Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

mardi 2 septembre 2014

Degré zéro


Il est plaisant de gloser à l’envi sur la faillite du politique en France. Mais les médias n’en sont-ils pas un tout petit peu responsables ?

Adossés à des sondages d’opinion aussi accablants les uns que les autres, nos médias glosent jusqu’à plus soif sur la médiocrité affligeante de la classe politique actuelle, à droite comme à gauche. Comment leur donner tort ?

Pour autant, au-delà du constat, il s’agit de s’interroger sur les causes profondes d’une telle situation. Plurielles, ces causes ne sont pas réductibles à une hypothétique baisse de niveau de notre personnel politique. S’il n’est pas particulièrement brillant dans son ensemble, ce personnel n’est pas pire que ses devanciers. Il n’est que de se rappeler, sous la IVème République, le spectacle désolant de députés faisant le coup de poing au sein même de l’hémicycle, sous l’œil incrédule des huissiers du Palais Bourbon. Ou, sous la IIIème République, des parlementaires s'échangeant des noms d'oiseaux voire se battant en duel à l’épée au bois de Boulogne …

D’ailleurs, si une partie de la classe politique pèche aujourd’hui par vacuité ou incompétence, la presse n’en est-elle pas en partie responsable ? Cette presse, y compris celle prétendument la plus sérieuse, toujours à l’affût de la petite phrase assassine, du coup d’éclat sinon du scandale qui fera vendre du papier ou grimper les taux d’audience. Cette presse qui, au lieu d’élever le débat – sans même parler de niveau culturel -  se met à la portée de son lectorat quitte à se rabaisser sinon à donner dans le vulgaire.

Certains en douteraient-ils encore ? Il suffit de faire une petite recension des commentaires des uns et des autres sur la crise actuelle du pouvoir. Disons, pour être charitable, que l’analyse le cède à l’émotion, aux facilités et au spectaculaire. Ici ou là, en effet, il n’est bruit que de la prochaine dissolution de l’Assemblée nationale ou de la non moins prochaine démission de François Hollande.

Comment peut-on être raisonnable, c’est-à-dire fonder son raisonnement sur un calcul cohérent, et soutenir en même temps pareilles billevesées ? En tout cas, c’est mal connaître la réalité politique comme la psychologie de F. Hollande, que d’aucuns se piquent d’avoir déchiffrée. 

La dissolution de l’Assemblée ? Il faudrait pour cela que l’aimable « fronde » à laquelle nous avons assisté ces jours derniers se mue soudain en révolte. Il est douteux que nos députés de la gauche du Parti socialiste, y compris les forts en gueule du genre Jérôme Guedj ou Pascal Cherki, aillent jusque-là. Pas si bêtes. Pourquoi iraient-ils refuser la confiance au gouvernement ou voter contre le budget au risque de scier la branche, de plus en plus fragile, sur laquelle ils sont assis ? Lequel d’entre eux sacrifierait ses avantages confortables de parlementaire à ses convictions ? Imaginerait-t-on tel député contraint de renoncer à étoffer sa collection de montres de luxe ? Imaginerait-on tel autre, frustré de ne pouvoir exhiber un selfie en compagnie de madame Taubira ?

Poser ces questions équivaut à y répondre. Comme d’habitude, seuls ceux n’ayant rien à perdre peuvent se permettre de jouer les maximalistes ou les kamikazes. Les autres rentreront dans le rang. En rouspétant peut-être, en maugréant sans doute, mais ils y rentreront volens nolens tout simplement parce qu'ils n'ont guère le choix. La question de la dissolution est ainsi purement académique et, affirmons-le sans détour, uniquement destinée à épater le gogo.

