Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

vendredi 10 avril 2015

Au pays de Poulidor …



La France ne déteste rien tant que les gagnants et ceux qui osent sortir du rang. L’affaire Ibrahimovic en est le dernier exemple en date. Série à suivre …

Que la France ait une dilection particulière pour les perdants, qu’ils soient deuxièmes ou finalistes, n’est plus un scoop et depuis fort longtemps. Bien sûr, l’exemple de Poulidor, que les Français préférèrent à Anquetil dans les années 1960, vient immédiatement à l’esprit. Il en est d’autres dont le moindre, dans la sphère footballistique, n’est pas le club de Saint-Etienne qui défila triomphalement sur les Champs-Elysées en 1976 après … une finale de Coupe d’Europe perdue contre le Bayern Munich. 

L’inverse, la détestation des vainqueurs, est tout aussi vrai. Il suffit de se rappeler l’Olympique de Marseille, victorieux de cette même Coupe d’Europe en 1993, mais obligé de tout abandonner, gloire et trophées, à la suite de cette histoire archi-mineure du match truqué contre Valenciennes. Mais l’OM, à l’époque, c’était Tapie et Tapie c’était la France qui gagne et qui s’enrichit.

Au fond, malgré certaines apparences, la psychologie de la France d’aujourd’hui est parfaitement en phase avec celle de son président qui déclarait, il y a peu, ne pas aimer les riches. Le dernier exemple en date ? Celui du club du Paris Saint-Germain dont le seul tort est de bénéficier d’une manne financière exceptionnelle, à la hauteur de celles dont bénéficient depuis des lustres de grands clubs européens comme le Real Madrid, le FC Barcelone voire Manchester United. Ni plus ni moins.

La France n’est ni l’Angleterre ni l’Espagne. En Espagne, au-delà des rivalités locales, on est plutôt fier du Real ou du Barça de même qu’en Angleterre on est fier de Man’United ou de Chelsea. En France, un sondage vient de montrer que 73% des Français n’aiment pas le PSG : près de trois-quarts des Français, qui ne sont pas tous Marseillais. Pourquoi un tel pourcentage négatif ? Cela se rapporte-t-il au Qatar, qui dirige le club parisien depuis ces dernières années ? Sans doute pas. Cela renverrait-il alors à la critique habituelle qu’on fait du PSG, tenu pour une équipe de « mercenaires » ? Pas davantage. La vérité est que Paris se met à gagner tant et plus et fait désormais partie des grands d’Europe. Là est bien le nœud du problème.

Et l’on en vient inévitablement au cas de Zlatan Ibrahimovic qui est le phare de cette équipe. Joueur d’exception, à l’évidence, Zlatan est doté, comme tout grand champion aujourd’hui, d’un égo surdimensionné. Il agace parfois mais il enchante toujours ou presque. Or, le football est un jeu mais aussi un spectacle. Zlatan fait venir les gens au stade, Zlatan fournit aussi leur pâture aux journalistes. Cette situation résulte tout autant des excès de l'intéressé que de ses talents footballistiques hors normes. Seuls les gens de mauvaise foi peuvent nier l'évidence que vient encore de rappeler honnêtement l’entraîneur de l’AS St Etienne, Christophe Galtier : sans Zlatan Ibrahimovic, le championnat de France serait beaucoup plus triste et, surtout, relégué au niveau qui est le sien en Europe, celui d’une compétition de seconde zone. 

Au regard des trotte-menus et autres pousse-mégots qui  gouvernent le football français – ceux-là même, à l’instar de Noël Le Graet, élu socialiste, qui avaient eu la peau de Tapie il y a quelques années – Zlatan ne peut qu’irriter. Par conséquent, lorsqu’il se heurte physiquement à un adversaire sur le terrain, il est sanctionné plus sévèrement qu’un autre. Il en va a fortiori dès qu’il se met à critiquer l’arbitrage français.

Ah ! L’arbitrage français ! Il est tellement bon et performant qu’on ne trouve plus un seul arbitre français pour diriger un match international de haut niveau. Où sont-ils passés, ceux qui font les fiers à bras sur les terrains semaine après semaine, menaçant avec leurs cartons jaunes ou rouges, voire à présent bousculant certains joueurs ? Il n’est que de comparer ces arbitres, dont le corporatisme crispé n’a d’égal que l’incompétence, avec leur homologues en Angleterre ou en Italie : toujours souriants et, surtout, efficaces.

