Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

dimanche 9 octobre 2016

Le bon, le très bon, l'excellent M. Cazeneuve




Les petites blagues en moins, Bernard Cazeneuve s'est affirmé, pour le pire, comme un des ministres les plus typiques de la hollandie.

Il est là sans être là. Discret, effacé, poli, le timbre de voix feutré qui sied aux salons où l’on reste entre soi : sous-entendez à l’écart de l’agitation ambiante, loin, bien loin de la populace et de ces démagogues politiquement incorrects qui ont l’outrecuidance de soulever des questions gênantes. Le show off, la flamberge et l’espièglerie sont aussi peu faits pour Bernard Cazeneuve qu’une pelisse en fourrure à un Rwandais.

L’homme est parfaitement lisse et son absence d’aspérité est illustrée par un physique quelconque voire fade : un de ceux dont on ne se souvient guère après l’avoir croisé. Pour n’être pas voulue, une neutralité aussi caricaturale ne semble pas vraiment le chagriner. Il se conçoit au-delà de l’écume des choses comme doit l’être tout homme de pouvoir. Et il relève assurément d’une telle catégorie, minutieux par réflexe, madré sans en donner l’air, rancunier aussi sans doute sous son vernis d’humanité bonhomme.

Il est le ministre de l’intérieur en titre, le successeur des Sarkozy, Joxe, Pasqua ou encore Clemenceau. Des hommes de caractère c'est à dire tout ce qu’il n’est pas car Cazeneuve, lui, n’est qu’un homme de devoir. On l’imaginerait davantage secrétaire d’Etat à l’artisanat ou au commerce extérieur qu’à la place Beauvau mais les nominations ministérielles sont ainsi faites qui obéissent parfois à des considérations étranges. Auparavant, il était passé pour ainsi dire par effraction aux Affaires européennes où l’on se souvient d'ailleurs aussi peu de lui qu’on se souviendra de l’actuel, Harlem Désir. Puis on l’avait retrouvé à Bercy, au Budget en remplacement de Jérôme Cahuzac, s’excusant presque de lui prendre sa place.

Pourtant, en toute circonstance, Cazeneuve fait le job. Le sens de sa mission et la reconnaissance envers le responsable de sa bonne fortune sont une seconde nature chez cet ancien élu de Cherbourg. On l’aura compris, Cazeneuve n’est pas Macron. Nonobstant la courbe du chômage, tout aurait été si bien sans ce terrorisme si inopportun ! Las, c’est bien l'endroit où le bât blesse car ledit ministre s’avère d’une transparence consternante et d’une placidité horripilante face aux drames que traverse la France.

Lors des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher ainsi que de celui du Bataclan, il était une fois encore là sans être là, laissant sans barguigner la vedette à « moi-président » qui s’empressait d’engranger les dividendes politiques de la tragédie. On aurait pu se plaire à imaginer que le ministre se trouvait alors aux manettes, dans l’ombre et la discrétion, pour veiller bec et ongles à la sécurité des Français. Ce n’est guère son style et, depuis l’attentat de Nice, le 14 juillet dernier, on sait que ce n’est pas le cas.

S’il s’est sorti tant bien que mal du procès en incompétence qui lui a été alors intenté et de la polémique qui s’en est suivie, on garde en mémoire les critiques insolentes du journal, pourtant de gauche, Libération dénonçant « les arrangements avec la réalité, l’absence de transparence et donc de responsabilité des services de l’État. »

Bernard Cazeneuve n’a cure de tels remous et, impavide, poursuit son petit bonhomme de chemin comme si de rien n’était. D’ailleurs « moi-président » ne loue-t-il pas son « sang-froid », sa « compétence » et sa « rigueur » ?

Ces tout derniers jours, le ministre de l’intérieur vient de donner un nouvel aperçu de telles qualités estampillées Hollande en s’abstenant soigneusement de réagir au scandale de Farouk Ben Abbès, cet islamiste assigné à résidence au lendemain du Bataclan mais qui continue tranquillement de percevoir le RSA. Pas gênés pour un sou, les services de l’Etat ont cru pouvoir se dédouaner en alléguant que « sa dangerosité supposé ne fait pas partie des critères prévus par les textes … »

Dangerosité seulement « supposée » pour cet individu dûment fiché S ? Bigre ! Or l’excellent M. Cazeneuve n’est pas loin de le penser lui aussi. Il vient ainsi de refuser aux maires, sur ce ton d'indignation prude qui décidément le caractérise, la communication de l’identité de tels ressortissants qui résideraient sur le territoire de leur commune. Raison invoquée : un impératif de « confidentialité » qui, à bien le suivre, s'avère ainsi plus important que l'impératif de sécurité des Français. Certes, les juges et la cour de cassation auraient veillé scrupuleusement à la préservation de l'Etat de droit, oublieux à cet égard des menues espiègleries que leurs devanciers avaient pu commettre sur ce plan à l'époque de Vichy. Mais le ministre aurait pu au moins donner l'impression de ruer dans les brancards et de prendre les Français à témoin ainsi que leurs représentants, ceux qui font les lois. Peine perdue, ce n'est guère son genre : pas un mot plus haut que l'autre, la compassion toujours en bandoulière envers les victimes et le sens des convenances en étendard.

Nous, Français, pouvons néanmoins dormir tranquille. Il se trouve actuellement 15 000 fichés S dans notre beau pays et le ministre nous assure qu’ils sont tous surveillés … tout en s'abstenant de préciser que les forces de l’ordre ne pourront les appréhender qu’une fois seulement leur forfait commis. Pas avant, bien sûr, car ce serait par trop nauséabond. Les convenances, vous dit-on.

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