Quant à la démission de celui qui se prend encore pour le président, même si elle a pu faire l’objet du feuilleton d’été du Figaro, elle paraît encore plus irréaliste. Le simple fait de soulever une telle question dénote d'ailleurs une méconnaissance absolue de la mentalité de l'intéressé. En effet, on sait suffisamment depuis son passage désastreux à la tête du PS et a fortiori depuis ses deux années encore plus calamiteuses à l’Elysée, que l’homme n’a ni autorité, ni volonté, ni conviction. Du moins pas celles qu’on serait en droit d’attendre d’un chef d’Etat.

En revanche, il a une obsession fermement chevillée en lui : durer au pouvoir contre vents et marées et - pourquoi pas ? - se faire réélire en 2017. Confrontées à cette obsession, les critiques comme l’impopularité ne peuvent avoir la moindre prise sur lui. Comme si ce n'était qu’un mauvais moment à passer. En attendant, mine de rien, F. Hollande aura réussi à évincer des sphères du pouvoir tous ceux qui, dans son propre camp, seraient susceptibles de le gêner à l’avenir : Cécile Duflot, Arnaud Montebourg et Benoît Hamon. Ce n’est pas rien. Duflot est aujourd’hui discréditée, Montebourg marginalisé et Hamon affaibli. Et il n’est pas dit que Manuel Valls, autre concurrent naturel en sa qualité de locataire de Matignon, aille jusqu’au bout et que Hollande ne se choisisse pas in fine un troisième premier ministre, qu'il jugerait plus compatible avec ses objectifs présidentiels. 

De fait, comment tous ces gens, exclus du pouvoir, pourraient-ils se trouver en mesure de contester sérieusement, en dehors de récréations du style de celle de La Rochelle, la primauté de celui qui reste au moins nominalement leur chef ? Certes, Hollande n'aurait plus le Parti socialiste derrière lui. Mais que pèse aujourd'hui ce parti-pétaudière ? A tout prendre, peut-être serait-il préférable de s'en passer ...

Et ce n’est pas tout. Non content d’avoir fait le ménage dans son camp – ce que, de toute évidence, il sait faire infiniment mieux que diriger la France – F. Hollande compte sans doute à présent sur le retour de Nicolas Sarkozy. En effet, Hollande conserve la certitude que rien n’a vraiment changé depuis 2012 et que le rejet de l’ancien président par une partie de l’électorat persistera au-delà de ses propres échecs. En clair, il suffirait de voir réapparaître Sarkozy sur le devant de la scène pour que la gauche oublie miraculeusement ses divisions et fasse bloc comme au bon vieux temps. Bloc derrière qui ? Derrière l’actuel titulaire de l’Elysée, bien sûr, que celui-ci plaise ou non.

Peut-être ce calcul de F. Hollande marchera-t-il. On le taxera alors de cynisme voire de machiavélisme. Les esthètes s'écrieront "bravo, l'artiste ! " comme à l'époque de Mitterrand. Mais peut-être cela ne marchera-t-il pas. On s'empressera alors de traiter cette stratégie de pitoyable. En tout cas, c’est de toute évidence la sienne, tout le reste n’étant que calembredaines aguicheuses pour éditorialistes pressés. D'ailleurs, quand bien même ne lui resterait-il que 5% d’indice de popularité favorables dans le pays – et l’on y vient peu à peu – Hollande serait encore persuadé qu’il est le meilleur et que ses ennuis, pour être désagréables, ne sont que passagers. 

Au fond, comme on le dit souvent, tout finit par des chansons dans notre pays. Cette belle France que le monde ne nous envie plus hélas depuis des lustres et où, désormais, la chanson en vogue est celle de la confusion des genres avec  le masculin se dissolvant dans le féminin. Les catastrophistes évoqueront le Titanic sombrant en musique sur des airs distingués. Mes références personnelles, je l'avoue, évoquent un passé plus plébéien. J'hésite pour ma part entre Tout va très bien, madame la marquise et Dans la vie faut pas s’en faire. Le seul problème est que Maurice Chevalier les chantait à la fin des années trente. A la veille d’un cataclysme majeur où la France manqua de laisser son âme et, accessoirement, son honneur …   

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