Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

dimanche 24 mars 2013

Citoyens comme les autres

S'ils ne sont pas plus intelligents que tout un chacun - nonobstant leur passage par cette Ecole nationale de la magistrature que les intéressés tiennent pour le gotha - les magistrats ne sont pas plus stupides non plus. Ils savent fort bien qu'insistant sur le principe de la justice rendue à un ancien président de la République comme à un justiciable comme les autres, ce qui ne saurait être contesté, ils évitent d'évoquer leur propre statut. Or, il y aurait tant à dire !

Dans quelle autre profession verrait-on une faute manifeste échapper à toute forme de sanction ? Un avocat peut voir sa responsabilité civile engagée s'il se trompe, de même qu'un chirurgien peut être passible des tribunaux s'il rate une opération. Certes, pour les fonctionnaires de l'Etat c'est moins net. Mais en ce qui concerne les magistrats c'est tout à fait limpide : irresponsabilité totale. Les juges ont beau parfois jouer avec la vie des gens, commettre des erreurs qui poussant le justiciable à l'irréparable. Le tarif est le même quel que soit le cas de figure : impunité, irresponsabilité.

Il y a des années de cela, lorsque j'étais sous-préfet, une réunion nous avait mis en présence d'Eva Joly, alors au sommet de sa gloire. Cette émule de Fouquier-Tinville nous expliquait alors calmement qu'il était parfaitement normal qu'un membre du corps préfectoral puisse être mis en cause pour une mauvaise appréciation d'une situation mais pas un juge. Ce qu'il y avait de choquant, avec elle comme avec nombre de magistrats, c'était l'arrogance et la suffisance avec lesquelles était énoncée une telle certitude. Comme si les magistrats se pensaient définitivement au-dessus du reste du corps social.

La suffisance et l'arrogance, les avocats en font l'amère expérience au quotidien : réflexions insultantes en pleine audience, rires méprisants à peine voilés pendant les plaidoiries, opinions personnelles insolemment affichées et j'en passe. Le florilège est infini qui illustrerait la rigidité et la bouffissure de cette caste qui se croit supérieure parce qu'elle incarne un pouvoir intouchable et sans contrepartie ou presque.

Mieux encore, ces magistrats entendent soutenir que non seulement ils doivent rester irresponsables mais encore au-dessus de toute forme de critique ! L'affaire Sarkozy est révélatrice d'une telle mentalité mais elle est loin d'être la seule. Un quidam viendrait-il insulter un président de la République ? La peine qu'il encourrerait ne serait que symbolique au nom de la sacro-sainte liberté d'opinion dont on ne répétera jamais assez qu'elle ne présente pas de caractère absolu. Ce même quidam viendra-t-il proférer les mêmes propos à l'encontre d'un magistrat ? Cela serait jugé intolérable, insupportable par l'ensemble de cette profession qui affiche son corporatisme comme un cache-sexe.

Ainsi le juge Gentil entend porter plainte contre Henri Guaino qui l'avait accusé de déshonorer la profession et les institutions. Et alors ? Qu'auraient dit les juges si M. Guaino, en sa qualité de député, ou un représentant de l'exécutif - un ministre voire le président - avait fait l'objet d'une telle charge ? On peut déjà le deviner : rien. On doit donc en déduire que les juges ne se placent pas du tout sur un pied d'égalité avec les autres citoyens de ce pays. Mais qu'est-ce qui les les autorise à une telle prétention ? La légitimité de l'élu ? Non point. Une quelconque supériorité morale ? Pas davantage. Tout simplement le fait d'être magistrat et de se trouver de fait protégé par un statut faisant fonction de paratonnerre absolu et, croient-ils, éternel.

C'est bien là où le bât blesse. Quel que soit son autisme, la profession aurait tout intérêt à se remettre en cause même si cela n'a jamais été sa complexion naturelle. La société ? Les juges ont beau s'en moquer ou la mépriser, elle n'est pas figée. Elle évolue plus vite qu'ils ne l'imaginent et, avec elle, les mentalités collectives. Coupée de sa justice qu'elle ne comprend manifestement plus, notre société n'est plus forcément prête à accepter aujourd'hui ce à quoi elle se résignait hier encore. A ceux qui ne le comprendraient pas encore, on dira qu'il est plus facile de changer d'institution judiciaire que de changer de société.

Si le ou les juges qui ont joué ce sale tour - un "mauvais coup" porté à la République, précise Me Kiejman avec sa pertinence coutumière - à N. Sarkozy croient un seul instant qu'ils briseront sa carrière, avec la bénédiction soi-disant passive de l'Elysée, ils se trompent lourdement. Ils sont tout simplement en train de le victimiser. Ils sont au contraire de se tirer une balle dans le pied en ouvrant une voie royale à l'ancien chef de l'Etat pour son retour au pouvoir. C'est plus tard que les comptes se régleront. En toute franchise, il est à souhaiter qu'ils le soient. Enfin.

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