Caractérisée par la dictature de la communication en temps réel et par l’explosion des réseaux sociaux, notre époque laisse a priori peu de place à l’écrivain. Cette place, il doit se la faire lui-même. A lui, donc, le redoutable défi de s’imposer dans un contexte où l’immédiateté et l’émotion prennent souvent le pas sur la réflexion. Pour autant, les idées comme la réflexion n’empêchent pas les saillies, les humeurs voire, pour parler le langage actuel, la proactivité et l’interactivité. C’est la vocation même de ce blog.

Beaucoup de mes écrits ont été consacrés à l’actualité internationale, qu’il s’agisse d’Israël, du Proche-Orient et surtout des Etats-Unis, mon thème de prédilection. D’autres concernent la France et sa politique, des premières amours qu’on n’oublie pas si facilement et qui se rappellent volontiers à notre souvenir. Plus récemment, mes préférences m’ont conduit à vagabonder sur d’autres chemins, plus improbables encore : le monde du spectacle et le show-business qui reflètent d’une manière saisissante les aspirations et les illusions de nos sociétés.

Tels sont les thèmes principaux, quoique non exclusifs, que je me propose d’aborder avec vous, semaine après semaine, dans le lieu d’échange privilégié qu’est ce blog. Il va de soi que je ne me priverai aucunement d’aborder d’autres sujets qui me tiennent à cœur. Je le ferai à ma manière : directe et sans concession, parfois polémique mais toujours passionnée. Tant il est vrai que, dans ses turbulences même, la passion est la sœur jumelle de la sincérité.

mardi 5 mars 2013

La nostalgie de l'allure

On peut aisément accepter le principe d'une accélération de l'histoire. De même peut-on se résigner à ce que tout ce qui a précédé la mondialisation - en gros, à partir de la chute du mur de Berlin - relève de la préhistoire. Et pourtant ! Sans être un nostalgique rétrograde du passé, force est de reconnaître que ce dernier avait tout de même de l'allure.

Il est vrai qu'on ne s'en rend plus vraiment compte à l'heure du principe de précaution qui bride, en même temps que certains excès, les élans, les  initiatives et, pour tout dire, le meilleur de la création. Aujourd'hui, à un niveau anodin, on doit avoir honte de fumer une cigarette ou de boire un coup : j'en parle d'autant plus volontiers que je ne fume quasiment pas et consomme très modérément de l'alcool. Hypocrite en diable, la censure va jusqu'à faire retirer les photos publiques ou publicités où l'on voit certaines stars fumer ou boire. L'exemple d'Alain Delon jeune, dont on a retouché la photo en vue d'une publicité pour Eau Sauvage de Dior en gommant la cigarette qu'il tenait alors entre ses doigts, est aussi stupide que désolant. Les Etats-Unis ont d'ailleurs fait bien pire que nous. Pourtant Humphrey Bogart aurait-il été ce qu'il fut sans cigarette ? Frank Sinatra aurait-il été le même sans son verre de Jack Daniel's en main ?

L'automobile et toutes les mesures pour l'éradiquer des centre-ville ou, plus généralement, pour l'émasculer au nom du politiquement correct offrent un autre exemple. Conduire en milieu urbain devient aujourd'hui franchement ringard tandis que conduire à grande vitesse est désormais assimilé à un comportement criminel. Je puis en  convenir dans une certaine mesure. Cela ne m'empêche pourtant pas de penser que les romanciers du XXe siècle qui adulaient l'automobile n'étaient pas forcément des demeurés. Qu'on songe à Roland Barthes qui comparait l'automobile à une cathédrale des temps modernes. Qu'on pense à Paul Morand et à ses Bugatti. Qu'on se rappelle Albert Camus et  sa Facel Vega ou encore Roger Nimier et son Aston Martin. Quelle allure tout de même ! Quelle allure jusque dans la mort, ajouterais-je en gardant à l'esprit la fin tragique des deux derniers au volant de leur véhicule. Un art de vivre et de mourir. Gageons qu'il y en a de bien plus sordides de nos jours.

Le manque d'allure, le prosaïsme, la médiocrité : voilà bien la tare rédhibitoire de notre époque actuelle qui a perdu le sens de la classe et ne suscite par conséquent aucune espèce de fascination. On peut bien nous opposer une morale à trois sous, rien n'y changera. Nous nous trouvons sous l'empire de l'interdit légitimé et décomplexé et de l'autocensure larvé. Surtout, nous avons oublié le sens de l'élégance. Dans ses mots à lui de poète, Léo Ferré ajoutait : "Nous vivons une époque épique et nous n'avons plus rien d'épique". Qui pourrait sensément le contredire ? Qui pourrait nier que ce présent contemporain manque affreusement de souffle ?  Et je ne parle évidemment pas du souffle de la nicotine ...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire