Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

jeudi 9 juillet 2015

Coupe-file malencontreux



Dieudonné au Palais de justice de Paris : ou comment l’Etat en vient à se disqualifier.

Scène authentique vue au Palais de justice de Paris, il y a quelques jours à peine. Une file de gens, longue de deux cent mètres, qui bataillent sous la canicule de juillet avant de pouvoir être admis à l’intérieur du Palais, une fois franchis les portiques et contrôles d’usage.

Quotidien, un tel spectacle prête à sourire dans la mesure où cette file, composée de justiciables pour l’essentiel, jouxte voire télescope une autre file formée de touristes venus visiter la Sainte Chapelle. Ce qui prête moins à sourire, en revanche, est l’arrivée inopinée de Dieudonné M’bala M’bala – celui qu’on s’obstine encore à qualifier d’« humoriste » - qui, loin de prendre la file comme tout un chacun, s’en va directement voir les policiers afin de pouvoir bénéficier d’un traitement de faveur. Il faudrait tout de même voir à ne pas confondre un artiste avec un pékin de base.

Que croyez-vous qu’il advint ? Les policiers firent droit sans barguigner à la demande du repris de justice. Et voilà l’intéressé admis à l’intérieur du Palais en un tournemain, au nez et à la barbe de tout le monde. Il y eut bien quelques grincements de dents ou quelques grognements voire quelques timides récriminations polies auprès de la maréchaussée. Las, celle-ci fit résonner l’antienne trop habituelle : « Je ne suis pas là pour ça » …

Qui a donné l’ordre de réserver ce qui est à l’évidence un traitement de faveur à Dieudonné ? On se le demande et il est à parier que l’incident restera noyé dans les méandres d’une hiérarchie administrative plus opaque que jamais. Il est permis de présumer que la raison d’une telle mansuétude pourrait être un risque de trouble à l’ordre public si Dieudonné était resté coincé de longues minutes parmi la foule. Certes, mais alors pourquoi ne pas le dire ouvertement ? Car le privilège accordé à Dieudonné au vu et au su de tout le monde ne peut que le gonfler d’importance et, pire encore, le conforter dans son sentiment d’impunité : en effet, malgré toutes les condamnations qu’il traîne, l’Etat par le truchement de ses représentants ne lui fait-il pas encore des courbettes ?

Au fond, Dieudonné joue avec les pouvoirs publics un peu de la même façon que Tsipras joue avec l’Europe. Pourquoi s’en priverait-il ? Moins il a de répondant face à lui et plus il joue, se prend pour une star, non sans mettre au passage quelques rieurs de son côté. A propos de rieur, vu à la télé lors d’une retransmission du tournoi de tennis de Wimbledon : Nicolas Anelka, une autre « star », en compagnie amicale de Mansour Bahrami, ancien tennisman de seconde catégorie et présentement histrion patenté, couvé par Yannick Noah et Djamel Debbouze. Djamel, vous savez, celui qui trouve Dieudonné irrésistiblement drôle. Noah, vous savez, celui qui s’étonnait – pour le déplorer, n’en doutons pas un seul instant – à l’époque où il jouait le tournoi de Flushing Meadow qu’il y eut autant de juifs à New York. 

Dieudonné, Noah, Debbouze : que du beau monde ayant pignon sur rue dans notre décidément triste société française. Et qui vote résolument à gauche, cela va de soi.

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