Il
est plaisant de gloser à l’envi sur la faillite du politique en France. Mais les
médias n’en sont-ils pas un tout petit peu responsables ?
Adossés à des sondages
d’opinion aussi accablants les uns que les autres, nos médias glosent jusqu’à
plus soif sur la médiocrité affligeante de la classe politique actuelle, à
droite comme à gauche. Comment leur donner tort ?
Pour autant, au-delà du constat, il s’agit
de s’interroger sur les causes profondes d’une telle situation. Plurielles, ces
causes ne sont pas réductibles à une hypothétique baisse de niveau de notre
personnel politique. S’il n’est pas particulièrement brillant dans son ensemble,
ce personnel n’est pas pire que ses devanciers. Il n’est que de se rappeler,
sous la IVème République, le spectacle désolant de députés faisant le coup de
poing au sein même de l’hémicycle, sous l’œil incrédule des huissiers du Palais
Bourbon. Ou, sous la IIIème République, des parlementaires s'échangeant des noms d'oiseaux voire se battant en duel à
l’épée au bois de Boulogne …
D’ailleurs, si une
partie de la classe politique pèche aujourd’hui par vacuité ou incompétence, la
presse n’en est-elle pas en partie responsable ? Cette presse, y
compris celle prétendument la plus sérieuse, toujours à l’affût de la petite
phrase assassine, du coup d’éclat sinon du scandale qui fera vendre du papier
ou grimper les taux d’audience. Cette presse qui, au lieu d’élever le débat –
sans même parler de niveau culturel - se met à
la portée de son lectorat quitte à se rabaisser sinon à donner dans le vulgaire.
Certains en douteraient-ils encore ?
Il suffit de faire une petite recension des commentaires des uns et des
autres sur la crise actuelle du pouvoir. Disons, pour être charitable, que l’analyse
le cède à l’émotion, aux facilités et au spectaculaire. Ici ou là, en effet, il n’est
bruit que de la prochaine dissolution de l’Assemblée nationale ou de la
non moins prochaine démission de François Hollande.
Comment peut-on être raisonnable,
c’est-à-dire fonder son raisonnement sur un calcul cohérent, et soutenir
en même temps pareilles billevesées ? En tout cas, c’est mal connaître la réalité
politique comme la psychologie de F. Hollande, que d’aucuns se piquent d’avoir déchiffrée.
La dissolution de l’Assemblée ?
Il faudrait pour cela que l’aimable « fronde » à laquelle nous avons
assisté ces jours derniers se mue soudain en révolte. Il est douteux que
nos députés de la gauche du Parti socialiste, y compris les forts en gueule du
genre Jérôme Guedj ou Pascal Cherki, aillent jusque-là. Pas si bêtes. Pourquoi
iraient-ils refuser la confiance au gouvernement ou voter contre le budget au
risque de scier la branche, de plus en plus fragile, sur laquelle ils sont
assis ? Lequel d’entre eux sacrifierait ses avantages confortables de parlementaire à
ses convictions ? Imaginerait-t-on tel député contraint de renoncer à étoffer sa collection de montres de luxe ? Imaginerait-on tel autre, frustré de ne pouvoir exhiber un selfie en compagnie de madame Taubira ?
Poser ces questions équivaut à y répondre. Comme d’habitude,
seuls ceux n’ayant rien à perdre peuvent se permettre de jouer les
maximalistes ou les kamikazes. Les autres rentreront dans le rang. En rouspétant peut-être, en maugréant sans doute, mais ils y rentreront volens nolens tout simplement parce qu'ils n'ont guère le choix. La question de la dissolution est ainsi purement
académique et, affirmons-le sans détour, uniquement destinée à épater le gogo.
Quant à la démission de
celui qui se prend encore pour le président, même si elle a pu faire l’objet du
feuilleton d’été du Figaro, elle paraît
encore plus irréaliste. Le simple fait de soulever une telle question dénote
d'ailleurs une méconnaissance absolue de la mentalité de l'intéressé. En effet, on sait
suffisamment depuis son passage désastreux à la tête du PS et a fortiori depuis ses deux années encore plus calamiteuses à l’Elysée, que l’homme n’a
ni autorité, ni volonté, ni conviction. Du moins pas celles qu’on serait en
droit d’attendre d’un chef d’Etat.
En revanche, il a une
obsession fermement chevillée en lui : durer au pouvoir contre vents et marées et - pourquoi pas ? - se faire réélire en
2017. Confrontées à cette obsession, les critiques comme l’impopularité ne peuvent avoir la moindre prise sur lui. Comme si ce n'était qu’un mauvais moment à passer. En attendant, mine
de rien, F. Hollande aura réussi à évincer des sphères du pouvoir tous ceux qui, dans son propre camp,
seraient susceptibles de le gêner à l’avenir : Cécile Duflot, Arnaud Montebourg et Benoît Hamon.
Ce n’est pas rien. Duflot est aujourd’hui discréditée, Montebourg marginalisé
et Hamon affaibli. Et il n’est pas dit que Manuel Valls, autre concurrent
naturel en sa qualité de locataire de Matignon, aille jusqu’au bout et que Hollande ne se choisisse pas in fine un troisième
premier ministre, qu'il jugerait plus compatible avec ses objectifs présidentiels.
De fait, comment tous ces gens, exclus du
pouvoir, pourraient-ils se trouver en mesure de contester
sérieusement, en dehors de récréations du style de celle de La Rochelle, la primauté de
celui qui reste au moins nominalement leur chef ? Certes, Hollande n'aurait plus le Parti socialiste derrière lui. Mais que pèse aujourd'hui ce parti-pétaudière ? A tout prendre, peut-être serait-il préférable de s'en passer ...
Et ce n’est pas tout.
Non content d’avoir fait le ménage dans son camp – ce que, de toute évidence, il
sait faire infiniment mieux que diriger la France – F. Hollande compte
sans doute à présent sur le retour de Nicolas Sarkozy. En effet, Hollande conserve la
certitude que rien n’a vraiment changé depuis 2012 et que le rejet de l’ancien président
par une partie de l’électorat persistera au-delà de ses propres échecs. En
clair, il suffirait de voir réapparaître Sarkozy sur le devant de la scène pour
que la gauche oublie miraculeusement ses divisions et fasse bloc comme au bon
vieux temps. Bloc derrière qui ? Derrière l’actuel
titulaire de l’Elysée, bien sûr, que celui-ci plaise ou non.
Peut-être ce calcul de
F. Hollande marchera-t-il. On le taxera alors de cynisme voire de machiavélisme. Les esthètes s'écrieront "bravo, l'artiste ! " comme à l'époque de Mitterrand. Mais peut-être cela ne marchera-t-il pas. On s'empressera alors de traiter cette stratégie de pitoyable. En tout cas, c’est de toute évidence la
sienne, tout le reste n’étant que calembredaines aguicheuses pour éditorialistes pressés. D'ailleurs, quand bien même ne lui resterait-il que 5% d’indice de
popularité favorables dans le pays – et l’on y vient peu à peu – Hollande serait
encore persuadé qu’il est le meilleur et que ses ennuis, pour être désagréables,
ne sont que passagers.
Au fond, comme on le dit souvent, tout
finit par des chansons dans notre pays. Cette belle France que le monde ne nous envie plus hélas depuis des lustres et où, désormais, la chanson en vogue est celle de la confusion des genres avec le masculin se
dissolvant dans le féminin. Les catastrophistes évoqueront le Titanic sombrant en musique sur des airs distingués. Mes références personnelles, je l'avoue, évoquent un passé plus plébéien. J'hésite pour ma
part entre Tout
va très bien, madame la marquise et Dans
la vie faut pas s’en faire. Le seul problème est que Maurice Chevalier les
chantait à la fin des années trente. A la veille d’un cataclysme majeur où la France
manqua de laisser son âme et, accessoirement, son honneur …
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