Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

mercredi 10 septembre 2014

Le bal des faux-culs (II)


Si elle a touché de plein fouet l'image déjà discréditée de F. Hollande, la publication du livre de V. Trierweiler en dit long sur certaines mentalités ambiantes.

La réaction de ce libraire du VIIe arrondissement de Paris est vertueuse. Ce commerçant (désolé pour ce substantif qui peut paraître infamant mais un libraire, jusqu'à preuve du contraire, est inscrit au registre du commerce : il est donc un commerçant) refuse obstinément de vendre et même de laisser empiler sur ses étals le livre de Mme Valérie Trierweiler, Merci pour ce moment. C'est son droit. Il a même placardé en devanture de sa librairie : "Nous ne sommes pas la poubelle de Mme Trierweiler. Merci pour ce moment de compréhension ..." C'est également son droit. Mais la réaction, vertueuse vraiment ?

Concédons sans barguigner que le livre signé par l'ancienne maîtresse de F. Hollande n'est pas un chef d’œuvre littéraire. L'aura-t-elle même écrit ? Certains en doutent fortement dans la mesure où, dans le microcosme journalistique, les talents d'écriture (ne parlons même pas de talent littéraire) de l'intéressée sont depuis longtemps sujet de plaisanterie. On suppute même  l'identité du "nègre" ayant commis le brulot. Mais qu'importe ce point de détail, comme dirait l'autre ! Que deviendraient nos chers libraires s'ils se mettaient subitement, mus par un "réflexe éthique" comme on dit, à refuser de vendre tous les ouvrages qui n'auraient pas été écrits par celui dont le nom figure en couverture ? Depuis des lustres, les Américains ont résolu ce genre de dilemme : depuis J.F Kennedy, précisément, qui avait signé un ouvrage, Profiles in Courage, dont chacun savait qu'il était l’œuvre de son conseiller Ted Sorensen. JFK avait même obtenu le prix Pulitzer pour récompense de sa supercherie !  

Le refus des libraires semble également interpeler, au moins indirectement, la matière même de l'ouvrage de Mme Trierweiler, qualifiée hâtivement de scandaleuse voire d’indigne. Indigne de quoi, de qui ? De la personnalité même de François Hollande ? Un ange passe, comme aurait dit le regretté Gérard de Villiers. De la fonction présidentielle ? Lol, réagiraient cette fois les blogueurs qui savent, comme tout le monde, que ce même Hollande aura tout fait pour la rabaisser, pour la banaliser sous couvert d’une pseudo-normalisation dont on mesure bien aujourd’hui les dégâts.

Mais bon, admettons ! Je ne chercherai pas querelle sur ce terrain-là. Reconnaissons volontiers que Merci pour ce moment n'est pas exactement un monument de réflexion politique, philosophique ou morale. Mais n'est-ce pas le cas, après tout, de la plupart de ces ouvrages de circonstance - politiques ou people - qui encombrent les gondoles des librairies ? Faut-il également refuser de les mettre en vente ? Faudra-t-il plus tard organiser des autodafés afin de distinguer le bon grain de l’ivraie ? Et d'ailleurs, au nom de quoi nos libraires seraient-ils habilités à s'ériger en juges du bon goût sinon de la morale ?

Je ne sache pas que la vulgarité ou le croustillant les ait arrêtés jusque-là et ait suscité en eux ce réflexe de vertueux dont ils entendent désormais se prévaloir. Sans rire. Pour revenir à ce fameux libraire du VIIe arrondissement, il me revient de source sûre que, dans un passé récent, il n'avait nullement rechigné à vendre l'ouvrage de Mme Marcella Iacub sur DSK (ouvrage ? il s’agissait bien plutôt d’un torchon truffé de notations sexuelles sordides) ou celui de Mme Cécilia Attias, règlement de comptes envers Nicolas Sarkozy. Cela en dit long a contrario sur les préférences politiques de ce commerçant comme sur ses indignations sélectives.

Faudrait-il donc sauver à toute force l’honneur du soldat Hollande ? Non, vous n'y êtes pas. Ce libraire vertueux déteste simplement le tapage qu'on fait autour de Merci pour ce moment. Il le déteste tellement qu'il est venu le dénoncer lui-même sur les plateaux de télévision ... en n'omettant évidemment pas de faire mentionner le nom de sa librairie et son adresse. Il n'y a pas de petits profits, n'est-ce pas ?

Nous vivons décidément dans un monde formidable. On raconte même que des journalistes soutiendraient ce libraire dans sa « saine indignation », au sens où Ségolène parlait naguère de « saine colère ». On en reste évidemment sans voix : que peut-on rétorquer si les journalistes se portent caution morale ?

A cet égard me revient une anecdote tirée d'un Salon du Livre à Paris. Ce jour-là, nous étions plusieurs auteurs, tous scotchés au stand de notre éditeur, à attendre le chaland secourable qui viendrait à solliciter une dédicace. Personne ne se présentait à l'horizon et l'endroit avait des allures assez lugubres de désert des Tartares.

Vint à passer un quidam qui prit place juste en face, au stand d'un éditeur voisin. Et cela se produisit d'un seul coup : une sorte de ruée vers l'or, aussi fiévreuse que subite. Dans le brouhaha général, les journalistes de presse écrite se mirent à jouer des coudes, calepin et stylos agressifs, dans un maquis de micros et de caméras. La raison ? Je vous la donne en mille. Une apparition impromptue de P. Modiano ? Ou de J.M.G Le  Clezio ? Ou encore de Julien Gracq (il était encore de ce monde) ? S’agissait-il du dernier Goncourt ? Mais non, voyons. Vous n'y êtes pas du tout. Il s'agissait de Plastic Bertrand venu présenter "son livre". Il me souvient même que, ce jour-là, les gens de presse - peut-être ceux-là même qui s'indignent aujourd'hui de l'oeuvre de Mme Trierweiler – omirent de bouder leur plaisir. Bon goût, morale, avez-vous dit ?

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