Nicolas
Sarkozy a-t-il changé ? N’a-t-il pas changé ? Cette question taraude
le microcosme politique depuis peu. Elle n’en est pas moins d’une stupidité
affligeante.
Nos politiques et nos
commentateurs se prendraient-ils pour des psychanalystes ? Dans ce cas, l’exercice
auquel ils se livrent depuis hier soir est rien moins que pitoyable. Depuis
hier soir, en effet, et précisément la fin de l’interview de Nicolas Sarkozy
par Laurent Delahousse sur France 2,
il n’est question que de savoir si l’ancien président a changé ou pas. Etant implicite
que le fait de ne pas avoir changé serait un lourd handicap, quasi éliminatoire,
pour lui.
Il a été souvent prétendu
que Sarkozy aurait perdu l’élection de 2012 en grande partie sur sa
personnalité : trop énergique, trop égocentrique, trop hyper-président, trop
bling-bling, trop agité, etc. Mais n’a-t-on pas eu le temps, depuis deux ans et
demi, de prendre la mesure d’un président « normal » ? J’entends
par là un président mou et indécis que l’idée même de choisir et a fortiori de
trancher révulse au plus haut point ? D’un président dont les frasques
amoureuses en scooter ont ridiculisé notre pays ? Faut-il vraiment préférer
le second au premier ? Quoique dans un pays surprotégé et tétanisé par le
principe de précaution entre autres fadaises, le caractère – ou plutôt l’absence
de caractère - de Hollande comme l’irresponsabilité érigée en dogme serait davantage
dans l’air du temps.
Mais passons. Au fait,
dans les années 70, Giscard d’Estaing ne traitait-il pas lui aussi son premier
ministre d’« agité » ? Il s’agissait alors d’un certain Jacques
Chirac. Il est vrai que VGE n’était pas le pire dans ce domaine de la
psychologie politique puisqu’un journaliste du Monde et non des moindres, Pierre Viansson-Ponté, voyait au même
moment en Chirac de « la graine de dictateur » …
Comme on se trompe, n’est-ce
pas ? Et l’on se trompe d’autant plus facilement que sera campé de la
personne visée un portrait caricatural. A plus forte raison si ce portrait est
repris à l’unisson comme une évidence et amplifié par des médias peu
regardants. C’est précisément ce qui arrive aujourd’hui à N. Sarkozy. Au fond,
quoi qu’il eût déclaré hier, on en aurait déduit qu’il n’avait pas changé.
Voyez donc comme il est agressif ! Après tout, quand on est tête de gondole sur
le « mur des cons » du Syndicat de la magistrature, il paraît logique
de l’accepter sans sourciller. Après tout, quand Hollande ment d’une façon
éhontée et répétée depuis deux ans et demi, il est de bonne éducation de s’abstenir
de faire la moindre remarque et de faire comme si.
En fait, des tas de
gens avaient estimé avant même de l’écouter à la télé que Sarkozy n’avait pas
changé – qui d’ailleurs peut vraiment changer à la soixantaine bien sonnée ?
– parce que c’était politiquement correct, tout simplement.
Le cas d’une haine à ce
point planifiée et aussi méthodiquement régentée, au-delà même du temps qui s’écoule,
est assez unique en France. Il s’est pourtant déjà produit aux Etats-Unis avec
Richard Nixon. Nixon, l’homme qu’on aimait détester, celui qu’on n’aurait
jamais pris en auto-stop. L’homme que les journalistes raillaient volontiers
parce qu’ils avaient décidé une fois pour toutes qu’il était un mauvais client.
L’homme qui était tenu pour un mauvais perdant, bien qu’il eut accepté de
perdre une élection – celle de 1960 – que son adversaire, un certain J.F
Kennedy, n’aurait sans doute jamais remportée s’il n’en avait pas truqué
certains Etats-clés. L’homme qui, pour peu, aurait été tenu pour responsable de
l’assassinat de Dallas, au motif qu’il s’y trouvait lui-même au matin de ce fatidique
22 novembre 1963.
La cause d’une haine
aussi tenace ? D’un côté, ce qu’on appellerait de nos jours volontiers le « délit
de sale gueule », Nixon n’étant pas précisément photogénique comparé au
profil de playboy de JFK. D’un autre côté et surtout, ses engagements
anticommunistes du début des années 50, à commencer par la fameuse « affaire
Alger Hiss » : du nom de ce diplomate aussi gauchisant que talentueux
mais qui avait été convaincu de trahison au profit de l’URSS. Les preuves
accablant Hiss étaient bien réelles et le seul tort de Nixon avait été de les
mettre à jour. Hiss fut condamné à de la prison et les libéraux ne devaient
jamais le lui pardonner. Ils avaient donc poursuivi Nixon de leur haine pendant
plus d’un quart de siècle … jusqu’au Watergate où l’on retrouva Archibald Cox,
défenseur de Hiss en son temps et kennedyste inconditionnel, dans la charge de
procureur spécial acculant Nixon à la démission.
La morale de cette
histoire ? Quelle que soit la haine, infondée ou même irrationnelle, qui
peut être déclenchée contre quelqu’un, il arrive parfois un moment où la vérité
se fait et où les yeux se décillent. Trop, c’est trop ! Ne trouve-t-on pas
que cela fait beaucoup pour un seul homme ? Un caractère agité et agressif ;
des affaires en cascade, où une nouvelle vient immanquablement remplacer celle qui est en
train de se dégonfler ; des dettes d’Etat et des augmentations d’impôts,
comme si les autres présidents avaient été vertueux en ce domaine ; de l’argent
qu’il gagne en pagaille, au point que cela devient vite suspect (surtout en France,
il est vrai) ; du bling-bling, Fouquet’s et yacht de Bolloré …
N’y aurait-il pas au
moins un aspect où il pourrait au moins rentrer en grâce ? Eh bien non ! Et
c’est cela précisément qui ne laisse d’apparaître louche. Tout serait donc à
jeter chez Sarkozy comme cela avait été le cas pour Nixon.
Mais quelle importance,
au fond, face à un tel déchaînement d’outrances ? Pour mémoire, Richard
Nixon, après avoir été défait en 1960 et stagné au fond du trou pendant les
années Johnson, a bel et bien réussi un comeback
surprenant pour devenir président des Etats-Unis et même se faire réélire
triomphalement quatre ans plus tard. A bon entendeur …
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