Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

lundi 22 septembre 2014

Changé ? Pas changé ?


Nicolas Sarkozy a-t-il changé ? N’a-t-il pas changé ? Cette question taraude le microcosme politique depuis peu. Elle n’en est pas moins d’une stupidité affligeante.

Nos politiques et nos commentateurs se prendraient-ils pour des psychanalystes ? Dans ce cas, l’exercice auquel ils se livrent depuis hier soir est rien moins que pitoyable. Depuis hier soir, en effet, et précisément la fin de l’interview de Nicolas Sarkozy par Laurent Delahousse sur France 2, il n’est question que de savoir si l’ancien président a changé ou pas. Etant implicite que le fait de ne pas avoir changé serait un lourd handicap, quasi éliminatoire, pour lui.

Il a été souvent prétendu que Sarkozy aurait perdu l’élection de 2012 en grande partie sur sa personnalité : trop énergique, trop égocentrique, trop hyper-président, trop bling-bling, trop agité, etc. Mais n’a-t-on pas eu le temps, depuis deux ans et demi, de prendre la mesure d’un président « normal » ? J’entends par là un président mou et indécis que l’idée même de choisir et a fortiori de trancher révulse au plus haut point ? D’un président dont les frasques amoureuses en scooter ont ridiculisé notre pays ? Faut-il vraiment préférer le second au premier ? Quoique dans un pays surprotégé et tétanisé par le principe de précaution entre autres fadaises, le caractère – ou plutôt l’absence de caractère - de Hollande comme l’irresponsabilité érigée en dogme serait davantage dans l’air du temps.

Mais passons. Au fait, dans les années 70, Giscard d’Estaing ne traitait-il pas lui aussi son premier ministre d’« agité » ? Il s’agissait alors d’un certain Jacques Chirac. Il est vrai que VGE n’était pas le pire dans ce domaine de la psychologie politique puisqu’un journaliste du Monde et non des moindres, Pierre Viansson-Ponté, voyait au même moment en Chirac de « la graine de dictateur » …

Comme on se trompe, n’est-ce pas ? Et l’on se trompe d’autant plus facilement que sera campé de la personne visée un portrait caricatural. A plus forte raison si ce portrait est repris à l’unisson comme une évidence et amplifié par des médias peu regardants. C’est précisément ce qui arrive aujourd’hui à N. Sarkozy. Au fond, quoi qu’il eût déclaré hier, on en aurait déduit qu’il n’avait pas changé. Voyez donc comme il est agressif ! Après tout, quand on est tête de gondole sur le « mur des cons » du Syndicat de la magistrature, il paraît logique de l’accepter sans sourciller. Après tout, quand Hollande ment d’une façon éhontée et répétée depuis deux ans et demi, il est de bonne éducation de s’abstenir de faire la moindre remarque et de faire comme si. 

En fait, des tas de gens avaient estimé avant même de l’écouter à la télé que Sarkozy n’avait pas changé – qui d’ailleurs peut vraiment changer à la soixantaine bien sonnée ? – parce que c’était politiquement correct, tout simplement.

Le cas d’une haine à ce point planifiée et aussi méthodiquement régentée, au-delà même du temps qui s’écoule, est assez unique en France. Il s’est pourtant déjà produit aux Etats-Unis avec Richard Nixon. Nixon, l’homme qu’on aimait détester, celui qu’on n’aurait jamais pris en auto-stop. L’homme que les journalistes raillaient volontiers parce qu’ils avaient décidé une fois pour toutes qu’il était un mauvais client. L’homme qui était tenu pour un mauvais perdant, bien qu’il eut accepté de perdre une élection – celle de 1960 – que son adversaire, un certain J.F Kennedy, n’aurait sans doute jamais remportée s’il n’en avait pas truqué certains Etats-clés. L’homme qui, pour peu, aurait été tenu pour responsable de l’assassinat de Dallas, au motif qu’il s’y trouvait lui-même au matin de ce fatidique 22 novembre 1963.

La cause d’une haine aussi tenace ? D’un côté, ce qu’on appellerait de nos jours volontiers le « délit de sale gueule », Nixon n’étant pas précisément photogénique comparé au profil de playboy de JFK. D’un autre côté et surtout, ses engagements anticommunistes du début des années 50, à commencer par la fameuse « affaire Alger Hiss » : du nom de ce diplomate aussi gauchisant que talentueux mais qui avait été convaincu de trahison au profit de l’URSS. Les preuves accablant Hiss étaient bien réelles et le seul tort de Nixon avait été de les mettre à jour. Hiss fut condamné à de la prison et les libéraux ne devaient jamais le lui pardonner. Ils avaient donc poursuivi Nixon de leur haine pendant plus d’un quart de siècle … jusqu’au Watergate où l’on retrouva Archibald Cox, défenseur de Hiss en son temps et kennedyste inconditionnel, dans la charge de procureur spécial acculant Nixon à la démission.

La morale de cette histoire ? Quelle que soit la haine, infondée ou même irrationnelle, qui peut être déclenchée contre quelqu’un, il arrive parfois un moment où la vérité se fait et où les yeux se décillent. Trop, c’est trop ! Ne trouve-t-on pas que cela fait beaucoup pour un seul homme ? Un caractère agité et agressif ; des affaires en cascade, où une nouvelle vient immanquablement remplacer celle qui est en train de se dégonfler ; des dettes d’Etat et des augmentations d’impôts, comme si les autres présidents avaient été vertueux en ce domaine ; de l’argent qu’il gagne en pagaille, au point que cela devient vite suspect (surtout en France, il est vrai) ; du bling-bling, Fouquet’s et yacht de Bolloré …

N’y aurait-il pas au moins un aspect où il pourrait au moins rentrer en grâce ? Eh bien non ! Et c’est cela précisément qui ne laisse d’apparaître louche. Tout serait donc à jeter chez Sarkozy comme cela avait été le cas pour Nixon. 

Mais quelle importance, au fond, face à un tel déchaînement d’outrances ? Pour mémoire, Richard Nixon, après avoir été défait en 1960 et stagné au fond du trou pendant les années Johnson, a bel et bien réussi un comeback surprenant pour devenir président des Etats-Unis et même se faire réélire triomphalement quatre ans plus tard. A bon entendeur … 

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