en reste. Combien de fois aurai-je entendu, durant mon séjour diplomatique dans ce pays, mes hôtes soutenir le plus sérieusement du monde que Napoléon fut encore pire qu’Hitler. Mais sans doute, me dis-je aujourd’hui, devaient-ils ignorer que Napoléon n’était pour rien dans l’affaire du Rainbow Warrior.

Si l’on peut excuser à la rigueur les étrangers de leur méconnaissance de notre héros national et de son œuvre, la désinvolture passe beaucoup plus mal dès lors qu’il s’agit de nos concitoyens. Ayant toujours eu beaucoup de mal à se débarrasser de ses oripeaux trotskystes, Lionel Jospin, dont on ne soupçonnait pas jusque-là les compétences d’historien, voit ainsi essentiellement en l’Empereur un tyran sanguinaire. Il est certain que, pour lui, le Progrès révolutionnaire s’est arrêté à Robespierre et au 9 thermidor : enfin « progrès » si l’on veut, à considérer les bienfaits de la guillotine – qui n’est jamais autant révérée que par les partisans actuels de l’abolition de la peine de mort - et le quasi-génocide des Vendéens auquel se sont livrés nos révolutionnaires si espiègles dont on oublie un peu trop facilement l’un des mots d’ordre favoris issu de l’imagination du citoyen Saint-Just : « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ».

Mais il y a encore pire, si l’on ose dire, pour avoir écouté sur une station de radio sérieuse, Laurent Joffrin, le patron actuel de l’Obs, reconnaître sa fascination pour l’Empereur ainsi que pour la bataille de Waterloo. C’est tout à son honneur, en un sens. A l’entendre de la sorte, on l’imaginerait presque dans son bureau de patron de presse en train de mettre en ordre de bataille ses petits soldats de plomb de la Grande Armée, entre une chronique venimeuse contre Sarkozy et un panégyrique de la « vraie gauche » dont il serait un des seuls à connaître le secret de fabrication.

Là où l’affaire devient franchement hilarante, reconnaissons-le, c’est lorsque Joffrin paraît s’émouvoir du romantisme qui émane du personnage de l’Empereur, son côté « homme sorti de nulle part », sa dimension « seul contre tous ». Joffrin en romantique ? Certes, comme disait Giscard à Mitterrand, nul n'a le monopole du coeur. C’est étrange, je voyais plutôt en lui un sectaire au ton faussement patelin ou, mieux encore, un délateur de la pire espèce n’hésitant pas à jeter à la vindicte du peuple de gauche des noms de « traîtres » intellectuels … un peu comme on le faisait à la tribune de la Convention et au Club des Jacobins. Joffrin parlant de Grouchy ? C’est plutôt du Groucho, le cigare en moins évidemment.

Mais bon, comme dirait l’autre, le chapeau bicorne de l’Empereur est assez large pour abriter un peu tout le monde. Pas Jospin ? Soit. Toutefois quel est le benêt qui aura la stupidité de célébrer le bicentenaire du désastre absolu de la gauche … le 21 avril 2202 ?

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