La dernière sortie en date d’Ibrahimovic, qui vient de lui valoir quatre matchs de suspension, est significative. La presse, qui fait manifestement chorus avec les instances de la fédération de football, a occulté allègrement les causes de cette sortie : une faute d’arbitrage scandaleusement grossière, pas une de ces fautes humaines sujettes à interprétation mais une faute d'arbitrage commise délibérément, de sang-froid comme s'il fallait que que Zlatan sorte de ses gonds. Ce qu’il fit car, en matière d’injustice éhontée, trop c’est trop. Et que les bonnes âmes ne viennent pas parler d'exemplarité : les journalistes comme les dirigeants du football ne sont pas spécialement des modèles pour ce qui les concerne.

Sans être paranoïaque, cette histoire sent sacrément le piège dirigé contre le PSG et son joueur vedette au moment même où Paris s’apprête à jouer des matchs décisifs. 

Hier la fédération française avait exclu Léonardo, le directeur sportif du PSG, de notre championnat, à la suite d’une altercation avec un des arbitres les plus nuls de France, M. Castro (rassurez-vous, il sévit toujours sur les terrains)  en jouant les juges au petit pied. La presse française avait alors applaudi à grands cris. On sait ce qu’il est advenu par la suite : la justice administrative, jusqu’au Conseil d’Etat, a désavoué les soi-disant juges de la fédération. Résultat : Léonardo lui réclame aujourd’hui 9 millions d’euros, sous l’œil goguenard de M. Le Graet qui se sait soutenu politiquement. Désormais, c’est une autre nullité crasse, M. Jaffredo qui méconnaît ouvertement une des règles élémentaires du football qui est à l’origine de l’affaire Ibrahimovic. L'arbitre n'a aucune excuse en l'espèce : il était devant l'action et a bien vu le défenseur bordelais adresser une passe à son gardien qui s'est saisi du ballon à pleines mains, ce que le règlement interdit formellement. Comment l'arbitrage pourrait-il se faire respecter avec de tels écarts ?

Cela commence à bien faire. Que l’arbitrage français soit très mauvais, on le sait déjà, mais si en plus il devient de mauvaise foi ! Comment, dans de telles conditions, peut-on avoir le culot de condamner quelqu'un qui s'insurge verbalement - et même si les termes ne sont peut-être pas des mieux choisis - contre un tel arbitrage ? L’assentiment hypocrite à nos arbitres, qui sont donc autorisés à faire n'importe quoi en toute impunité, n’en est que plus délirant. Le plus significatif est celui du quotidien L'Equipe qui se réjouit ouvertement à la une de la sanction infligée : "Zlatané !". Dans ses colonnes intérieures, ce même journal croit même devoir repérer onze "dérapages" d'Ibrahimovic dans le passé : et de mêler indistinctement des sanctions pour jeu dur, comme si Zlatan était le seul, ainsi que des propos tenus dans ... un livre. Au fond, des soi-disant dérapages qui n'existent que dans l'imagination de ceux qui en parlent. Comme s'il fallait à toute force désigner du doigt le "bad boy" et justifier a posteriori l'injustifiable de la sanction. Ce n'est certes pas la première fois que le quotidien sportif commet des erreurs monumentales de jugement, comme pourrait en témoigner rétrospectivement un certain Aimé Jacquet.

Où l’on revient à notre point de départ. Qui va prendre la défense d’un type - Zlatan Ibrahimovic - qui gagne plusieurs millions d’euros par an et ne cherche même pas à s’en excuser, hein ? Qui va prendre la défense d’un club – le PSG - que les instances du football font tout pour casser, au niveau du calendrier comme des suspensions ? Je ne doute pas qu'il y aurait des ricanements si Paris se faisait éliminer par Barcelone. Quant au prochain match PSG-Bastia - finale de la Coupe de la Ligue - alors même que plusieurs joueurs bastiais ont déjà déclaré ouvertement vouloir se livrer à un jeu dur contre Paris, il se trouve toujours un Pascal Praud pour s'insurger à l'avance qu'on "stigmatise" (nul n'est besoin de se demander où il aura été pêcher cette perle de la nov'langue) ce brave club corse dont on connaît la prédilection pour la technique et le beau jeu. 

Au fond, ils sont si nombreux en France à souhaiter que Lyon ou Marseille soit finalement champion de France… sous l’œil amusé de nos voisins européens. La France de Poulidor, vous dit-on !

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