Si elle a touché de plein fouet l'image déjà discréditée de F. Hollande, la publication du livre de V. Trierweiler en dit long sur certaines mentalités ambiantes.
La réaction de
ce libraire du VIIe arrondissement de Paris est vertueuse. Ce commerçant (désolé
pour ce substantif qui peut paraître infamant mais un libraire, jusqu'à preuve
du contraire, est inscrit au registre du commerce : il est donc un commerçant)
refuse obstinément de vendre et même de laisser empiler sur ses étals le livre
de Mme Valérie Trierweiler, Merci pour ce
moment. C'est son droit. Il a même placardé en devanture de sa librairie :
"Nous ne sommes pas la poubelle de Mme Trierweiler. Merci pour ce moment
de compréhension ..." C'est également son droit. Mais la réaction, vertueuse
vraiment ?
Concédons sans
barguigner que le livre signé par l'ancienne maîtresse de F. Hollande n'est pas
un chef d’œuvre littéraire. L'aura-t-elle même écrit ? Certains en doutent
fortement dans la mesure où, dans le microcosme journalistique, les talents
d'écriture (ne parlons même pas de talent littéraire) de l'intéressée sont
depuis longtemps sujet de plaisanterie. On suppute même l'identité du "nègre" ayant commis
le brulot. Mais qu'importe ce point de détail, comme dirait l'autre ! Que
deviendraient nos chers libraires s'ils se mettaient subitement, mus par un
"réflexe éthique" comme on dit, à refuser de vendre tous les ouvrages
qui n'auraient pas été écrits par celui dont le nom figure en couverture ?
Depuis des lustres, les Américains ont résolu ce genre de dilemme : depuis J.F
Kennedy, précisément, qui avait signé un ouvrage, Profiles in Courage, dont chacun savait qu'il était l’œuvre de son
conseiller Ted Sorensen. JFK avait même obtenu le prix Pulitzer pour récompense
de sa supercherie !
Le refus des
libraires semble également interpeler, au moins indirectement, la matière même de
l'ouvrage de Mme Trierweiler, qualifiée hâtivement de scandaleuse voire
d’indigne. Indigne de quoi, de qui ? De la personnalité même de François
Hollande ? Un ange passe, comme aurait dit le regretté Gérard de Villiers.
De la fonction présidentielle ? Lol,
réagiraient cette fois les blogueurs qui savent, comme tout le monde, que ce
même Hollande aura tout fait pour la rabaisser, pour la banaliser sous couvert
d’une pseudo-normalisation dont on mesure bien aujourd’hui les dégâts.
Mais bon,
admettons ! Je ne chercherai pas querelle sur ce terrain-là. Reconnaissons
volontiers que Merci pour ce moment n'est
pas exactement un monument de réflexion politique, philosophique ou morale.
Mais n'est-ce pas le cas, après tout, de la plupart de ces ouvrages de
circonstance - politiques ou people - qui encombrent les gondoles des
librairies ? Faut-il également refuser de les mettre en vente ? Faudra-t-il
plus tard organiser des autodafés afin de distinguer le bon grain de l’ivraie
? Et d'ailleurs, au nom de quoi nos libraires seraient-ils habilités à s'ériger
en juges du bon goût sinon de la morale ?
Je ne sache pas
que la vulgarité ou le croustillant les ait arrêtés jusque-là et ait suscité en
eux ce réflexe de vertueux dont ils entendent désormais se prévaloir. Sans
rire. Pour revenir à ce fameux libraire du VIIe arrondissement, il me revient de
source sûre que, dans un passé récent, il n'avait nullement rechigné à vendre
l'ouvrage de Mme Marcella Iacub sur DSK (ouvrage ? il s’agissait bien plutôt
d’un torchon truffé de notations sexuelles sordides) ou celui de Mme Cécilia
Attias, règlement de comptes envers Nicolas Sarkozy. Cela en dit long a
contrario sur les préférences politiques de ce commerçant comme sur ses
indignations sélectives.
Faudrait-il donc
sauver à toute force l’honneur du soldat Hollande ? Non, vous n'y êtes pas. Ce
libraire vertueux déteste simplement le tapage qu'on fait autour de Merci pour ce moment. Il le déteste
tellement qu'il est venu le dénoncer lui-même sur les plateaux de télévision
... en n'omettant évidemment pas de faire mentionner le nom de sa librairie et
son adresse. Il n'y a pas de petits profits, n'est-ce pas ?
Nous vivons
décidément dans un monde formidable. On raconte même que des journalistes
soutiendraient ce libraire dans sa « saine indignation », au sens où
Ségolène parlait naguère de « saine colère ». On en reste évidemment
sans voix : que peut-on rétorquer si les journalistes se portent caution
morale ?
A cet égard me
revient une anecdote tirée d'un Salon du Livre à Paris. Ce jour-là, nous étions
plusieurs auteurs, tous scotchés au stand de notre éditeur, à attendre le chaland
secourable qui viendrait à solliciter une dédicace. Personne ne se présentait à
l'horizon et l'endroit avait des allures assez lugubres de désert des Tartares.
Vint à passer un quidam
qui prit place juste en face, au stand d'un éditeur voisin. Et cela se produisit d'un seul coup : une sorte de ruée vers l'or, aussi fiévreuse que subite. Dans le brouhaha général, les journalistes de
presse écrite se mirent à jouer des coudes, calepin et stylos agressifs, dans
un maquis de micros et de caméras. La raison ? Je vous la donne en mille. Une apparition impromptue de P. Modiano
? Ou de J.M.G Le Clezio ? Ou encore de Julien Gracq (il était encore de ce
monde) ? S’agissait-il du dernier Goncourt ? Mais non, voyons. Vous n'y êtes
pas du tout. Il s'agissait de Plastic Bertrand venu présenter "son
livre". Il me souvient même que, ce jour-là, les gens de presse - peut-être
ceux-là même qui s'indignent aujourd'hui de l'oeuvre de Mme Trierweiler – omirent
de bouder leur plaisir. Bon goût, morale, avez-vous dit ?
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